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Message : Re: Desabonnement

(Jacques Melot) - Mardi 27 Juin 2000
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Subject:    Re: Desabonnement
Date:    Mon, 26 Jun 2000 22:50:53 +0000
From:    Jacques Melot <melot@xxxxxx>

 Le 22/06/00, à 13:47 +0200, nous recevions de Greg :

Salut,

On Thu, 22 Jun 2000 00:45:03 +0000, you wrote:

>Dans la réponse que je viens de faire à Luc Bentz, j'explique que cette différence est, somme toute, plus mince que dans ce qu'on dit généralement d'elle.

Oui mais non. Les protocoles utilisés n'ont rien à voir. Dans le cas de la liste de diffusion et il s'agit du courrier électronique (SMTP, RFC 821). L'émetteur envois sa missive à des destinataires précis et définis (et à eux seuls). C'est donc bien, une liste de diffusion. Dans le cas des groupes de discussion (newsgroup, forum) l'article est envoyé vers un serveur de news. Celui-ci va le diffuser vers les serveurs de news avec qui il a des accords, et ainsi de suite. L'information est diffusé par inondation et personne ne peut savoir ce qu'il va en advenir exactement, donc qui va la lire. Le protocole NNTP (RFC 977) est utilisé pour Usenet. Dans le cas de forum web (ce qui devient plus flou), il existe plus de point communs avec les groupes de discussion qu'avec les liste de diffusion. Il faut aller chercher l'information. C'est une démarche active. La messagerie n'est pas utilisée pour obtenir l'information. C'est pourquoi on dit souvent, dans le cas des forums (Usenet, ou Web) qu'elle est publiée. A la manière de la presse, ou il faut aller chercher un journal, puis l'article que l'on souhaite lire. La liste de diffusion s'apparente plus au "mailing" cher à MeublesTruc et autres Cuisines Machin. Je dirais aussi que les us et coutumes de ces différentes façon de communiquer sont très différents. La manière de traiter les thèmes aussi.

Pour toutes ces raisons, il me semble important d'utiliser des mots distincts pour désigner des choses différentes.



Personne n'a dit le contraire, mais on peut utiliser le terme « forum » de manière générique, car, à l'usage, les différences entre les systèmes sont relativement faibles et pas toujours aisément perceptibles pour l'utilisateur qui, dans la majorité des cas, ne se soucie pas du tout de technique informatique. Ce que vous rappelez ci-dessus, notamment ce qui concerne les protocoles employés, n'a donc pas nécessairement grande d'importance du point de vue de la terminologie à adopter par le grand public, en tout cas pas une importance décisive. Ce qui importe, au-delà des mécanismes informatiques (lesquels peuvent d'ailleurs changer), est la manière dont tout cela est utilisé. Je me suis efforcé d'expliquer que, du point de vue de l'usage, les distinctions entre « news group » et « mailing list » sont beaucoup moins nettes qu'on veut bien le dire en général et probablement à formuler en d'autres termes, en mettant l'accent sur des aspects différents, tels, en particulier et comme vous l'écrivez, l'usage qui en est fait et le comportement induit chez l'utilisateur.

Même compte tenu de ces deux derniers points, on constate un recouvrement partiel important : certains « mailing lists » sont quasiment ou totalement passifs (un administrateur ou un modérateur distribue des informations complètement retravaillées, parfois même ne provenant jamais des participants ; cf. Logopol, Termilat, Flugleiðir, Info-diplo, etc.), d'autres fonctionnent - de fait - quasiment comme des « news groups ». Certains « mailing lists » diffusent en différé, d'autres directement (lacan-freud, mycologia-europaea, langue-fr, lantra, tlsfrm, traducteurs, interlang, taxacom, gerling, mac-fr, etc.), ce qui a une influence évidente sur le style des conversations et l'atmosphère, bien que cette dernière soit déterminée aussi par d'autres facteurs. Le terme générique « forum » (cf. la définition du dictionnaire, notamment l'acception moderne) convient à une entité qui recouvre à la fois la partie des « news groups » et celle des « mailing lists » dont le fonctionnement est similaire. J'ai l'impression aussi que certains ont oublié, dans leur précipitation à me contredire, que beaucoup de « newsgroups » ne peuvent guère être conçus comme des « forums », tels ceux où l'on expédie et télécharge des logiciels, des polices de caractères, des images, etc.

