Archive Liste Typographie
Message : Voici un peu de lecture... (Damien WYART) - Mercredi 25 Octobre 2000 |
Navigation par date [ Précédent Index Suivant ] Navigation par sujet [ Précédent Index Suivant ] |
Subject: | Voici un peu de lecture... |
Date: | Wed, 25 Oct 2000 18:39:03 +0200 |
From: | Damien WYART <dwyart@xxxxxxxxxxxxx> |
Voici la version finale du compte rendu du « Typothon 2000 ». Tous les commentaires sont les bienvenus ; les ajouts de la part des gens présents aussi. Bonne lecture à tous et merci à ceux qui ont permis de finaliser le document par une relecture attentive. -- Damien WYART / dwyart@xxxxxxxxxxxxx
Le gang du camping-car (François Bougnet et son fidèle chapeau, Olivier Randier, Alain Hurtig et sa dulcinée, et moi-même, Damien Wyart) est parti de Paris à 8h30 le samedi matin. Nous sommes arrivés à Anvers vers 13h00. La ville semble très agréable ; certaines maisons sont très anciennes. L'atmosphère générale est provinciale, mais l'élégance des constructions est digne des plus grandes villes. Nous nous sommes attablés devant des moules-frites et avons commencé à discuter, notamment de la fonte d'Olivier, le Moretus, dont il avait amené des épreuves. Avec quelques minutes de retard, nous avons retrouvé d'autres membres de la bande devant le musée Plantin : Thierry Bouche, Jef Tombeur, Jacques André, Éric Angelini, Jean-Pierre Lacroux et Camille Scalabre, un ami de longue date de Jean-Pierre et enseignant à l'école Estienne. À propos du musée, je laisse parler Jacques André : « Ça a mal commencé, quand l'un d'entre nous (J.A.) a envoyé un mail pour demander une visite guidée en français pour des typographes français, la réponse a été : « Our system does not understand ISO-LATIN1, please use ASCII » (ou qq chose comme ça). Ayant réécrit en anglais, la réponse a été : « Les visites guidées sont à commander 3 semaines à l'avance [bien sûr c'était trop tard] en téléphonant à tel numéro [qui n'a jamais répondu]. » Arrivé au musée, même chose : le français on connaît pas, on ne nous a même pas proposé un magnéto portable pour suivre la visite. En cours de visite, il faut être honnète, il y avait beaucoup de vitrines avec des étiquettes françaises (« défense de s'appuyer sur la vitrine, défense de fumer, etc. ». Quant à la _Bible en 36 lignes_ d'un dénommé Gutenberg, elle était devenue « à 36 linges » (merci Jef de l'avoir découvert, et à Thierry B. et Jean-Pierre L. de nous avoir faire comprendre que c'était normal puisque finalement il s'agissait sans doute d'une version en papier chiffon). Enfin, en quittant, on aurait aimé acheter qq ouvrage sur le musée, ou sur Plantin, mais comme personne i cause flamish, ils n'ont pas fait d'affaire ! Ceci dit, moi y a plusieurs choses qui m'ont emballé : - le bâtiment, usine, lieu industriel, etc. à la fois très bien conçu, fonctionnel et esthétique. Et richement décoré avec tous ces cuirs sur les murs et ces carreaux de pas Delft (ah, à l'époque la typo ça rapportait !). - toute la machinerie de fabrication des types : gravure des poinçons, moules (normal en Belgique), matrices, « coquilles » pour la fusion du plomb, galées, presses, etc. Mais en même temps un regret : toujours la vieille vision statique des musées : défense de toucher, défense de feuilleter, défense de voir fonctionner, etc. et en revanche un manque de sécurité (à part « La » bible, toutes les vitrines sont en verre de 1mm, faciles à briser sans la moindre protection - mais il paraît que ce qu'on voit ce n'est que la face visible de l'iceberg et que les réserves -- tiens, elles sont où ? -- sont 100 ou 1000 fois plus importantes !). - quelques très beaux ouvrages, pas que de Plantin, mais de Manuce. Il y a même une ou deux planches de Rubens, maquettes à la main de la couverture d'un livre. » J'ajoute que le musée comporte 35 salles, dont certaines très grandes. Donc pas le temps de s'ennuyer ! Certains ouvrages anciens sont particulièrement intéressants, notamment ceux qui sont composés en plusieurs langues. L'imbrication des différents rectangles