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Message : Fw: [typo] Voire, même...

(Bentz) - Lundi 01 Novembre 2004
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Subject:    Fw: [typo] Voire, même...
Date:    Mon, 1 Nov 2004 10:35:40 +0100
From:    "Bentz" <bentz-lf-d06@xxxxxxxxxx>

Ma réponse semblant s'être dissoute dans le virtuel, je la renvoie (avec
mes excuses anticipées en cas de doublon).
L.B.

> ----- Message d'origine ----- 
> De : "ulyze" <typographie@xxxxxxxxxxx>
> À : <typographie@xxxxxxxxxxxxxxx>
> Envoyé : dimanche 31 octobre 2004 19:07
> Objet : [typo] Voire, même...
>
>
> > Bonjour,
> >
> > Après avoir lu plusieurs courriels de cette liste, j'ai remarqué que
> > vous êtes très pointilleux sur la langue française. Je me permet
donc
> > de venir vous poser une question sur laquelle nous nous chamaillons.
> >
> > Est-il correct de dire/écrire "voire même" ?
> > Exemple: "Tu peux faire ceci, voire même cela."
>
> Les purpuristes contestent « voire même » au nom d'une prétendue
> redondance. Dans l'usage littéraire ou soutenu, « voire » se suffit à
> lui-même. Mais le sévère censeur qu'est Girodet (Bordas des
difficultés)
> écrit : « Parfois,  "voire même" est considéré comme un pléonasme
> incorrect. En réalité, c'est un archaïsme. En effet, la forme
primitive
> était "voire même" (vraiment même), tandis que "voire" constitue une
> forme elliptique plus récente. »
>
> Thomas va plus loin : « Certains, n'ayant retenu de "voire" que le
sens
> actuel de "même", ont été amenés à considérer l'expression "voire
même"
> comme un pléonasme ; il faut y voir en réalité le sens originel de
> "véritablement même" (voire=vraiment).
>
> N'écartons pas l'hypothèse dans laquelle on trouverait ici quelque
> contempteur de Girodet et Thomas, qui les trouverait laxistes (Thomas
?
> Laxiste !!!). Il faut nous prémunir : aussi bien ferai-je appel à
> l'arbitre du bon usage au XXe siècle, le grand Maurice (Grevisse) ; au
> besoin, je m'en servirai (grand nombre de pages, couverture épaisse et
> rigide) pour amener d'éventuels contradicteurs à la raison. Donc, la
Xe
> édition du Bon Usage (sous sa seule signature) comprend cette remarque
> (§ 872) :
>
> « "Voire même"   est condamné comme pléonastique par certains puristes
;
> cet assemblabe, si l'on considère le sens étymologique de "voire"
> (=vraiment), pourrait se traduire par "vraiment même" ou par "et même,
à
> vrai dire" : ce n'est donc un pléonasme que si l'on prend "voire" dans
> son sens moderne de "même". - Vaugelas (Rem., p. 42) ne trouvait pas
> "voire même" d'un excellent usage, mais ne le condamnait pas
cependant.
> Cette expression était déjà considérée comme archaïque au XVIIe
siècle.
> [Suivent des citations des D. de Richet et de Trévoux). » Et Grevisse
> conclut en citant maints grands auteurs ayant employé « voire même »,
> dont Mérimée, Musset, L[ouis, je crois] Battifol... et même le
> Dictionnaire de l'Académie (8e éd. 1935) avec cet exemple : « Ce
remède
> est inutile, voire même pernicieux ».
>
> Dans mon édition des « Remarques sur la langue française utilies à
ceux
> qui veulent bien parler et bien écrire » (Ivrea, 1996), voici ce
> qu'écrit Vaugelas (c'est ici à la page 63) :
>
> « J'avoue que ce terme est comme nécessaire en plusieurs recontres, et
> qu'il a tant de force pour imprimer ce en quoi on l'emploi
ordinairement
> que nous n'en avons point d'autre à mettre en sa place qui lui fasse
le
> même effet.  Néanmoins, il est certain qu'on ne le dit plus à la cour,
> et que tous ceux qui veulent écrire purement n'en oseraient user. Pour
> moi, je ne le condamne point aux autres, mais je ne m'en voudrais pas
> servir, à cause qu'il y a deux sortes d'usages, le commun et
> l'excellent, et que je ne voudrais pas user d'une façon de parler que
> l'excellent usage eût condamnée. Et l'on a beau se plaindre de
> l'injustice de cet usage, il ne faut pas laisser de s'y soumettre,
> encore qu'on le croie injuste. J'ajouterai que ceux qui ont accoutumé
de
> s'en servir ne pensent pas s'en pouvoir passer, et que ceux qui ne
s'en
> servent jamais ne s'aperçoivent pas qu'ils en aient besoin. /Et même/
> tout s'eul fait à peu près le même effet, comme si l'on dit /ce remède
> est inutile, voire même pernicieux/* ; on peut dire aussi /ce remède
est
> inutile, et même pernicieux/. Il est vrai qu'il est un peu plus
> faible. »
>
> * Tiens ! on le retrouve...
>
> Luc Bentz, www.langue-fr.net
> -- 
>
> « Menacé par l'indifférence et les idées fausses plus que
> par l'anglais, défendu par tous ceux qui le font vivre, fût-ce
> par transgression, le français n'est pas en train de disparaître.
> Le français est une langue en danger, une langue vivante. »
>
> Alain REY, Dictionnaire historique de la langue française
> (article « français »)
>
>