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Message : Re: [typo] aphorimse ŕdébattre

(Philippe Jallon) - Vendredi 01 Avril 2005
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Subject:    Re: [typo] aphorimse ŕdébattre
Date:    Fri, 1 Apr 2005 12:37:45 +0200
From:    Philippe Jallon <philippe.jallon@xxxxxxxxxxxxxx>

Thierry Bouche écrivit, précisément le 18/3/05 :

« Quand le sage montre la lune, l'idiot regarde le doigt » disait maître
Kung.

Quand l'intellectuel montre le texte, l'abonné regarde la typo ?

Ton exemple n'est pas bien choisi. Plus pertinent : « Quand le grand public regarde le paysage, le spécialiste regarde la fenêtre. »

Tout expert ou amateur éclairé regarde volontiers l'aspect technique d'une oeuvre. Un cinéaste remarque les mouvements de caméra, un ingénieur du son est tout ouïe, un professionnel de l'écriture repère les tics verbaux et les expressions savoureuses de ses confrères, un historien s'amuse des anachronismes, un chirurgien fulmine contre les bavures médicales du scénario, un cheminot se gausse des histoires qui déraillent, un correcticien pouffe devant les afreuse coquilllles des sous-titres... Rien que de très normal là-dedans. Cela devient pathologique si l'arbre de l'expertise finit par gâcher le plaisir forestier.

Il y a peu encore, j'avais fini par ne plus lire aucun livre. Je me contentais du minimum vital nécessaire à l'exercice des deux métiers que j'exerçais jusqu'à hier pour le compte de trois employeurs situés dans trois pays différents (depuis ce matin, je n'ai plus que deux employeurs). Motif : dès que j'ouvrais un bouquin, je finissais par ne plus y voir que les coquilles, les erreurs graphiques et les lourdeurs stylistiques ; le contenant prenait le pas sur le contenu. Il est vrai que la plupart des auteurs écrivent comme des pieds, que presque tous les éditeurs limitent les opérations de prépresse à la portion congrue et ne font plus leur métier, que les fontes sont choisies au petit bonheur, que les maquettes sentent le vomi et que le contenu fout le camp...

J'ai pris sur moi-même en commençant une thérapie cathodique. Pour me soigner, je regarde les matinales de M6 et l'hebdomadaire de Fogiel. L'animateur principal de chacune des ces émissions souffre d'une culture crasse et d'insuffisances professionnelles rédhibitoires. Je me force à regarder et à écouter. Peu à peu, j'en viens à faire comme tout le monde : je m'en fous. La guérison est proche. Je regarderai bientôt le paysage sans penser à la fenêtre, et bientôt je ne verrai plus le doigt du sage...
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Philippe Jallon