En pratique donc, les variations considérables observées tant dans les « mailing lists » que dans les « news groups » absorbent complètement les distinctions que l'on pourrait faire entre les différents procédés du point de vue du concept de forum. Même l'argument de l'atmosphère différente est à manier avec précaution. Cette atmosphère ne tient pas par essence uniquement au protocole : l'atmosphère des « newsgroups » scientifiques est voisine ou identique à celle des « maling lists » de même type, et même souvent nettement moins vivante car dans le cas de sujets sérieux le fait de devoir aller chercher à chaque fois les nouvelles joue plutôt négativement : les personnes concernées, généralement assez occupées par des tâches sérieuses ou importantes, planifient d'une manière ou d'une autre leur temps et ne vont consulter les « newsgroups » que quand elles en ont l'opportunité. En revanche, elles font un usage régulier et fréquent de la messagerie - à laquelle elles sont souvent branchées en permanence - et découvrent en même temps que leur courrier les nouveaux messages des « mailing lists » auxquels elles sont abonnées.

Autrement dit, les seuls différences constantes sont celles qui intéressent le moins l'utilisateur et qui, dans la plupart des cas, lui restent indéfiniment quasi inconnues, à savoir celles qui touchent au protocole employé. J'en veux pour preuve supplémentaire les échanges qui ont eu lieu ici même, dans Typographie, à propos de ce point de vocabulaire : de petites phrases - si l'on peut dire ! - absolument typiques des « news groups » (« tutoyez moi non institutionnellement », « Brèfle, zézite », et autres enfilades de mousse, etc., et tout le tralala lapidaire habituel des phrases parlées) : les petites causettes, le småprat de tunnelbana, genre brèves d'atrium sesquiphrastiques, représentent un pourcentage non négligeable des messages échangés dans Typographie !

Le terme « forum » apparaît donc de plus en plus clairement comme s'appliquant à une notion en quelque sorte « transversale », c'est-à-dire ne se définissant pas en termes de protocole de transmission utilisé, avec lequel elle n'a pas de rapport direct. Il renvoie à une manière différente de découper la réalité, en mettant l'accent sur le type, la qualité et l'atmosphère de la communication. Il s'applique excellemment dans tous les cas où le fonctionnement s'apparente à la discussion non différée (même dans les cas où elle l'est de fait, mais se déroule comme si tel n'était pas le cas).


À dire vrai, s'il y a une distinction à faire, je verrais plutôt dans les « news groups » l'inconvénient de la poste restante, par rapport à la distribution à domicile des « mailing lists ». Et encore, pour être plus exact, il conviendrait plutôt de dire que dans le cas des « newsgroups » on va lire le courrier à la poste, comme s'il s'agissait d'une sorte de dazibao (comme l'a fait justement remarquer Thierry Bouche), le copiant si on veut le garder, alors que dans le cas des « mailing lists », non seulement on reçoit le courrier sous forme d'une missive personnelle chez soi (ce qui élimine l'éventuelle duplication), mais encore comme s'il était déposé directement sur son propre bureau, l'enveloppe ouverte de surcroît. Mais encore une fois, ce n'est pas cette différente - elle, fondamentalement liée au protocole - qui intervient en quoi que ce soit pour juger de l'adéquation du terme « forum » à ces types de communication.




>Il est bon de temps à autre d'examiner les choses avec un peu d'esprit critique. Je ne dis d'ailleurs pas cela spécialement pour vous. Cela s'applique aussi à moi et un peu à tous. Personnellement, liste de diffusion ne me choque pas. Même, je trouve que c'est une traduction assez fidèle.



Justement ! C'est là, entre autres, que l'esprit critique doit s'appliquer : il faut vous montrer infidèle ! La terminologie anglo-américaine est, pour différentes raisons, de plus en plus déficiente, en particulier à cause du refus implicite, parfois délibéré, désormais quasi systématique, de recourir à la formation dite savante (dérivation et composition à partir du grec et du latin, sur le modèle de téléphone, télégraphe, télécopie). Elle fait de plus en plus usage d'onomatopées ou de pis-aller, tel justement « mailing list », une terminologie minimale, en fait une simple appellation métonymique dont on s'est contenté en guise d'appellation technique. L'erreur est de suivre bêtement, sans faire preuve d'initiative, la terminologie anglo-américaine en y collant au plus près. Les mots n'y étant souvent plus pris pour ce qu'ils signifient, mais comme signe minimal compris par les éléments de la culture dans laquelle il apparaissent (d'où des difficultés terminologiques, mais aussi de traduction, quasi inextricables, obligeant souvent à reformuler l'ensemble de fond en comble), en adoptant servilement le vocabulaire venu d'Outre Manche ou d'Outre Atlantique (traduction littérales ou quasi littérales), nous obscurcissons inutilement notre pensée et nous assujettissons.



