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Message : Re : [typo] Pluriel des nombres ecrits en chiffres : les 1590's

(Jean-François Roberts) - Dimanche 19 Septembre 2004
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Subject:    Re : [typo] Pluriel des nombres ecrits en chiffres : les 1590's
Date:    Sun, 19 Sep 2004 05:27:36 +0200
From:    Jean-François Roberts <jean-francois.roberts@xxxxxxxxxx>

Tout à fait. "Les 1730's" est assurément un anglicisme, et serait considéré
comme fautif en typo anglaise, qui plus est.

Il n'y a guère que la marche du _New York Times_ (hélas influente) à
défendre l'apostrophe en ce cas. On peut la considérer comme un héritage
d'une époque (XVIIIe-XIXe siècles) où l'usage était en effet flottant à cet
égard, avant de se normaliser sur le pluriel simple : "the 1730s".

La forme française, bien entendu est (à l'exclusion de toute autre !) : "les
années 1730" (à la rigueur : "les années 30").

En orthographie français, on le sait, les chiffres (et les nombres) sont
invariables, et les symboles ne portent jamais de marque de pluriel.
L'anglais use des partis inverses...

Cela dit, un usage plaisant, surtout dans les contexte de mode, a importé,
ces derniers temps, l'anglicisme (voulu comme tel) "les fifties", etc. :
"cette robe est très seventies, vous savez".

On hésiterait à écrire "les 50s", ou "les 50's" dans un tel contexte. Et
pourtant, les faits sont là...

Si l'on feuillette le magazine _Elle_ de cette semaine (numéro daté du 13
septembre 2004), on trouve (p. 27) un entrefilet sous la signature d'Erin
Doherty (nom certes à consonnance anglo-saxonne - pour employer l'expression
à contre-emploi caractérisé, puisque c'est un prénom et un nom exclusivement
celto-irlandais !) qui, à propos de l'actrice Renée Zellweger, indique :

    "[...] la comédienne a accepté de renoncer à sa célèbre blondeur 50's."

Il s'agit bien là d'un emploi spécifique, pour rendre "au court" (18 lignes
justif. étroite !) l'expression au long "sa [...] blondeur fifties". Et l'on
voit que, s'agissant d'un périodique, la marche du _New York Times_ l'a
assez naturellement emportée, alors même qu'elle fait cavalier seul sur ce
point, depuis plus d'une génération.

De fait, un peu plus loin dans le même numéro (p. 38), on retrouve la marche
usuelle du magazine, conforme au code typo français, dans un articulet signé
François Baudot, sur la 22e Biennale des antiquaires, à Paris :

    "[...] la galerie Down Town et Patrick Seguin, spécialisés dans les
    mobiliers des années 40 et 50."

Pour avoir moi-même jadis travaillé comme correcteur sur les articles de ce
magazine, je peux garantir que ces variantes ne sont pas dues à quelque
inadvertance de la rédaction. Ni, on l'a compris, à une quelconque
"influence inconsciente" - n'en déplaise à J. Melot.

Il s'agit bien d'une reprise délibérée de la forme anglophone, qui se veut
ludique... Un clin d'¦il qui, malheureusement, fait tache d'huile...

Il semblerait donc que le correcteur (la correctrice ?) de l'ouvrage de
Leroy-Ladurie soit plus branché(e) sur les revues de mode que sur le code
typo - et n'ait guère intégré l'existence de registres différents, suivant
les types de textes, et de discours.

Quant à l'auteur, il s'en est remis, apparemment, aux services techniques de
son éditeur (correction ou secrétariat d'édition), considérant que d'autres
chats attendaient d'être fouettés par ses soins. A moins que tout le monde
ait laissé en l'état le texte saisi et mis en forme par... la secrétaire
dudit auteur (qui n'a sans doute jamais entendu parler du code typo !).


> De : Patrick Andries <hapax@xxxxxxxxxxx>
> Répondre à : typographie@xxxxxxxxxxxxxxx
> Date : Sat, 18 Sep 2004 09:48:56 -0400
> À : typographie@xxxxxxxxxxxxxxx
> Cc : typographie@xxxxxxxxxxxxxx, langue-fr@xxxxxxxxxxxxxxx
> Objet : Re: RE : [typo] Pluriel des nombres ecrits en chiffres : les 1590's
> 
> Dominique Lemarchand a écrit :
> 
>> Cela semble plutôt un anglicisme, le s n'étant pas celui du pluriel mais
>> celui du génitif saxon, d'où l'apostrophe ("les années de [la décennie]
>> 1590").
>> 
>> 
>> 
> 
> On écrit pourtant « the fifties » et non les « the fifty's » pour les
> années cinquante.
> 
> Quid de la préposition qui manque dans « à la fin la décennie 1710 » ?
> En lisant le texte de Ladurie j'ai l'impression qu'il l'a dicté et qu'on
> l'a composé ensuite sans qu'il y  ait eu grande révision. Le style est
> très oral.
> 
> Pas de relecteur ou de correcteur chez Fayard ?
> 
> P. A.
>