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Message : Justif verticale (etait : Grille XPress)

(Alain Hurtig) - Jeudi 29 Janvier 1998
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Subject:    Justif verticale (etait : Grille XPress)
Date:    Thu, 29 Jan 1998 08:44:29 +0100
From:    Alain Hurtig <alain.hurtig@xxxxxx>

At 17:55 + 0100 26/01/98, Thierry Bouche wrote :
>C'est le fait d'aligner les lignes de texte, non ? ce qui interdit
>toute justification verticale ?
>
Bon, je reprends depuis le début ? Désolé d'être long (et puis ceux que ça
n'intéresse pas ne liront pas ! Je ne me fais aucun souci ;-)). Hormis
toute philosophie baudinesque, voyons comment ça se passe dans la pratique.

XPress connaît plusieurs façons, cumulatives, de positionner les lignes de
texte les unes par rapport aux autres. Je vais essayer de les expliquer
sans trop jargonner, afin que nos amis TeXistes ne soient pas trop perdus...

Ces procédés sont cumulatifs : ils sont tous obligatoirement présents et
interagissent (forcément !) Cependant, ils ont des ordres de priorités, pas
toujours faciles à déterminer mais qui tout de même existent. Donc, par
ordre :

1. La justification verticale proprement dite.
   Tout texte XPress est écrit dans une « boîte » nommé « bloc texte » (ces
blocs peuvent être liés entre eux, que ce soient sur une même page ou d'une
page à l'autre, afin que le texte puisse tourner, à la page d'après par
exemple).
   Ces blocs possèdent un attribut de justification verticale, en sorte que
le texte peut être en haut du bloc (si le nombre de lignes est inférieur à
la hauteur du bloc, le blanc est en bas), en bas du bloc, le blanc est en
haut), centré (blanc réparti en haut et en bas) ou justifié (première ligne
tout en haut, dernière toute en bas, le reste réparti également dans le
bloc.

2. La grille de base.
   Il s'agit d'une « grille virtuelle » (une succession de lignes
horizontales, en fait, donc pas du tout une « grille » !) appliquée à tout
le document (il n'y a qu'une grille par doc).
   On détermine son pas, et l'endroit ou elle commence (position de la
première ligne par rapport au haut de page).
   Si un paragraphe reçoit comme attribut « Aligner sur la grille », chaque
ligne verra sa base alignée sur chaque ligne de la grille, et ceci quelque
soit l'interlignage demandé pour le texte. Je m'explique : si
l'interlignage est de 11, et que le pas de grille est de 12, le texte sera
en réalité interligné de 12. Si l'interlignage est de 13, il ne peut pas
être de 12 : il sera donc de 24.
Si on est aligné sur la grille, et que le bloc est « Justifié », la
première et la dernière ligne du bloc seront effectivement alignées, et le
reste réparti dans le bloc.

3. L'interlignage.
   Pas la peine de faire de grands commentaires là-dessus. Histoire de
briller dans les dîners, sachez tout de même qu'il peut être absolu
(genre : 11 pt) ou relatif à la force de corps (genre : +1 pt), en positif
ou en négatif (en fait, c'est beaucoup plus compliqué que ça, mais passons).

4. Divers attributs de paragraphe.
   Chaque paragraphe se voit attribuer un « espace avant » sa première
ligne et un « espace après » sa dernière ligne. Cet espace est indépendant
de l'interlignage, donc un espace « après » chasse le paragraphe d'après
(nb : si on est « aligné sur la grille », n'importe quel espace « avant »
revient à faire sauter une ligne avant le paragraphe qui reçoit l'attribut,
et n'importe quel espace après revient à chasser le paragraphe suivant
d'une ligne, si lui même est aussi aligné sur la grille).

5. La présence d'objets qui habillent le texte.
   Si on pose un autre bloc (qu'il contienne du texte ou de l'image) sur un
bloc texte, celui peut chasser le texte (afin d'être habillé), de valeurs
paramétrables, à droite et à gauche, en haut et en bas.

