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Message : Re: Trad. écrasée (était espaces "m" et "n")

(Jef Tombeur) - Mercredi 05 Septembre 2001
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Subject:    Re: Trad. écrasée (était espaces "m" et "n")
Date:    Wed, 5 Sep 2001 18:49:05 +0200
From:    "Jef Tombeur" <jtombeur@xxxxxxx>

----- Original Message -----
From: Paul Pichaureau
To: typographie@xxxxxxxx
Sent: Wednesday, September 05, 2001 4:14 PM
Subject: Re: espaces "m" et "n" (bruit ? Très long. Anecdotique)

> Au risque d'ajouter du hors sujet au hors sujet : tu peux nous expliquer
ce que c'est, la "traduction par écrasement sous logiciel" ?
Je vais essayer de ne pas être totalement hors-sujet.

L'explication est assez simple, et tout dépend de l'adéquation langue source
> langue cible (sachant que c'est coton pour, par ex. le couple All. >
Ang.), c'est soit de la traduction, soit, le plus souvent, de l'adaption.
Traduire veut dire éviter de trahir, sous-traduire implique de laisser de
côté certaines choses, sur-traduire d'être un peu plus explicite que
l'auteur (en gros).
Le français "chasse" d'un tiers par rapport à l'anglais, par conséquent, une
traduction depuis l'anglais sera plus longue que le texte original.
Théoriquement, on aura toujours plus de texte en français.
Si on doit respecter totalement la mise en page, soit que toute la
traduction de l'anglais entre dans un bloc (ou plusieurs blocs chaînés) de
taille identique, on va forcément adapter et "sucrer" ou condenser. Surtout
s'il doit y avoir une correspondance texte-illustrations d'une même page.
Travailler par écrasement consiste à garder le texte original sur le même
écran, et soit écraser au fur et à mesure (rare, réglage différent selon les
logiciels, toute lettre saisie remplace la précédente et le reste du texte
ne "s'allonge" pas), soit à traduire une ligne ou deux, ou un §, puis à
supprimer la ligne ou les phrases de l'original.
La bonne marche des choses voudrait qu'on dispose d'une sortie papier (ou
d'un second écran affichant le texte original) et qu'on traduise comme on
doit, sans souci de tout rentrer au chausse-pied dans le bloc.
Pour en revenir au sujet, soit la typographie.
Sans passage d'une "couche de correction" ultérieure (genre, cor. typo de
ProLexis, ou manuelle très attentive), on risque toujours d'avoir des
"résidus" de la ponctuation d'origine (un point de fin de ligne
supplémentaire, oubli d'espace avant un ?, "hérité" du texte anglais). On
n'a guère la possibilité de baisser d'un corps et de réduire l'interligne si
on est déjà dans de petits corps pour l'original. Et comme c'est souvent des
travaux plus urgents (l'éditeur veut gagner de l'argent en reprenant les
films d'illustrations de l'éditeur d'origine, on ne travaille que sur "le
noir", mais aussi du temps : il n'y aura pas de mise en page à remanier), le
traducteur un peu formé à la typo, souvent sous-payé, finit par se dire :
bah, soit ils ajusteront à la mise en page, soit pas, mais à ce prix, je ne
m'ennuie pas à trouver un synonyme pour éviter une veuve ou orpheline, une
ligne creuse, car je ne tiendrai pas les délais.
Bref, "ça va" pour des manuels d'apprentissage de logiciels, choses très
éphémères par nature (une version chasse l'autre, le livre tiendra huit mois
en rayons au plus). Pour des ouvrages un peu plus intemporels, se voulant de
"beaux livres", on se devrait de refaire la mise en page en fonction de la
traduction. Ou, au moins, employer des traducteurs-adaptateurs très rompus à
l'exercice, et évitant des contorsions d'ajustement purement typo par la
suite (le metteur devant sans cesse jouer sur les approches, bidouiller).
Imaginez que l'original comporte par ex. trois images carrées illustrées par
trois légendes justifiées au fer carré dans des blocs de taille identique.
Visiblement, l'auteur, qui rédige parfois directement dans un logiciel de
PAO (cas d'un livre sur la typo, il y a de fortes chances que l'auteur soit
formé à la PAO et soigne la présentation), a eu aussi une intention
graphique d'équilibre. Si c'est un Al. et que le trad. est Ang.,
logiquement, la trad devrait "flotter" dans le bloc. À l'inverse, le trad.
va se sentir très à l'étroit. La bonne solution, pas idéale, et à manier
avec précaution (pas de recadrage si de l'info est bouffée), consisterait à
redimensionner un peu les images en fonction des légendes traduites. Mais si
on te dit d'écraser, ça signifie : "débrouille-toi pour que cela garde un
sens voisin de l'original et qu'on n'ait pas à y toucher ensuite (en mise en
page)." Ce qui demande une plus forte agilité d'esprit. Le correcteur (s'il
en est), va tenir compte des contraintes, moins "chipoter". Lui aussi est
"coincé". Pas question d'ajouter une note d'éditeur, pas question de chasser
sur la page suivante, etc.
On finit par accepter "égal" dans la trad. à la place de "similaire" ou
"équivalent" dans l'original si, effectivement, le contexte le permet (bon,
l'exemple est un peu mal choisi quant au fond, sur la forme, soit la typo,
on voit bien les signes et l'encombrement gagnés).
Et si le correcteur se base juste sur la trad. sans se référer à l'original
(si, si, ça semble exister), et a plus le souci de la mise en page que du
fond, ça peut mener à des imbécilités. Bref, on se fout de la gueule du
lecteur-client.
On va trouver "le texte s'est transformé en tableau" (c'est pas artistique,
c'est un passage de mode de saisie texte suivi d'un rendu du texte en mode
tableur), ou "le texte créé en WordArt" (pour signifier composé à l'aide de
l'outil WordArt, ce n'est pas du texte généré automatiquement, genre du
Lorem ipsum pour générer du faux-texte). On fait un "scan" du document (au
lieu d'un balayage, il ne s'agit pas ici de le numériser mais de localiser
un élément, objet ou chaîne de car.). La langue peut trinquer. La typo très
souvent aussi.