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Message : Re: Mal arme, qui comme Alice...

(Alain Hurtig) - Jeudi 08 Octobre 1998
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Subject:    Re: Mal arme, qui comme Alice...
Date:    Thu, 8 Oct 1998 17:47:16 +0200
From:    Alain Hurtig <alain.hurtig@xxxxxx>

At 12:02 +0100 8/10/98, Eric Angelini wrote:
>et le caractère choisi (par JLG) est le Bookman parce que, dit Maillot,
>directeur artistique de Gallimard: "Il (JLG) a choisi le caractère d'im-
>primerie, non selon des critères techniques mais parce qu'il a appris
>que ce caractère s'appelle Bookman. Il a dit: Voilà, 'l'homme-livre',
>c'est ce qu'il faut".
>
Est-ce que j'explique à JLG comment on fait du montage ou sur quels
critères on place une caméra ici et non pas là, moi ?

Certes, en vertu du principe de Lacroux, il est peu probable que ce fâcheux
Bookman empêchera ceux qui aiment Godard, ou qui pensent qu'il a quelque
chose à leur apporter, de lire ce livre. Mais je les plains (je me plains)
par avance.

Le DA de Gallimard aurait été mieux inspiré d'expliquer à l'auteur (lequel
a, par ailleurs, un point de vue graphique et de mise en pages tout à fait
intéressant, cf. le beau numéro 300 des _Cahiers du cinéma_ en avril 1979 -
dans le genre esthétique vieillie et cheap quand même, mais bon : il y a un
effort) que le Bookman est laid, peu lisible, que c'est une erreur de la
typographie, et que quitte à ne pas aborder le choix d'une police selon des
critères « techniques » (?), autant le faire sur quelque chose de plus
sérieux que son nom (que le lecteur ignore et ignorera, au demeurant :
c'est un jeu sur le langage qui ne concerne qu'une pognée de techniciens
initiés).

T. B. a envoyé un joli mail à ce sujet. Moi, je propose d'aller jusqu'au
bout de la démarche, et de choisir du Jeanson pour l'édition de la
bande-son de Jean(-Luc Godard), du Times pour un livre sur les horloges, du
Frutiger pour un ouvrage sur les fruits de la guerre, du Madrone pour une
étude sur les matrones et le matriarcat, du Pelican pour l'édition de
l'_Albatros_ de Baudelaire, etc. Où on va, là ? (du Rosewood pour une thèse
sur Orson Welles [« Rosebud »] : succès garanti ;-)).

Ça n'empêche pas, évidemment, de parler avec l'auteur des choix
typographiques, et de respecter son point de vue : on devrait même toujours
faire ça. Mais dans l'ensemble, ce que j'ai constaté, c'est que les auteurs
ne _veulent pas_ discuter de ça, soit qu'ils s'en désintéressent (cas le
plus fréquent), soit qu'ils veulent décider de tout alors même qu'ils n'y
comprennent rien.

Discuter, collaborer, comprendre un projet et le servir au mieux : bien
sûr. Mais quand l'auteur dit des bêtises, il faut le lui faire comprendre...

Alain Hurtig                                         mailto:alain.hurtig@xxxxxx
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N'est-il pas curieux qu'un être aussi vaste que la baleine voie le monde à
travers un oeil si petit et qu'elle entende le tonnerre avec une oreille
plus menue que celle d'un lièvre ?
   Herman Melville, _Moby Dick_.