ferait pâlir les meilleurs TeXniciens... L'encrier (partie de la presse comportant un rouleau) en a intrigué beaucoup. La question des tournes fut également discutée de façon assez approfondie. Épisode suivant : nous allons chez Jean-Pierre... Arrivée des différents véhicules vers 17h30-18h. Nous sommes très chaleureusement accueillis par sa femme, et par lui aussi. Dégustation de bières belges très enrichissante. Nous commençons à discuter ; Jef a amené le traditionnel extrait des publications de Jean Méron... Cette fois-ci, il concerne plus la langue française que la typographie. Certains explorent la bibliothèque de Jean-Pierre, comportant des centaines de livres anciens et modernes sur la typographie et la langue française (et quelques autres sujets moins représentés). Il nous explique que les nouveaux livres qu'il acquiert en remplacent certains moins utiles qui sont relègués dans une autre pièce. C'est une vraie bibliothèque, vivante et très attachante, et trop importante pour pouvoir être vraiment rangée. Le sujet de l'arrobe est évoqué, sans trop de houle. On reparle de son étymologie. Pendant les préparatifs, Mme Lacroux se demande combien de personnes seront présentes au total. Nous sommes pour l'instant une douzaine, et Jean-Pierre évoque de nouveau l'invité surprise dont il a parlé dans les échanges de courrier électronique. On sonne. C'est Emmanuel Curis (qui est à Calamus ce que Thierry, Jacques André et moi-même sommes à TeX). Mais non, ça n'est pas lui, l'invité surprise ! On sonne de nouveau. C'est Foucauld Pérotin. Non, non, l'invité mystère, ça n'est pas lui non plus ! Jean-Pierre ne veut pas nous en dire plus. Il vérifie qu'il n'a pas reçu de courrier électronique, quand soudain... ON SONNE ! Une personne entre. Tout le monde la fixe ; on se regarde. Chacun pense : « mais qui est-ce donc ? ». Mais oui, vous avez trouvé : c'est l'invité surprise ! Jean-Pierre commence à se demander si ça n'est pas un voisin qui aurait vu de la lumière et serait entré... Et puis, le mystère s'éclaircit enfin ! Il s'agit de la doublure de Jacques Melot, déguisée en mannequin essayeur de bijoux. (Là, j'en vois qui ne suivent plus.) Tout le monde est très surpris et très amusé de retrouver Jacques et de ne pas le reconnaître (certains l'avaient pourtant déjà vu !). La discussion est lancée sur Jacques (Melot) et la façon dont il se documente pour répondre aux courriers électroniques de façon si prompte. Facile ! La Bibliothèque Nationale Islandaise est la plus rapide du monde, et elle délivre les renseignements en quelques minutes ! Et puis, il suffit d'avoir une documentation bien organisée. Mais le vrai secret, c'est que Jacques est un voyant !! Il connait les questions qui seront abordées sur la liste typo avec environ trois ans d'avance. C'est normal ! Il lit l'horscope du magazine Maxi (je n'invente rien). Tout s'explique. Décidément, les membres de la liste sont très étonnants ! Certains sont même informaticiens ; mais personne n'est parfait ! Nous avons également appris que Jean-Pierre était un fervent adorateur de Victor Hugo. Nous passons alors à table. Pour la retranscription, se pose le problème de la formation de deux groupes, car deux tables ont été mises côte-à-côte. Je ne pourrai donc pas évoquer toutes les conversations, tout au moins jusqu'à ce que certains partent se reposer, et que les autres se regroupent sur une seule table (vers 1h30-2h). Les interventions fort intéressantes de Martine sur divers thèmes linguistiques pourront être détaillées par ses proches voisins. Plusieurs sujets passionnants furent évoqués à ma table : Utiliser Quark pour le cataloguage (exposé par Foucauld Perotin), comment faire une imposition facilement sans faire de travaux manuels (par Thierry Bouche, contredit par Alain Hurtig qui préfère le cutter), et bien d'autres encore. Jacques André nous a offert plusieurs anecdotes dont il a le secret. Le repas fut excellent : une terrine maison très parfumée, du poulet en sauce aux oignons et à la crème, du fromage (un plateau d'Europe