IV. Ponctuation

IV.D. Le guillemettage

Quelles sont les différentes formes de guillemets et leur utilisation pour la composition en français ?

IV.D.1. Forme : deux signes < étroits et qui seraient soudés ensemble

IV.D.2. Forme : deux signes > étroits et qui seraient soudés ensemble

  

Argot typo : guillemets français ouvrant et fermant (prononcer : des guilles, ouvre, ferme)

Argot P.A.O. : guillemets français, chevrons

PostScript : guillemotleft et guillemotright (le « o » de guillemot provient sans doute d’une faute de frappe !)

Unicode : 00AB GUILLEMET GAUCHE (LEFT POINTING GUILLEMET)
et 00BB GUILLEMET DROIT (RIGHT POINTING GUILLEMET)

Utilisation : utilisation standard dans la composition française courante, « pour isoler un mot, un groupe de mots, etc., cités ou rapportés, pour indiquer un sens, pour se distancer d’un emploi ou pour mettre en valeur » (Robert). Aussi pour débuter les paragraphes de citations courant sur plusieurs alinéas et comme guillemets de suite (cf. FAQ Dialogues/Citations à venir). Le guillemet fermant (et surtout pas le guille dactylo) est aussi utilisé, dans un tableau ou une liste, pour indiquer une case vide ou sans objet, le tiret long signifiant une répétition (on voit souvent les dactylographes faire, à tort, le contraire).

Ex. :

Orthotypographie : les guillemets français sont séparés des mots qu’ils entourent par une espace, toujours insécable, et qui peut être une fine, un quart de cadratin ou une espace justifiante, selon les écoles et... les capacités des logiciels utilisés.

Ex. :

la « servante » typo

Mythes : certains (comme Ramat) pensent, à tort, et sont unanimement condamnés par la Liste typo, qu’on peut mélanger les types de guilles en les chargeant d’une signification différente, les uns pour les citations, les autres pour les mises en relief, l’ironie, ou dieu sait quoi !

Ex. à ne pas reproduire :  — Les “PAOistes” ? Mon patron m’a dit qu’il allait « bientôt s’en débarrasser » !

Autre mythe, plus étrange encore : l’espace séparant le guillemet du mot devrait être plus ou moins grande selon qu’il y a un seul mot entre guilles, ou plusieurs !

Ex. à ne pas reproduire :  — Le «chêne-liège» est plus rare que le «  chêne vert  ».



IV.D.3. Forme : ressemble au nombre 66 en supérieur

IV.D.4. Forme : ressemble au nombre 99 en supérieur

Argot typo : guillemets anglais ouvrant et fermant

Argot P.A.O. : guillemets courbes

PostScript : quotedblleft et quotedblright

Unicode : 201C GUILLEMET-APOSTROPHE DOUBLE CULBUTÉ (DOUBLE TURNED COMMA QUOTATION MARK)
et 201D GUILLEMET-APOSTROPHE DOUBLE (DOUBLE COMMA QUOTATION MARK)

Utilisation : utilisation standard dans la composition française courante, comme guillemets de second rang, à l’intérieur de guillemets français (citation dans une citation). Utilisés aussi quand les guillemets français d’une police ont un œil qui nous est désagréable (trop grand et maigre, ou trop petit et empâté), et, dans la titraille en presse, parce que les guilles français avec leur espace « chassent » trop dans les petites justifs (c’est une des licences que la presse s’accorde à elle-même, et que nous décrivons sans la bénir !). Aujourd’hui, ces guilles, bien qu’anglais, ne « passent » pas en télématique : attention au courrier électronique et au transcodage P.A.O. vers H.T.M.L.

Ex. :  — Mon patron m'a dit : « Je vais bientôt me débarrasser des “PAOistes” qui me coûtent trop cher » !

Orthotypographie : les guilles anglais se collent aux mots qu’ils entourent. Les guilles anglais comme guillemets de second rang ont longtemps été ignorés, pour des raisons techniques qui n’ont plus lieu d’être aujourd’hui.

Ex. :

la “servante” typo



IV.D.5. Forme : deux barres verticales

Argot typo : guillemet dactylo, chiure de mouche

Argot P.A.O. : guillemet droit

PostScript : quotedbl

Unicode : 0022 GUILLEMET ANGLAIS (QUOTATION MARK)

Utilisation : à proscrire totalement en composition typographique, quelle que soit la langue (au profit des guillemets typographiques en usage dans la langue composée).

Réserver exclusivement à l’utilisation par des langages informatiques (ex. : mise en page d’extraits de programmes machine ou HTML, formules Excel...), ou dans les communications télématiques à clavier pauvre (Minitel, sites 7 bits, titres de courrier électronique), ou lorsqu’on veut imiter une saisie dactylo, conjointement avec l’utilisation d’une police « courrier » (effet éculé).