6. Il y a encore d'autres bricoles, parfois essentielles, mais qui
n'interviennent qu'à la marge dans notre propos.

Ouf ! Pour ceux qui n'ont pas bien suivi, relisez le tout attentivement :
interro écrite la semaine prochaine :-)

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Pourquoi « aligner sur la grille » ?

Axiome : dans le cas de compo en placards (bien entendu, il ne s'agit pas
ici de publicité avec plein de lignes dans des corps différents et du texte
posé un peu partout, ni de mise en pages « grunge » ou « destroy »), donc
pour du livre, de la revue, et même de la presse, le moins qu'on puisse
demander aux lignes, c'est qu'elles soient alignées bien en rang, comme des
petits soldats.

Ordre et discipline, à bas les perturbateurs ! tel est le mot d'ordre. On a
déterminé un beau gris typographique, c'est pas maintenant que cette
grisaille, cette magnifique monotonie, va être mise en péril, non ? Donc,
interlignage constant, première et dernière lignes toujours à la même place
dans la page [1], ces deux consignes vont nous guider.

Or, des perturbateurs, non seulement il y en a toujours, mais il y en a de
plus en plus.

Passons sur le bug de XPress qui décale légèrement les lignes qui
contiennent du Symbol ou du Dingbat (et d'autres polices encore), passons
sur l'autre bug de gestion des exposants et des indices, passons sur sa
mauvaise gestion de l'interlignage de la première ligne d'un bloc texte,
passons (mais tout ceci est rattrapé, corrigé par l'alignement sur la
grille).

Il y en a de plus en plus, parce que se multiplient les exceptions (la mode
veut ça, la puissance des outils le permet) :
- Intertitres de plus en plus nombreux, avec du blanc avant et après de
valeurs différentes, de forces de corps (et donc parfois d'interlignage)
variés ;
- Inclusion d'illustrations (avec légendes !) et de formules (les machins
de chimie d'Emmanuel !) ;
- Passages de texte dans des corps différents ;
- Pictogrammes tout à faits idiots ;
- Etc.

« Aligner sur la grille » le texte courant, c'est donc la meilleure
solution, la plus contraignante et la plus simple à utiliser à la fois
(puisqu'elle marche toute seule) pour que le texte courant en question
courre effectivement toujours à la même place, quels que soient les aléas
rencontrés en chemin.

Évidemment, ça demande de sortir la calculette quand on détermine
l'interlignage et l'espace « avant-après » des intertitres, puisqu'il va
falloir qu'on retombe toujours sur un multiple de la grille - ainsi que le
faisait remarquer Jean-Michel Paris, je crois). Bon, c'est un quart d'heure
de prise de tête, et puis après on a une paix royale : le logiciel
travaille pour vous. Ça vaut le coup, non ?

Évidemment (bis), il faut penser à débrayer la fonction quand c'est
nécessaire. Je dis ça, parce que je viens de lire un truc aux éditions
Verdier [2] bourré de paragraphes de citations enchâssés dans le texte, et
composées dans un corps plus petit que le texte courant (le même que pour
les notes, je pense). Et l'imbécile qui a composé a imposé le même
interlignage à ces citations qu'au reste du texte, sans espaces avant ni
après, avec l'effet catastrophique qu'on imagine (lignes trop écartées,
donc citations difficiles à lire, voire illisibles quand elles s'étalent
sur presque toute une page).

On remarquera que ces citations posent quand même un problème : selon leur
nombre de lignes, l'espace avant ne sera pas le même que celui d'après.
Deux solutions : soit on s'en fout (mais c'est très mal), soit on
parangonne (oh ! que c'est laid... Je sais, mais je n'ai pas trouvé d'autre
façon de faire). Dans la plupart des cas, cet espace ne sera pas non plus
exactement le même d'un « bloc de citation » à l'autre, mais là je crois
qu'on n'y peut rien.

