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Message : Re: [typo] Nom et prenoms

(Pierre VINET) - Jeudi 17 Février 2005
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Subject:    Re: [typo] Nom et prenoms
Date:    Wed, 16 Feb 2005 20:25:34 -0500
From:    Pierre VINET <vinp@xxxxxxxxxxxxxxxx>


Le 16 févr. 2005, à 08:49, jide a écrit :

Je vois que tu es un bon partenaire, faisons donc ensemble assaut de mauvaise foi, comme au bon vieux temps de Jipé Lacroux :

La typographie demeure pour moi une chose encore trop imprécise pour que j'ai pu profiter pleinement à l'époque de toute la richesse de vos échanges.

Tous sur cette liste ont remarqué et apprécié Jean-Pierre Lacroux et la qualité de ses propos. Il m'arrive souvent de les relire dans une petite publication qui en a été fait.

Je suis certain de n'être pas seul à me réjouir du fait que le thème de ce fil, somme toute assez anodin, ait réussi à briser le mutisme que vous aviez choisi et au sujet duquel, il y a quelques mois, vous nous avez donné les raisons.

-- Quand les Étatsuniens eux-mêmes parlent du président, ils abrègent souvent en "George Dabeuliou", jamais en "Dabeuliou Bush" !

Les zones grises permettent aux girouettes de retourner leur chemise à leur gré, je ne m'en priverai donc pas.

Votre argument a du poids.

Avant tout parce qu'il s'inspire du génie de la langue, chose indéfinie et indéfinissable, omniprésente, que chacun porte en soi, peu ou prou. Les codes tentent de le réglementer sans jamais parvenir à en faire le tour, pour la simple raison que les uns sont fixes et que l'autre est mouvant. On convient qu'un code cristallise à un moment donné un ensemble de traditions, se permet parfois d'évoquer quelques tendances et mentionne rarement les modes au goût du jour (autrement il perdrait beaucoup de son utilité). Les modes sont des expressions du génie de la langue dont on ne connaît pas le devenir, à savoir si elles perdureront un tant soit peu avec cohérence et sans trop se modifier. Pour cette raison et aussi parce que les livres traversent les époques, il est préférable d'en moins tenir compte.

L'un des objets de cette liste est de chipoter interminablement sur ce qui est une mode, sur ce qui est une tradition et sur ce qui ne l'est pas. Heureusement et pour l'agrément de tous, c'est un débat sans fin que les abonnés alimentent de leurs connaissances, de leurs ignorances aussi, de leurs certitudes et de leurs méprises. Cela constitue la vertu pédagogique de la liste, en quelque sorte.

Mais il y a un hic, car il y en a toujours un.

Votre exemple, vous le dites vous-même, provient de la langue parlée. Or les typographes couchent de l'écrit.

Une abréviation laissée en plan sur le bout du quai m'a toujours paru tristounette. C'est une réminiscence inquiète des veuves, des orphelines et aussi du deux points en bout de ligne qui abandonne sa suite.

Dans le cas qui nous occupe, l'usage américain veut que W. soit l'abréviation d'un nom. Conformons nous à cet usage et appliquons les règles de la typographie française, règles qui me servent parfaitement car elles renvoient à la ligne d'une part l'abréviation du nom parce que c'est un nom et d'autre part l'abréviation du prénom parce que c'est une abréviation.

Le but premier du typographe est de faciliter la lecture et de faire une belle page. Dans les zones grises, il interroge son petit génie intérieur ou celui de son voisin, raisonne son choix et opte finalement pour la meilleure graphie. Sa préférence passe généralement inaperçue, est au mieux remarquée par un attentif amoureux du métier. La typographie est une technique qui vise à amener le lecteur au plus près du texte. Son art est discret, voire invisible. Sinon ce serait de la publicité et la publicité est trop bruyante pour réaliser de beaux livres.

Sur toutes ces questions comme sur bien d'autres, il est bien possible que je pense aujourd'hui le contraire de ce que j'en penserai demain. Vous avez donc bien raison de spécifier qu'il ne faut pas en défriser pour autant.

Ce qui importe, encore une fois, c'est de recueillir l'avis de la liste.

Pierre Vinet