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Message : Re: [typo] mesure du corps d'un caractère

(Christian Laucou-Soulignac) - Lundi 02 Octobre 2006
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Subject:    Re: [typo] mesure du corps d'un caractère
Date:    Mon, 2 Oct 2006 09:47:28 +0200
From:    "Christian Laucou-Soulignac" <fornax@xxxxxxxxxxx>

Qu'on me permette d'intervenir... un peu tardivement car la discussion semble close.
CLS
 
----- Original Message -----
From: "Jacques André" <jacques.andre35@xxxxxxxxx>
To: <typographie@xxxxxxxxxxxxxxx>
Sent: Sunday, October 01, 2006 3:21 PM
Subject: Re: [typo] mesure du corps d'un caractère


Le 30 sept. 06, à 21:53, Rémi Jimenes a écrit :

> Bonjour à tous,
Bonjour à toi (on s'est rencontrés à Saran lors de l'inauguration de
l'Atelier Monotype).
>

> Je dois réaliser un catalogue des ouvrages imprimés par Charlotte
> Guillard (14??; 1557), une bibliographie matérielle. Il me faut donc
> décrire chacun des ouvrages imprimés par cette honorable dame. Et je
> dois, pour chaque édition, préciser le type des caractères utilisés
> (Romain, Italique, grec, hébreu, etc.) et le corps.
> Ma question peut vous sembler bien naïve, j'imagine, mais je débute et
> je n'ai pas encore le compas dans l'oeil: je n'arrive pas à déterminer
> à vue d'oeil le corps d'un caractère. Aussi dois-je le mesurer. Je
> souhaiterais donc savoir comment procéder:
>
> 1) Existe-t-il une méthode particulièrement rapide pour mesurer le
> corps d'un caractère?
Aujourd'hui on utilise un typomètre en plastique transparent  qu'on
pose sur une page (sur plusieurs lignes de texte de même corps) et il
suffit d'y lire le corps imprimé. C'est basé sur le principe du
"prototype" de Fournier (Manuel 1764, planche.VIII) qui mesurait la
force des caractères en plomb : mesurer non pas le corps d'un seul
caractère mais celui d'une dizaines de caractères pour diminuer les
risques d'erreur de mesure.
Fournier mesurait lui le vrai corps*, c'est-à-dire la "hauteur" du bloc
de métal sur lequel est fondu l'oeil de disons la lettre.  Les
typomètre d'aujourd'hui mesurent en fait la distance entre deux lignes
de base. Ce qui laisse notamment supposer que le compositeur n'a pas
ajouté des interlignes supplémentaires.
Ceci dit, cette méthode du typomètre de mesure entre lignes de base est
rapide pour le texte courant et peut facilement s'adapter, avec un
simple papier calque, à des incunables ou aux textes de ton honorable
charlotte (mais ça  ne marche donc pas bien pour les titres en gros
corps, etc.)
La bibliothèque du Centre d'Études de la Renaissance de Tours que tu
fréquentes a sûrement l'ouvrage suivant :
Peter Burnhill, Type spaces -- in-house norms in the typography of
Aldus Manutius, Hyhphen-Press, Londres 2003. (sinon, il faut qu'elle
l'acquiert!).
Tu verras comment cet auteur a mesuré non seulement la force des corps
dans les bouquins d'Alde, mais aussi réussi à faire des mesures des
espaces utilisées...
Parlons du cas précis évoqué ici : "Je dois réaliser un catalogue des ouvrages imprimés par Charlotte
Guillard (14??; 1557)"
Cette chère Charlotte (que je n'ai pas l'honneur de connaître mais que je découvrirais avec plaisir) a produit bien avant que MM. Truchet et Fournier ne mettent leurs nez respectables et respectifs dans les affaires typographiques et a fortiori avant que M. Didot, M. Hawks, Mme I.N. et M. Postscript n'y mettent le leur (quoique pour les deux dernier... le nez...). On ne sait pas selon quelles mesures ont été fondus les caractères qu'elle a utilisé, la Charlotte. Dès lors pourquoi vouloir mesurer le corps de ses caractères avec une unité de mesure postérieure et qui n'a plus officiellement cours. Je rappelle à nos colistiers que le mm est l'unité typographique légale en France (imposée par l'Afnor). Je suggère donc d'utiliser le mm pour mesurer le corps de ces caractères. Unité de mesure qui, outre sa "légalité", a l'avantage d'être appréhendée facilement par tous (hors le monde anglo-saxon ;-)... et encore). Un simple double décimètre (ou un double simple décimètre ?) devrait suffire dès lors aux mesures, à moins qu'on ne préférât un pied à coulisse, voire un palmer pour plus de précision.
 

> 2) Quel est le point de référence: le Didot (0,3759mm)? le point
> Imprimerie nationale (0,398)? le pica (0,351)?

J'ai sous les yeux un typomètres en pica et un en didot... J'en ai vu
un en Fournier récement!
Mais, toute la difficulté est là... au XVIe siècle, aucun de ces points
n'existait et on utilisait les dénominations classiques telles que
cicero, gros romain, trimegiste ou parisienne. On trouve un peu partout
des tables d'équivalence entre ces dénominations, les points courants
(en pica ou didot) et même en mm. Mais il faut manier celà avec le plus
grand esprit critique car les forces des  corps ont suivi beaucoup de
variations tant dans leurs mesures (d'où d'ailleurs l'intérêt de
normaliser le point) que même dans leurs noms. L'article le plus
sérieux sur le sujet des noms/points est sûrement celui de James Mosley
(Typography papers, Reading University, 199). Sur l'histoire des 
valeurs des points, la meilleure synthèse actuelle est celle d'André
Boag, dans ces mêmes Typography papers, vol. 1, 1996, p.105-121. Mais
bientôt paraîtra le denier tome du Dictiionnaire encyclopédique du
livre (DEL) avec un article sur le point signé Christian
Laucou-Soulignac qui intervient ici assez souvent !
 
Merci, Jacques, de m'avoir cité mais cet article que tu es le seul, pour l'instant, à avoir lu ne paraîtra pas avant longtemps et ne saurait être d'un grand secours ici.

À mon avis donc, il faut donner les noms des corps et non leurs "points
actuels" ce qui n'aurait que peu de sens, quitte à donner qq part une
équivalence probable  en mm ou en didot.  En revanche si on peut dire
avec  certitude quelle a été lla fonderie qui a fourni les
caractères...

Comme je te l'ai dit à Saran je crois, un chose très peu étudiée c'est
l'inventaire des caractères utilisés : quelles ligatures ? quels
accents (plus tard il est vrai), mais aussi tous les caractères de
casseau, etc.





>
> En espérant ne pas vous choquer par mon ignorance, merci de votre aide!

* J'espère que ton ignorance ne vas pas jusqu'à confondre la mesure du
corps d'un caractère avec la mesure de l'oeil d'un caractère (c.-à-d.
la mesure de sa trace imprimée) ; on voit tellement souvent écrites des
choses erronées comme "le corps d'un caractère c'est la distance entre
le haut des hampes et le bas des descendantes" ... Je me permet de te
donner l'url d'un article d'introduction à ces mesures ;  je l''ai
écrit il y a une quinzaine d'années quand la typographie en PAO
démarrait seulement mais il y a peu à corriger... :
http://www.gutenberg.eu.org/pub/GUTenberg/publicationsPDF/4-andre.pdf

Bon travail



> [ps: doit-on mettre un point après notre nom dans une signature?]
>
  Doit-on ? non... Mais dans une signature manuscrite on peut faire ce
qu'on veut !


Jacques André