Le cas d'une mise en colonnes : à mon avis, ça ne change rien, et la
moindre des politesses due au lecteur est que les lignes de chaque colonne
tombent au même endroit, bien alignées.
   C'est parfois mis en échec, lorsqu'il n'y a aucun moyen de tricher et
qu'on a quand même une veuve à flinguer, une orpheline à zigouiller
(objection soulevée par Jean-Denis).
   Problème typique : un index où on a (par exemple) une entrée d'index en
bas de colonne, et l'unique référence à la ligne suivante, laquelle se
trouve logiquement être en haut de la colonne d'après (vous suivez
toujours ?) Resserer l'interlettrage dans un index, en général ça ne marche
pas, je me refuse à étroitiser les caractères (on a sa dignité ;-)) Et
c'est évidemment dans ce genre d'endroit qu'il n'est pas question de
laisser une ligne blanche, sinon le lecteur va avoir mal au coeur ou
s'imaginer que le livre a été mal imprimé et qu'une ligne s'est barrée. Ces
index, c'est une horreur ! Les auteurs s'imaginent pas à quel point ;-).
   Bon, ici deux cas se présentent.
- Soit on peut « chasser » une ligne, donc avoir une ligne en moins dans
une colonne. La fonction « Aligner... » additionnée à l'attribut
« Justifier » du bloc texte nous garantissent que dans chaque colonne, les
premières et dernières lignes seront alignées, et que dans la colonne où il
y a une ligne en moins, l'interlignage restera constant (quand on
« Aligne... », il n'y a aucun bug visible, cher Jean-Denis). Un décalage
d'une ligne, c'est tout petit, et le lecteur ne s'en rendra sans doute pas
compte (ça devient plus limite quand le décalage est supérieur).
- Soit on est au contraire obligé de « serrer », de mettre une ligne en
plus. Et alors c'est foutu, XPress ne permet pas de gérer ça, et il faut
débrayer la fonction « Aligner... » dans les paragraphes de la colonne
concernée (sauf pour la première et la dernière ligne, ce qui nous
garantira l'alignement en haut et en bas) et bricoler l'interlignage à la
main.

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Est-ce que ça introduit une rigidité dans la mise en pages ? (C'était la
question posée par Thierry.) Oui, c'est même le but recherché ! On parle
ici de compo courante, en placards, sans lignes sautées entre deux
paragraphes. Pour les inters, une ligne et demi avant, une demi ligne après
(à moduler selon la force du corps de l'inter, bien entendu) assure le
repos de l'oeil.

Dans des cas plus rusés (je pense à ton Mallarmé, mais ce n'est qu'un
exemple), ça peut permettre de garantir une constance de rythme dans la
position verticale des lignes, une sorte de régularité dans le chaos
apparent, donc c'est un avantage.

Bref, alignons, alignons... quand nous le pouvons. Nos lignes s'en
porterons mieux.

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[1] Cette prétention sera ruinée plus tard, par l'imprimeur et le brocheur
lesquels, dans la plupart des cas, font des décalages d'un cahier à
l'autre, et parfois même à l'intérieur du même cahier. Mais ne nous
laissons pas troubler par ces saboteurs : l'avantage de la compo virtuelle,
c'est qu'à la limite, elle n'a pas besoin d'être imprimée ! Ça permet à
tous les fantasmes d'ordre de se déployer tranquillement ;-))).

[2] Carlo Ginzburg, _Le juge et l'historien, considérations en marge du
procès Sofri_, ouvrage au demeurant aussi brillant que passionnant, que je
ne peux que vous recommander. Mais ça n'a rien à voir avec la liste Typo.

Alain Hurtig                                         mailto:alain.hurtig@xxxxxx
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Si vous pensez avoir enfin trouvé la solution, eh bien ! une bonne nuit
de sommeil et il n'y paraîtra plus.
    Brigitte Fontaine