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Message : Re: [typo] Capitales accentuées (encore)

(Jean-François Roberts) - Mardi 14 Octobre 2003
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Subject:    Re: [typo] Capitales accentuées (encore)
Date:    Tue, 14 Oct 2003 15:50:28 +0200
From:    Jean-François Roberts <jean-francois.roberts@xxxxxxxxxx>

Vous confondez les problèmes de fabrication et les problèmes de marche. La
fabrication est toute la cuisine (invisible à l'arrivée pour le lecteur) qui
permet d'arriver à la marche, seule visible pour le lecteur.

L'erreur de votre secrétaire est précisément de saisir en tout-cap. On a
presque toujours ce genre de problème, que la marche accentue ou non les
cap. ou les majuscules. On est amené (je l'ai fait de multiples fois) à tout
ressaisir en b.d.c. pour pouvoir travailler correctement (changement de
feuille de style, passsge d'une section de la titraille au corps du texte ou
inversement, etc.). Ce qui n'a rien à voir avec l'accentuation ou non des
majuscules. 

Une marche n'a pas à être conçue pour simplifier la fabrication, pas plus
qu'elle n'est faite (en général) pour faciliter l'apprentissage de la
lecture. Mais si votre secrétaire travaille en dépit du bon sens typo, à
vous de lui expliquer les difficultés qu'elle engendre involontairement. Si
c'est l'auteur... eh bien, il faut en prendre son parti, et faire avec -
comme les typos, correcteurs et autres SR l'ont fait de tout temps.

Les auteurs ne vont pas accentuer leurs capitales (ni saisir en b.d.c.) pour
votre bénéfice, soyez-en sûr. En appeler au changement des programmes de
l'éducation nationale pour faciliter la réalisation de votre marche perso me
paraît (pour le dire gentiment) grotesque. Et ça reflète malheureusement
l'arrogance d'un petit milieu un peu trop fermé sur lui-même, me semble-til
- quelle que soit la valeur indéniable de ses représentants.

Vous êtes-vous seulement jamais demandé *pourquoi* on enseigne que les
majuscules ne doivent pas être accentuées ? Ou vous êtes-vous contenté
d'imaginer, comme tant de partisans de l'accentuation, que - puisque ça ne
correspond pas à votre sentiment - ça ne peut provenir que de la paresse
mentale, inertie et autre sénilité des enseignants ? J'ai esquissé certaines
raisons linguistiques pouvant sous-tendre ce parti différent du vôtre.

En bref : vous avez une marche, l'éducation nationale en a une autre. La
belle affaire ! Mais l'éducation nationale a ses raisons (qui ne sont pas
celles de la typo, mais de la langue).

Le parti d'"élégance" variera d'un praticien à l'autre : qui y verra un
argument en faveur des majuscules accentuées, qui y verra un argument pour
la non-accentuation. C'est précisément la raison d'être d'une marche que
d'opérer ces choix.

Enfin, votre position sur les sigles et acronymes laisse rêveur. A vous
entendre, puisque le vulgaire ne comprend pas, changeons donc la règle -
dans le sens que vous souhaitez, bien entendu (oh ! surprise...). Même
remarque que précédemment, pour les programmes de l'EN.

Mais votre marche, je le répète, est valable : autant (ni plus, ni moins)
que les marches qui n'accentuent pas les majuscules.


