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Message : Re: [typo] "hainième" fois

(Thomas Savary) - Vendredi 14 Mars 2014
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Subject:    Re: [typo] "hainième" fois
Date:    Fri, 14 Mar 2014 15:30:36 +0100
From:    Thomas Savary <thomas.savary@xxxxxxxxxxxxxxxx>

 

Mercredi 12 mars 2014 à 12:52:12, Jacques Melot a écrit:

> [J. M.] Mais bien sûr que si, et c'est

> parfaitement légitime ou alors il faut retirer à

> l'anglais ce privilège qu'implicitement vous lui

> accordez.

 

Bonjour, Jacques!

 

Non, je lui dénie ce privilège, justement. Si j’ai plaisir à parler anglais avec des Britanniques, voire des Américains, je refuse de l’employer comme langue internationale: j’échange en allemand avec des germanophones et des néerlandophones (mes rudiments de néerlandais montrant bien vite leurs limites et la plupart des Néerlandais comprenant à peu près correctement l’allemand), et je compte bien un jour me mettre sérieusement à l’italien et à l’espagnol.

 

> Le droit d'une langue à s'imposer,

> si l'on peut dire cela ainsi, n'a rien à voir

> avec l'équité, le respect du nombre, etc.

Oui, c’est la loi du plus fort. Si vous aviez choisi de vous y soumettre, vous vous inclineriez en toute logique face à l’anglo-américain roi.

 

> il ne nous faut surtout pas affaiblir cette position, qui,

> évidemment, a des implications économiques non

> négligeables, ce qu'on oublie presque toujours de

> rappeler.

Certes, mais l’économie est par excellence le terrain de la compétition et de l’écrasement des plus faibles.

 

> Les anglophones, comme les

> francophones, considérant l'espéranto, vous

> diront que c'est intéressant, et même très, et

> bien beau, mais qu'ils n'ont, pour leur part, pas

> la moindre intention de renoncer à leur héritage

> pour quelque chose dont la seule justification,

> en tout cas l'une des seules, est morale, à

> savoir l’équité.

Je crois me souvenir que seule la France a refusé la proposition d’employer l’espéranto comme langue de travail de la Société des Nations. Il est possible que nous payions aujourd’hui le prix de cette bêtise. Il fallait une langue internationale, eh bien c’est l’anglais qui a fini par jouer ce rôle, alors que la S.D.N. offrait l’occasion de tester l’espéranto, qui serait peut-être devenu plus tard la langue de travail de l’O.N.U…

Certes, avec des si…

 

L’espéranto, cela dit, a pour lui d’autres arguments que l’équité, on ne peut plus pragmatiques: simplicité, précision, régularité quasi parfaite, liberté syntaxique, grande richesse lexicale… Il souffre cela dit, comme je l’ai écrit, de quelques sérieux défauts.

 

Par «renoncer à leur héritage», vous n’entendez pas «renoncer à leur langue», je suppose. Parce que, bien sûr, apprendre une langue étrangère ne lèse en rien l’apprentissage de sa propre langue.

L’héritage que vous évoquez n’est à mes yeux que la marque d’un abus de position dominante, et non, donc, je refuse de m’en réclamer.

 

> Et c'est sans compter avec le

> coût économique exorbitant qu'aurait un tel

> changement.

Le recours à l’espéranto (ou d’une autre langue construite conçue sur des principes similaires) comme langue de travail des institutions de l’Union européenne ferait au contraire économiser à celle-ci des centaines de millions d’euros.

 

> Toutes les nations sont passées par des

> périodes noires ou qui ont été regardées comme

> telles postérieurement, ce qui montre déjà que,

> pour porter un tel jugement sur elles-mêmes,

> elles ont progressé. Et c'est la seule chose qui

> compte.

Oui.

 

> [J. M.] La réponse tient dans ce que j'ai écrit

> plus haut. A vous suivre, en pratique, il

> faudrait fermer les yeux sur ce que fait le monde

> anglo-saxon (l'Amérique et ses alliés objectifs ;

> désormais une entité internationale vague, mais

> excessivement puissante) et, par ailleurs, il

> faudrait aussi que tous les infériorisés dans

> l'affaire unissent leurs efforts pour former un

> groupe, une sorte de club, dans lequel l'équité

> serait la règle : un nivellement où chacun

> regarde l'autre pour s'assurer que personne ne

> reçoit plus que soi.

 

Fermer les yeux sur la colonisation états-unienne et «libérale», non, bien au contraire — j’espère que maintenant vous vous rendez compte que vous m’avez sur ce point mal compris.

Pourquoi parler de nivèlement dans ce sens péjoratif (voir votre exemple de la Scandinavie)? Il ne s’agit pas à mon sens de cela, mais de justice. Imposer comme langue internationale une langue native est une forme de violence et d’injustice qui privilégie outrageusement les individus dont c’est la langue maternelle (et les États concernés).

 

> Tout privilège, même le plus légitime, nous

> semble désormais un fardeau insupportable, qui

> plus est honteux, tellement nous avons perdu

> toute confiance en soi.

Légitime, c’est vous qui le dites… Au dix-huitième siècle, des nobles français ont bien contribué à la diffusion des idées révolutionnaires. Il ne s’agit pas ici d’une question de confiance en soi.

Ou bien si, peut-être: il me semble que c’est précisément le manque de confiance en soi qui conduit à vouloir promouvoir le français dans les échanges internationaux. Si nous avions confiance en nous, nous ne nous inquièterions pas de cela. Nous parlerions, écririons français, tout simplement, confiants dans le rayonnement culturel de la France et des pays francophones, et dans la capacité de ce rayonnement à susciter l’envie de par le monde d’apprendre notre langue, non sous la contrainte, mais par intérêt et par gout.

 

> [J. M.] Vous tombez là dans le poncif en

> parlant de la difficulté du français. A l'époque

> soviétique, l'U.R.S.S. constituait un monde en

> lui-même et, quelle que soit la difficulté de la

> langue russe, on la parlait partout dans cet

> empire, jusqu'au fin fond de la Mongolie

> intérieure.

Soit, et puis? Une fois encore, la loi du plus fort. La difficulté du français est bien réelle, même si le russe, dont j’ai quelques rudiments, l’est peut-être plus encore. L’allemand, qui passe pour une langue difficile, l’est en tout cas infiniment moins que le français.

 

> Quant à s'interroger sur le bien-fondé

> d'« imposer au monde une langue native

> particulière », c'est là sans doute une

> interrogation qui ne germe pas dans l'esprit d'un

> anglophone sur mille... Demandez-vous donc

> pourquoi.

Parce qu’ils ont d’ores et déjà gagné. Mais leur règne passera, comme tous les autres.

 

Je vous prie de m’excuser pour la forme quelque peu bâclée de ma réponse. Il me faut retourner à mes corrections, urgentes.

 

Cordialement,

 

Thomas Savary

Le Grand Plessis

F-85340 L’Île-d’Olonne

Tél. 06 22 82 61 34

www.correctionpro.fr