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Message : Re: [typo] LA LISTE TyPO ORFELINE

(Jacques Melot) - Dimanche 15 Décembre 2002
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Subject:    Re: [typo] LA LISTE TyPO ORFELINE
Date:    Sun, 15 Dec 2002 22:35:55 +0000
From:    Jacques Melot <jacques.melot@xxxxxxxxx>

 Le 21/11/02, à 22:32 +0100, nous recevions de Dominique Lacroix :

Je prends le train en marche et bien tard. J'étais bien sûr au courant de la gravité de la situation, était pessimiste, mais espérait pourtant très fort (j'ai perdu un camarade il y a deux ans, ici, à Reykjavik, exactement de la même manière). J'étais à vrai dire sur le continent, à Genève, et lorsque, à mon retour, j'ai téléchargé l'ensemble de mon courrier accumulé, j'ai été glacé par l'apparition fugitive du titre d'un message d'entre vous annonçant que Jean-Pierre n'était plus.

Pour la petite histoire, je connais particulièrement bien l'église de Saint-Ambroise, pour y avoir... habité (dans le presbytère), alors que ma grand-mère maternelle était gouvernante du curée de l'époque (l'abbé Fiard) et m'y gardait occasionnellement. Un jour, j'ai même jeté mon tambour par la fenêtre (ce que je fis également ailleurs, dans le XIIIe, rue de l'interne Loëb), lequel tambour est resté longtemps sur l'avancée-abris en ciment au-dessus de l'entrée arrière, dans le boulevard Voltaire. Ensuite, tout le temps de mes études, j'ai habité rue Rochebrune, juste au-delà du boulevard Voltaire relativement au presbytère de l'église, dans le petit appartement laissé par ma grand-mère. Autre quasi tangence de nos trajectoires, Jean-Pierre était ancien élève du lycée Michelet à Vanves, à la sortie immédiate de Paris, comme moi et en même temps, mais nous ne nous connaissions pas à l'époque.

J'en veux à tous, à moi aussi bien, de parler si peu de Jean-Pierre, que nos grosses couronnes ne soient que si grosses, mais que faire ? Peu avant sa disparition, je perdais un ami, Meinhard Moser, mycologue célèbre et, bien que Jean-Pierre et moi n'étions pas à proprement parler liés d'amitié, je veux dire pas d'amitié intime et réelle - gardons à ce terme sa force et son sens -, parce que nous n'avons jamais eu l'occasion de le devenir, j'ai dans les deux cas éprouvé le même sentiment de perte irremplaçable d'une grande personnalité en même temps que cette sensation d'effondrement intérieur, d'absurdité d'une situation, suivi de révolte contre ce fauchage impitoyable, sans discernement aucun, qui fait immanquablement penser qu'il n'y a pas ne serait-ce que l'ombre d'une ombre d'un sourire de la providence ou encore quelque entité supérieure intervenant dans ces choix avec un soupçon de compassion, avec cette complicité de je ne sais quoi qui ferait découvrir au dernier instant que tout cela n'aurait été qu'un mauvais rêve, ou même une simple petite tricherie divine sur laquelle nous fermerions tous les yeux, un lapse d'une durée infime dans le déroulement des lois naturelle que nous tairions tous avec une affectueuse complicité. Mais non. Rien, rien, rien.

   Ceux que les dieux aiment meurent jeunes.
   Et sont ravis sans pitié.
Je ne m'en suis pas remis, je ne suis pas près de m'en remettre. Je ne veux surtout pas m'en remettre.

   Jacques Melot



Ceux qui veulent se recueillir auprès de JiPé le trouveront au cimetière
de Saint-Ouen.
Garez votre véhicule éventuel au premier rond-point, engagez-vous dans
la première allée à gauche.  À environ 50 m à droite, un édicule submergé
de fleurs et couronnes. En tête, se dresse une énorme et superbe couronne
sur pied. Le bandeau indique :

                        LA LISTE TyPO ORFELINE

                    EN SOUVENIR DE JEAN-PIERRE

Merci à Thierry d'avoir si bien fait les choses. Pour être sûr d'obtenir
ce que nous voulions, de Grenoble, il a pris contact directement avec
un fleuriste parisien, sans passer par Interflora.

Sur la façade, gravé dans la pierre :
            « Caveau provisoire Avec Ascenseur. »
JiPé était trop grand pour intégrer tout de suite sa dernière demeure.


Avant de le déposer là, messe à Saint-Ambroise.
L'oraison funèbre a appris à une partie de l'assemblée que Jean-Pierre
était croyant ; mais tout le monde, y compris Éliane son épouse, a entendu
dire avec stupéfaction qu'il était mystique...

Au sortir, sur le perron, j'ai injustement moqué Jef qui prétendait avoir vu
deux Camille Scalabre. Très difficile de distinguer Camille de son faux
jumeau Jean-Paul.

Les Éditions Quintette avaient ensuite organisé un buffet chez un ami de
JiPé, Thierry Sarfis, qui habite dans le 18e. (Cf. <http://www.sarfis.com/>)
Merci à eux.

Le bistrot Le Père Tranquille a servi de succursale à trois mousquetaires
de la plume que nous avons perdus en route entre l'église et le cimetière,
suite à une paralysie collective de neurones qui nous a rendus infichus
de rester en contact téléphonique.

Que font des Typolistiers qui évoquent le souvenir d'un ami disparu ?
Dans le 1er arrondissement, ça parle du point-virgule.
Dans le 18e, des majuscules.

Voilà. J'ai tenté le difficile exercice d'offrir un peu d'ubiquité à ceux
qui ont été empêchés de se déplacer.
Veuillez pardonner omissions et possibles inexactitudes.
Didier Pemerle, Éric Angelini ou Thierry Bouche, entre autres, peuvent
compléter ce modeste compte rendu.


Dominique