du Sud, et un plateau d'Europe du Nord), et un somptueux dessert, qualifié par Jef de « et caetera ». (Seuls les gens présents peuvent vraiment comprendre). En fait, il s'agissait d'un énorme gateau aux framboises et aux cerises (si je ne me trompe pas). Le tout arrosé de château Cazau (le château Lacroux était resté à la cave). À ce moment, une discussion intéressante mais très animée s'est mise en place. Camille Scalabre explique qu'un typographe doit comprendre le sens du texte qu'il compose. Les réponses fusent : Éric parle de « typographe idéal », Thierry (et moi-même) pensons à TeX qui utilise un algorithme pour remplir des pavés, Alain se fait rabrouer parce qu'il n'est pas un bon typo... Certains décident alors de partir se coucher, car il se fait tard. Ils suivent Éric qui les emmène chez sa mère. Nous sommes maintenant moins nombreux, et la discussion reprend avec Camille. Le vocabulaire employé par les uns et les autres pour désigner une même réalité varie, ce qui n'aide pas à débloquer la situation. Finalement, Camille ira se coucher, et on se rend compte que tout le monde était à peu près d'accord sur le fond du problème. Mais cette question de l'automatisation du travail du typographe était très stimulante. Entre temps, Olivier nous montre de nouveau ses épreuves pour la fonte qu'il met au point. Il obtiendra de nombreux et très pertinents commentaires, notamment sur le symbole Euro. Nous restons alors assez peu nombreux à continuer les discussions : Thierry Bouche, Jacques Melot (qui dormira tout de même quelques heures par la suite), Olivier Randier, Jean-Pierre et moi. Nous parlons tout d'abord du travail de Jacques. Je rappelle qu'il est mycologue en Islande. Mais il n'a pas vu de champignons depuis trois ans... (!) Il a surtout choisi la mycologie car elle permet de laisser pleinement s'exprimer le caractère humaniste qui l'anime. Une publication sur un point très précis de mycologie va faire appel à des informations provenant de beaucoup d'autres domaines. Nous apprenons également que les champignons ont été psychanalysés par Lacan. Eh oui, eux aussi, ils ont un esprit torique de névrosés ! Jacques explique également (il l'avait déjà évoqué plus tôt) que la croix gammée n'est pas taboue en Islande. C'est un symbole très ancien, et il n'a pas été discrédité par son utilisation par le IIIe Reich. Cela peut surprendre quand on voit un batiment public décoré d'une immense croix... Jacques préfère dormir un peu. Les derniers à ne pas dormir ne se laissent pas abattre et carburent au cognac et au whisky. Nous avons le champ libre pour discuter de nos logiciels favoris (Quark et TeX) sans être hors charte. Nous abordons la typo des sciences par l'intermédiaire d'un manuel de l'AMS apporté par Thierry. Ce qui se prolonge sur l'organisation interne de Gutenberg et les problèmes rencontrés pour l'élaboration d'un code de typo des sciences. Thierry nous explique également qu'il est mathématicien le jour, et fait un tas d'autres choses la nuit. Un humaniste, comme Jacques, en somme. Quelques dormeurs arrivent alors ; il est environ 8h. Nous prenons le petit déjeuner en continuant à discuter. Le groupe qui a dormi chez Mme Angelini semble avoir été impressionné par le confort qui leur a été offert. Puis, peu à peu, des préparatifs se précisent et le départ semble inéluctable. Les bonnes choses ont une fin ! Le gang du camping car se reforme et met le cap vers Paris à 11h30. Comme l'a bien dit Jacques André, « au moins maintenant, on pourra mettre des noms sur des visages. » (sic) Rendez-vous est pris pour l'an prochain, mais une nouvelle désignation pour cette sympathique réunion n'a pas encore été décidée. Le mot de la fin, c'est sans doute Jean-Pierre qui me le fournit. Il montre à quel point notre groupe est composé de typographe pervers, et même carrément masochistes : « c'était devenu tellement bon qu'on a préféré arreter. » Le comble du masochisme, en somme.
- Voici un peu de lecture..., Damien WYART <=
- Re: Voici un peu de lecture..., Luc Bentz (25/10/2000)