> De : Olivier Randier <olivier.randier@xxxxxxx>
> Répondre à : typographie@xxxxxxxx
> Date : Tue, 14 Oct 2003 15:19:28 +0200
> À : typographie@xxxxxxxx
> Objet : Re: [typo] Capitales accentuées (encore)
> 
>> Pour ma part, je n'ai jamais contesté la validité des marches qui accentuent
>> les majuscules. Mais je nie, bien sûr, qu'elles soient seules valables. Et
>> je me demande quel crédit apporter à l'alexie subite dont les tenants de
>> l'accentuation se prétendent atteints, face à une phrase (ou un mpt !) en
>> tout-cap. non accentué... Ce qui, rappelons-le, n'a *rien à voir* avec la
>> question des *majuscules* en texte b.d.c.
> 
> Vous tentez de nous faire passer pour les tenants du dogme dans cette affaire.
> Nous avons toujours dit, ici, qu'on ne pouvait s'appuyer sur une
> tradition ou un usage quelconque pour trancher dans un sens ou dans
> l'autre. Le dogme n'est pas de notre côté.
> Ce contre quoi nous nous élevons, c'est sur la tendance lourde, y
> compris dans l'Éducation nationale, à prétendre qu'« on ne doit pas
> accentuer les capitales ». Nous disons simplement qu'il est
> tout-à-fait justifié de le faire, particulièrement dans les
> dictionnaires et dans les ouvrages de référence sur la langue (c'est
> ce qui est fait, d'ailleurs). Nous disons simplement que la marche
> panaccentuée est la plus cohérente et surtout qu'elle est la seule à
> assurer l'exactitude de la saisie.
> 
>> Quant à la simplicité, en typo, elle n'est pas du côté de la simplicité
>> *logique*, mais bien de la simplicité *visuelle* du caractère, et du mot.
>> Distinction assez fondamentale, me semble-t-il, et au c¦ur du débat sur
>> l'utilité d'accentuer les majuscules.
>> 
>> Vous êtes le premier à clamer bien haut cette distinction entre majuscules
>> et capitales. Soit ; ça montre le sérieux de votre démarche typo. Mais
>> alors, il faut en tirer la conclusion qui s'impose : en opérant cette
>> distinction, vous vous interdisez par là même de tirer argument des
>> problèmes éventuels du tout-cap. pour justifier vos préconisations pour les
>> majuscules. Je me permets de reprendre un développement déjà tenu par
>> ailleurs (que ceux qui en auront déjà lu quelque chose me pardonnent...).
>> organismes en tous genres, des titres d'¦uvres, etc.
> 
> Ce n'est pas aussi simple que ça, justement parce que cette
> distinction majuscule-capitale n'est pas évidente pour le grand
> public. Ceux qui ont appris qu'on ne doit pas accentuer les
> majuscules n'accentuent généralement pas non plus les capitales. Ça a
> des conséquences pratiques extrêmement lourdes.
> 
> Prenons un exemple : j'ai un index à la fin d'un livre, saisie par
> une secrétaire formée à la marche non accentuée (ou simplement ne
> sachant pas régler Mot?).
> Celle-ci saisit en tout caps (grrr !), parce que la copie est comme ça :
> 
> ELEPHANT
> ELUARD
> 
> Pour des raisons d'encombrement ou d'esthétiques, je dois passer
> l'index en caps et bas de casse. J'obtiens :
> 
> Elephant
> Eluard
> 
> Mettons que la secrétaire ait été formée à la marche accentuée pour
> les capitales seulement. Cette fois, elle saisit en caps et bas de
> casse :
> 
> Eléphant
> Eluard
> 
> Pour les raisons citées précédemment, je dois cette fois passer en
> tout caps (contre mon gré, mais bon, le client est roi). J'obtiens :
> 
> ELÉPHANT
> ELUARD
> 
> Ne venez pas me dire que ces exemples sont tirés par les cheveux.
> C'est du vécu. Quand on reçoit dix colonnes de noms propres et
> d'adresses saisies de cette façon, et qu'on doit tout corriger à la
> main, en vérifiant chaque orthographe (ah ! les joies de les/lès dans
> les noms toponymiques) -- si encore on le peut (s'il s'agit de la
> liste des participants à un congrès, je fais quoi, je téléphone à
> chacun pour qu'il me donne l'orthographe de son nom ?) --, ça agace
> un poil.
> Vous me direz que la secrétaire n'a pas à saisir en tout caps, et je
> suis d'accord. Reste que c'est une réalité. La secrétaire peut
> d'ailleurs aussi bien être un auteur.
> Notre position est de dire qu'il n'y a pas de raison de continuer à
> répandre le dogme selon lequel « on ne doit pas accentuer les
> capitales » (et ne venez pas me dire qu'ici je confonds majuscule et
> capitale, je l'ai entendu tel quel de la bouche de ma prof de dessin
> au lycée).
> Nous disons aussi qu'au niveau de la saisie, seule la marche
> panaccentuée permet une composition efficace. Les autres pratiques
> font perdre un temps considérable.
> La marche panaccentuée ne présente aucun inconvénient pratique. Elle
> est simple, à la portée de tous, beaucoup plus que de dire « on
> accentue les capitales, mais pas les majuscules », et elle permet de
> transmettre toutes les subtilités de la langue. C'est pourquoi elle
> nous paraît la plus à même de combattre les dogmes erronés qui nous
> pourrissent l'existence.
> Quant à l'argument selon lequel ça gène le lecteur, ça ne touche
> qu'un faible pourcentage et, de plus, le même lecteur n'est pas géné,
> que je sache, de lire des majuscules accentuées dans un dictionnaire
> (où c'est, D... merci, systématique). L'argument esthétique est
> subjectif, nous sommes beaucoup, ici, à trouver les accents sur les
> capitales élégants, même si, comme JiPé, je regrette le manque de
> fontes avec accents « surbaissés » sur les capitales.
> Nous ne contestons pas la validité des marches à majuscules
> inaccentuées, nous disons que nous préférons la marche panaccentuée
> et qu'il est préférable de promouvoir celle-ci, qui est facile à
> expliquer, plutôt que de capituler devant la prolifération des textes
> incomplètement accentués, que ce soit en caps ou en bdc, ce qui est
> une réalité croissante. Les textes circulent aujourd'hui sous forme
> informatique, sont repris et remis en forme maintes fois. Lorsqu'ils
> sont incorrectement saisis, ils finissent, à un moment ou à un autre,
> par engendrer des erreurs du type Elephant/ELÉPHANT (voire
> elephant/eléphant).
> Ce dogme non-accentueur a aussi des conséquences sur les logiciels
> que nous utilisons. Je crois que Mot? n'accentue toujours pas les
> capitales par défaut, nos logiciels de composition n'offrent pas la
> possibilité de distinguer les capitales accentuées des majuscules qui
> ne le seraient pas. La réalité fait donc que nous devons choisir
> entre marche panaccentuée et marche totalement non accentuée. Mon
> choix est fait.
> 
> Quant au problème des accents dans les sigles, qui était le point de
> départ du fil, je crois, je suis tout-à-fait d'accord qu'il n'y a pas
> lieu de le faire, mais ça n'a rien à voir avec le fait de ne pas
> accentuer les majuscules. Simplement, le _vulgum pecus_ ne faisant
> pas la distinction entre sigle et acronyme (d'autant plus que la
> typographie tend à oublier la différence), il serait compliqué de lui
> faire comprendre qu'on accentue les sigles mais pas les acronymes --
> où l'accentuation de l'initiale du mot abrégé peut rentrer en conflit
> avec l'accentuation naturelle de l'acronyme.
> -- 
> Olivier Randier
>