Ceci dit, si quelqu'un propose un nouveau terme pour définir mailing-list, pourquoi pas. A condition qu'il ne trahisse pas le sens original et qu'il n'apporte pas la confusion avec d'autres moyens déjà existant. Après, s'il peut être fédérateur et pas trop ridicule...

>Très théorique ! Dites-moi, là, à brûle-pourpoint, combien il y a d'abonnés à Typographie et en quoi ce type de renseignement a-t-il une influence sur la communication, sa qualité, etc. ? L'administrateur le sait, lui. Le robot sympa aussi (il vaut mieux). L'influence sur la communication... Il n'y a qu'a essayer de faire une liste de diffusion qui comporte 50 000 abonnés, juste pour voir.



C'est tout vu : il en existe des dizaines, de nombreux « mailing lists » ont même plus de 100 000 abonnés, le record, à ma connaissance, étant détenu par :

DIETCITY@xxxxxxxxxxxxxxxxxxx

(consacrée à la diététique) avec plus d'un million d'abonnés.



La qualité des échanges est aussi en cause. Fonction du petit nombre des abonnés et d'un culturel très différent (du moyen, pas des participants). Dans le même esprit, l'IRC est encore différent :
"c koi sept story de lett de fe ds le ciel !!!!!!!! lol."

A ce sujet, je recommande l'excellent http://www.multimania.com/azerty0

Maintenant, on peut décider d'appeler tout ce qui permet de communiquer à plus de deux, un forum. La CB est un forum. La conférence téléphonique aussi. Moi, ça me paraît bizarre, mais bon.



Oui, encore un exemple de terminologie boiteuse (traduction littérale ou tout comme).



>Employer donc carrément l'anglais : il y aura toujours quelqu'un pour vous soutenir en disant aussi que c'est comme ça et pas autrement...

Je préfère, et de très loin, mail que mèl.



Je suis d'accord avec vous sur ce point également. L'usage d'un mot anglais n'a pas l'effet insidieux d'un anglicisme : on annonce la couleur. Au-delà d'un certain seuil, les gens peuvent s'inquiéter de cet envahissement et réagir. Guère lorsqu'il s'agit d'anglicismes rampants. C'est aussi la raison pour laquelle j'aimerais que l'on adopte en France la politique des pays nordiques en ce qui concerne le cinéma et la télévision : toute la production étrangère en version originale (doublé par écrit au bas de l'image). C'est l'un des meilleurs moyens de retirer au gens le complexe de la langue.



>Désolé, mais je ne suis pas un contemplatif ou une espèce d'administré passif et indécrottable : j'appartiens à ceux qui font les choses. J'emploies « forum » pour ce que vous appelez « liste de discussion » et je ne suis pas le seul. Perso, c'est liste de diffusion. C'était d'ailleurs, à l'origine, une boutade sans importance. Personne ne peut empêcher les autres de désigner du terme de moto, un scooter. Il n'empêche que ces deux mots sont là pour désigner des véhicules différents et que globalement, leurs sens est compris de tous.

> La terminologie évolue, comme tout, et elle est ce qu'elle devient, comme dirait Gabriel Marcel.

Ce qui n'est pas une raison pour la laisser devenir n'importe quoi.

Bon nous pourrions peut-être poursuivre en privé, car je doute que ça passionne grandement la liste/le forum.



Expliquez moi seulement comment la plus subtile des conversations typographiques pourrait réussir à passionner la liste des livres de ma bibliothèque... et que faire des listes électorales, de la liste des commissions (ah ! j'allais oublier le beurre !), etc. (je pourrais en citer d'autres... et la liste serait longue).

   Bien amicalement,

   Jacques Melot, tribun (1,80 m)


N. B. Ce n'est pas moi qui ai provoqué cette conversation, mais la personne qui a cru bon de me reprendre... À ce propos, je ferais remarquer que « mailing list » pourrait correspondre à un terme précis en français que rien n'empêcherait d'en parler comme d'un forum dans les cas où le terme s'appliquerait bien, ce que j'ai fait à propos de Typographie, tout comme on peut utiliser le terme « support » pour « table », lorsqu'une table fait office de support. J'ai bien peur que vouloir corriger dans de telles circonstance aille bien au-delà du soucis du terme approprié et stigmatise en définitive le désir inconscient de rectifier la pensée de l'autre...


A bientôt.

--
Greg