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Message : Re: [typo] Nostalgie

(Alain Joly) - Mercredi 20 Décembre 2006
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Subject:    Re: [typo] Nostalgie
Date:    Wed, 20 Dec 2006 10:08:39 +0100
From:    Alain Joly <alain.joly3@xxxxxxxxxx>

Title: Re: [typo] Nostalgie
Mais "désimposition", ça ne s'invente pas !
Surtout que dans son énumération de la table  des matières, il y avait : imposition - désimposition...
J'ai trouvé ça drôle, - c'est déja assez compliqué d'imposer, si il faut défaire ensuite... -mais n'étant pas experte en ce domaine, me suis dit que peut-être, cela signifiait qchose que j'ignorais...


Notre expert typographie plomb encore en activité semblant en vacances, je vais le plus brièvement possible énumérer les opérations qu'il fallait réaliser alors (dans le cas d'unc compo "manuelle") :

- "composition", le compositieur typographe puise les caractères typos un a un dans les "cassetins" d'une "casse" et les assembles côte à côte, tête en bas, dans un "composteur" (à noter à ce propos que le vocabulaire d'atelier de l'époque faisait la différence entre la composition "au fer" qui était forcément "à gauche" (car le "fer" du composteur, partie réglable du composteur, est situé à gauche de la ligne composée) et "en drapeau" qui était forcément à droite (je ne sais pas pour quelle raison on ne disait pas "au talon" puisque c'est le nom de la partie droite du composteur),

- les lignes composées étaient assemblées les unes à la suite des autre dans une "galée", de hauteur variable, puis "liée" par une ficelle, ou des mécanismes plus élaborés à partir des années 60, afin de tirer une "épreuve en placard",

- cette épreuve était relue par des correcteurs; les corrections étaient reportées sur les textes en galée par des compositeurs typographes "corrigeurs",

- toujours en galée, les textes composés étaient mis en pages en se servant de "piges" pour établir une hauteur fixe à chaque montage (ces piges étaient souvent de vieux filets 12 ou 24 points ou des "lingots"), chaque page était "liées" à la ficelle et placé sur un "ais", plaque de carton épais;

- toutes ces opérations (sauf la lecture des correcteurs) étaient faites sur les "rangs",

- on y arrive, les pages montées étaient arrangées dans un ordre précis, sur le marbre (à l'horizontale, donc), pour obtenir un "côté de feuille", elles étaient maintenues en place dans un "chassis" (en petit format) ou une "forme" (en grand format) par un ensemble d'interlignes, de lingots (pour fixer les blancs d'empagement) et immobilisées par des coins de bois, puis par des "serrages" (la "clé de serrage" était aussi indispensable à l'imposeur que celle du champ de bataille au troufion); cet ensemble d'opérations s'appelait l'imposition;

- on tirait des épreuves de cet ensemble (appelées "morasses" dans la presse quotidienne, à l'aide d'une presse à épreuve ou d'une brosse dure;

- la forme partait alors aux presse sur des "chariots" qui pouvaient être deux roulettes reliées par un support à gorge sur lequel on posait la forme ou des chariots plus conséquents capable de transporter plusieurs formes,

- la forme était alors "calée" sur la presse (le terme est resté) pendant que les correcteurs et le prote vérifiaient une dernière fois l'épreuve; les corrections résiduelles étaient réalisées par un compositeur typo "tierceur" qui intervenait directement sur la presse;

- je passe les opérations de réglage de la presse pour obtenir une première bonne épreuve : "le bon à tirer" qui était un document signé par le client et valable devant les tribunaux en cas de contestation...

- le tirage terminé, la forme retournait au marbre où elle était "désimposée" (nousy voilà), c'est à dire que l'on isolait à nouveau chaque page, la liait et la plaçait sur un ais, on distribuait les interlignes et lingots, rangeait les serrages ou les coins dans leur tiroir et glissait les formes vides sous le marbre;

- les pages suivaient alors deux chemin distincts :
- soit elles sont dirigées vers les réserves pour être "en conserve" dans l'hypothèse d'un nouveau tirage (toujours placées sur des ais et étiquetées),
- soit elle sont envoyées vers la "distribution", où les typos remettent en place chaque caractère dans le cassetin et la casse qui conviennent, rangent les interlignes dans l'interligner, les lingots dans le lingotier, les vignettes dans des casseaux et les clichés dans des tiroirs (ou dans des emballages pour la "conserve" !),

Tout cela prenait beaucoup de temps... :-)

Amicalement,
Alain
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