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Message : Re: [typo] Voyelles Rimbaud

(Olivier Randier) - Lundi 29 Septembre 2003
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Subject:    Re: [typo] Voyelles Rimbaud
Date:    Mon, 29 Sep 2003 15:22:53 +0200
From:    Olivier Randier <olivier.randier@xxxxxxx>

Title: Re: [typo] Voyelles Rimbaud
Le dimanche, 28 sep 2003, à 18:46 Europe/Paris, Jean-Michel Pochet a écrit :

'As-t-on lu Rimbaud ?' par Robert Faurisson (Bizarre, IV 1961, n° 21-22),

Bon, d'accord? en 1961 la polémique a été vive et les partisans de l'une ou l'autre des interprétations se sont violemment opposés.

J'ai découvert cette interprétation au lycée, par un prof de français (auquel je dois beaucoup par ailleurs) qui avait pris soin de nous éclairer sur les autres aspects peu reluisants de la personnalité de Faurisson avant de nous donner cette lecture du poème. J'avais beaucoup apprécié son honnêteté intellectuelle.

J'ai commis une « interprétation typographique » du poème de Rimbaud, basée sur la lecture de Faurisson, dans la veine, à mon sens, du travail que Thierry et moi avons fait sur Ponge.
Je la mettrai dans les documents des archives, pour éclairer le débat, dès que j'aurai pu obtenir mon login...
J'ai alors cherché à en savoir un peu plus sur les critiques faites à Faurisson et j'ai trouvé que les arguments étaient faibles.
Bien sûr que la thèse du blason inversé est réductrice, mais c'est vrai de toute lecture monosémique d'un poème et ça n'en prouve pas l'inanité complète.
À l'époque, Paul Valéry arguait du fait que Rimbaud n'avait pas connu de femme au moment de l'écriture du poème. Mais, justement, certains aspects de celui-ci (A noir corselet velu de mouches éclatantes/Qui bombinent autour des puanteurs cruelles) donne la vision d'un jeune homme exprimant la crainte, voire le dégoût physique, du corps féminin.
Personnellement, je trouve que la thèse du blason inversé éclaire la lecture de façon tellement évidente que ça ne peut pas être une coïncidence. En outre, l'aspect un peu potache du jeu sur les lettres et la provocation du blason caché me paraît bien cadrer avec l'idée que je peux me faire d'un Rimbaud adolescent, lycéen tourmenté et révolté.
Faurisson s'appuyait, si j'ai bien compris, sur cette thèse du blason (in coïtus, selon lui) pour démonter le mythe Rimbaud, avec des intentions politiques douteuses. Il a sans doute voulu faire scandale dans les milieux bien-pensants. Aujourd'hui, après la libération des moeurs, le blason caché fait sourire et incite plutôt à percevoir plus d'humanité chez Rimbaud, nous le rendant sympathique. En ce sens, la tentative de Faurisson a irrémédiablement échoué.

Même si je n'ai aucune sympathie pour Faurisson et pour ces autres thèses, qui rencontrent, hélas, beaucoup plus d'échos obscènes, je crois qu'il a eu là un éclair de génie qu'on ne devrait pas négliger sous prétexte qu'il est par ailleurs une authentique ordure.

Je regrette d'avoir toute ma documentation dans des cartons inaccessibles, mais de mémoire, plusieurs ouvrages ont été consacrés au sujet.

J'ai souvenir d'une étude d'un de mes poèmes d'adolescent par toute la classe de troisième et de la correction proposée par la prof, c'est ce jour-là que j'ai pris conscience du concept de polysémie? et de mon incompétence en poésie.

Cette discussion ne trouve sûrement pas sa place dans cette liste, je romps donc ici (suite en privé si vous le souhaitez).

Pour rester dans la charte, Faurisson produit à l'appui de sa démonstration la calligraphie de Rimbaud. Les voyelles initiales A, E, I, O et U sont déformées (peut-être pas autant que le voudrait Faurisson). Mais supposons que l'auteur ait eu vraiment l'intention de mettre un A tête en bas, un E pivoté de 90° dans le sens contraire des aiguilles d'une montre, un I allongé, et un U pivoté de 180°, la composition eut-elle dû en tenir compte ? Ou les règles de l'ortho-typographie prohibent-elles de telles pratiques ?

Les règles de l'orthotypographie n'interdisent rien de tel. On trouve même dans des manuels de typographie (Lefevre, par exemple) des instructions pour composer les acrostiches en retournant les initiales des vers pour en faciliter la lecture.
Mais l'intention de Rimbaud était certainement de cacher le blason sans en donner les clés. Ce n'est donc pas au typographe de le faire, je pense. J'ai essayé de rendre cette ambiguïté dans ma composition, au lecteur de me dire si j'y parviens... Avis bienvenus.

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Olivier Randier