N.B. : Les guillemets dactylo servent généralement de guillemets substitutifs lors de la saisie de texte, c’est-à-dire que l’utilisateur les tape (ce sont les seuls visibles sur la plupart des claviers) pour obtenir les guillemets, l’environnement logiciel s’occupant de la substitution à la volée en fonction de préférences définies par l’utilisateur. Il ne s’agit pas ici de remettre en cause l’utilisation des guillemets droits en tant qu’auxiliaires de saisie, mais de mettre en garde l’utilisateur sur le fait qu’il doit s’assurer de leur gestion correcte et, notamment, de celle des espaces encloses par les guillemets français. On sera particulièrement vigilant lors de l’utilisation de logiciels en version U.S., et d’échanges de textes entre applications. En tout état de cause, les guillemets dactylo ne devraient jamais apparaître à l’écran, et encore moins à l’impression, sauf dans les seuls contextes énoncés au paragraphe précédent.

Orthotypographie : coller ces guillemets aux mots qu’ils entourent (sauf, en programmation, pour intégrer une espace à une chaîne de caractère).

Ex. :

"mon " & "programme" = "mon programme"


IV.D.6. Forme : ressemble au chiffre 6 en supérieures

IV.D.7. Forme : ressemble au chiffre 9 en supérieures

  

Argot typo : inexistant

Argot PAO : guillemet courbe simple

PostScript : quoteleft et quoteright

Unicode : 2018 GUILLEMET-APOSTROPHE CULBUTÉ (SINGLE TURNED COMMA QUOTATION MARK)
et 2019 GUILLEMET-APOSTROPHE (SINGLE COMMA QUOTATION MARK)

Utilisation : utilisation conjointe* inconnue dans la composition française. Proposés par certains comme guillemets de troisième rang (citation dans une citation dans une citation) ; dans ce cas, plutôt alerter l’auteur sur l’illisibilité de son texte.

Orthotypographie : ces guilles se collent aux mots qu’ils entourent.

* Si le guillemet anglais simple ouvrant n’a effectivement pas d’usage en composition française, le fermant, lui, en a une, puisqu’il s’agit de l’apostrophe (cf. FAQ Apostrophes à venir).

Ex. :

the typographic ‘servante’



IV.D.8. Forme : ressemble à un demi-guillemet français ouvrant

IV.D.9. Forme  : ressemble à un demi-guillemet français fermant

Argot typo : inexistant

PAO : chevron simple (?)

PostScript : guilsinglleft et guilsinglright

Unicode : 2039 GUILLEMET SIMPLE VERS LA GAUCHE (LEFT POINTING SINGLE GUILLEMET)
et 203A GUILLEMET SIMPLE VERS LA DROITE (RIGHT POINTING SINGLE GUILLEMET)

Utilisation : utilisation inconnue dans la composition française.

Orthotypographie : s’ils devaient être utilisés (sous la férule d’un client bizarre), ces guillemets suivraient la règle des guilles français.



V.D.10. Miscellanées

Pour simuler une composition de qualité dans les communications télématiques à clavier pauvre (Minitel, sites 7 bits), on pourra avoir recours aux signes {inférieur à} et {supérieur à} séparés du texte par une espace normale.

Ex. :

la << servante >> typo.

On notera que certains logiciels utilisent ce système comme auxiliaire d’aide à la saisie des guillemets français.

On n’a pas traité ici des « primes », « secondes », « tierces », en forme d’accents aigus, qui sont utilisées comme unités de mesure ou en maths, mais jamais comme des guillemets.



Pourquoi préférer les guillemets français ?

Chaque langue a ses propres traditions typographiques pour le guillemettage, l’usage en français relève d’une tradition plusieurs fois centennaire. Mais cet usage n’est pas simplement justifié par la tradition, il a des justifications esthétiques et pratiques.

Tout d’abord, les guillemets français, avec leurs espaces encloses, sont plus cohérents avec le reste de la pratique typographique française de la ponctuation qui veut qu’on ne mette pas d’espace avant la ponctuation basse (point, virgule), et un après. Par contre, on en met un avant et après la ponctuation haute (point-virgule, deux-points, points d’exclamation et d’interrogation et guillemets).

Cette pratique répond à des exigences de lisibilité. En effet, un lecteur moyen ne lit pas lettre à lettre, il appréhende d’un coup d’œil la forme générale du mot, son enveloppe générale (ça, ce sont les études de lisibilité qui le disent). Si cette enveloppe est perturbée par des éléments parasites, il va hésiter une fraction de seconde. Multiplié par n occurrences par page, cette hésitation peut rendre la lecture franchement pénible.

Pour un lecteur francophone, il est plus facile de lire :

« Attention ! »

que :

«Attention!»

ou

“Attention!”

Les Anglo-Saxons ont une tradition typographique basée sur l’absence d’espace avant la ponctuation haute. Dans ce contexte (contesté par certains typographes anglo-saxons), l’usage des guillemets anglais composés collés est cohérent.

Mais il ne peut être transposé au contexte français. Notamment pour une raison pratique qui est la différence d’usage de l’apostrophe. En effet, l’anglais n’utilise l’apostrophe que pour noter l’appartenance (« MacDonald’s »). En français, si on utilise les guillemets anglais, il est fort probable qu’on se heurte fréquemment au cas suivant :

L’“apostrophe dactylo” est à proscrire dans la composition soignée.

La tierce bizarre et fort laide née de l’apparentement terrible de l’apostrophe et du guillemet anglais ouvrant est évitée par l’usage de guillemets français.

L’« apostrophe dactylo » est à proscrire dans la composition soignée.



J.-D. Rondinet et O. Randier
Dernière mise à jour : dimanche 3 janvier 1999

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