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Message : Re: [typo] Sigles et acronymes ?

(Jacques Melot) - Mercredi 28 Octobre 2009
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Subject:    Re: [typo] Sigles et acronymes ?
Date:    Wed, 28 Oct 2009 13:43:11 +0000
From:    Jacques Melot <jacques.melot@xxxxxxxxx>

Title: Re: [typo] Sigles et acronymes ?
 Le 2009-10-28, à 8:24 +0100, nous recevions de Jean-François Charvet :

Bonjour,

quelle règle appliquer pour les abréviations légales ou commerciales que sont :

SAS ou S.A.S.

SARL ou S.A.R.L.


[J. M.]   Les points sont nécessaires et, par là, obligatoires, a fortiori dans un travail soigné. Leur suppression suppose connue de tout lecteur potentiel la prononciation de l'ensemble, à moins qu'elle ne marque de manière cynique que l'on se moque éperdument de ceux qui ne seront que des lecteurs occasionnels, non censés connaître le sigle et sa prononciation. La licence qui consiste à supprimer ces points, généralement pour se simplifier la vie, a pour conséquence immédiate, mécanique, d'augmenter les difficultés de lecture des étrangers et des personnes n'appartenant pas où groupe de celles à qui s'adresse le texte. Pour prendre une comparaison, ce serait comme se faciliter le travail en faisant fi de certaines règles typographiques (suppression des espaces obligatoires accompagnant la ponctuation, par exemple) dans un texte s'adressant à des typographes sous prétexte qu'ils comprendront, puisqu'ils sont de la partie.

   En fait, la tendance actuelle en question à supprimer des points est, une fois encore, une influence du monde anglo-saxon ou le pragmatisme l'emporte sur toute autre considération. C'est de ce monde que vient la suppression des espaces entre les initiales des prénoms, pratique alternant avec une autre, d'inspiration identique, mais incompatible, en ce sens qu'elle ne peut pas se superposer à l'autre de manière à économiser plus encore, à savoir la suppression des points d'abréviation dans les initiales des prénoms (sans suppression des espaces). D'où, par exemple :

J.B.A.P. de Monet, chevalier de Lamarck
J B A P de Monet, chevalier de Lamarck

   La pratique française correcte étant :

J. B. A. P. de Monet, chevalier de Lamarck

   La licence qui consiste à supprimer abusivement les points dans les acronymes entraîne des prononciations alternatives qui peuvent déboucher sur le transformation d'un sigle en acronyme, avec ou non disparition de la prononciation comme sigle, sans que cela ait été prévu à l'origine (et sans que le résultat soit nécessairement regrettable). C'est le cas du sigle de l'Organisation des Nations Unies, O. N. U., prononcé en séparant les lettres, devenu pour beaucoup un acronyme, noté ONU et prononcé donc « onu », comme « eau nue ». Tout cela débouche sur des pratiques incohérentes, certains sigles subissant la même licence parce qu'on sait - que « tout le monde sait » - qu'il faut prononcer les lettres séparément. Eh bien, non, il s'agit là, dans tous les cas sans exception, d'une pratique de classe, d'une pratique qui exclut une partie des locuteurs, même s'il s'agit de simple désinvolture, comme cela l'est sûrement dans la plupart des cas. Il n'est à proprement parler aucun sigle universellement connu pour se prononcer comme un acronyme. Et plus le monde, ou simplement la France si nous nous restreignons au français et à sa typographie, s'internationalise, plus cette remarque prend tout son poids*.

   Qu'on se rappelle seulement qu'un simple RATP, qu'aucun Parisien n'aurait l'idée de prononcer « ratpe » (aucun ? voire), fait hésiter bien des provinciaux non habitués de la capitale. Cela montre bien que la suppression des points dans les sigles est abusive et va à l'encontre d'un des but essentiels de la typographie, à savoir éviter tout ce qui entraîne artificiellement une interruption dans la lecture. Or là, non seulement elle ne s'oppose pas à l'interruption : elle la cause !

   Jacques Melot

*   Ceux qui ont l'habitude d'apprendre ou d'utiliser des langues étrangères savent à quel point la suppression des points dans les sigles (et abréviations) cause de tracas de lecture. En suédois, par exemple, « et même » se dit « till och med », ce qui très souvent est abrégé en t.o.m. (pourquoi pas, nous admettons bien « etc. »). Cette abréviation, avec bien d'autres, en tant que telle, est déjà cause de ralentissement de la lecture, au moins pendant un certain temps, mais la suppression de plus en plus fréquente de ces points - et des espaces - débouche sur une difficulté bien plus marquée encore, la succession de lettres « tom » se trouvant être aussi le mot suédois pour le français « vide ». On joue donc là sur la connivence culturelle et linguistique des locuteurs, excluant ipso facto le reste du monde : c'est une pratique de classe. On pourrait multiplier les exemples. Les forums de traducteurs regorgent de questions concernant la signification des abréviations rencontrées dans un langue qui n'est pas la sienne, et ce, chez des traducteurs professionnels.



RCS ou R.C.S.

RC ou R.C.


Cordialement

JF Charvet