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Message : Re: Regrets (eternels ?) (fr.comp.pao)

(Olivier RANDIER) - Lundi 24 Mars 1997
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Subject:    Re: Regrets (eternels ?) (fr.comp.pao)
Date:    Mon, 24 Mar 1997 02:16:07 +0100
From:    orandier@xxxxxxxxxxxxxxxxxxx (Olivier RANDIER)

>Les phénomènes de simultanéïté sont fascinants. Il se tient en ce moment
>même forum sur comp.fonts. Une trentaine de messages évoquent la création
>d'un groupe modéré, dont le sujet serait la typographie, la création de
>polices de caractères, les règles de composition, en un mot l'art
>typographique.
>
>On y trouve la même lassitude à l'égard des incessants appels au piratage,
>les toujours identiques questions de base, sans compter les spammeurs.
>
>Il n'empêche que certains objectent, et peut-être avec raison, que si l'on
>ne donne aucune chance aux novices de découvrir les connaissances d'autres
>plus experts, c'est fort dommage.
>
>D'autres craignent, et je ne suis pas loin de partager les mêmes craintes,
>qu'un débat entre trop peu d'intervenants ne conduise rapidement à une
>certaine stérilité. J'ai déjà observé le phénomène dans d'autres lieux, o?
>le trop faible nombre d'interventions, et une charte trop étriquée, avait
>conduit le groupe à l'extinction.

Je pense que l'on ne peut comparer le cas de fr.comp.pao et celui de comp.fonts.

Pour avoir suivi ce dernier depuis un certain temps, je peux témoigner de
ce que l'intrusion croissante de bruit dans un groupe peut tuer celui-ci.
Il y a un an, comp.fonts était un groupe passionnant, où l'on pouvait
discuter de tous les aspects de la typographie informatique, depuis les
échanges de vues sur tel ou tel type, sur certains usages, jusqu'à des
discussions de haute volée sur l'évolution de la technologie des fontes et
de gestion du texte.

Aujourd'hui, comp.fonts ressemble plus à un alt.binaries.fonts.demands. Le
problème est lié, je crois, à une dénomination vague du groupe et à
l'absence de charte et/ou de modération (celle-ci aurait permis, par
exemple, d'éviter que Tiro perde à répondre aux propos odieux de ce @#&$*
de Paul King une énergie nettement plus utile ailleurs).
La création du nouveau groupe est une question de survie de l'esprit
originel de comp.fonts. J'y suis personnellement très favorable, car la
qualité des échanges qu'on pouvait trouver autrefois sur comp.fonts me
manque.
Fr.comp.pao, au contraire est un groupe tout neuf, le bruit y est nul ou
presque, mais son public est encore très petit. Il est vrai que la création
de cette liste peut menacer son existence, mais je crois que nous venons de
prendre un maximum de précautions pour éviter que cela se produise. À nous
aussi de faire quelques efforts pour raviver la flamme de ce groupe que
nous avons contribuer à créer.

>J'ai beaucoup aimé l'intervention de Tiro Typeworks, qui fait valoir avec
>pertinence me semble-t-il, qu'il serait souhaitable dans un tel groupe
>d'évoquer aussi la calligraphie et l'esthétique. Ce que je crois bien aller
>dans le sens d'une réflexion plus en prise sur l'ensemble de l'écrit, et
>des nouveaux moyens de création dont nous disposons aujourd'hui. J'avoue
>que cela m'intéresse d'autant plus qu'après avoir passé des années dans la
>publication de magazines, et côtoyé (parfois subi) de nombreux dévôts
>typographes, et autres religieux correcteurs, j'apprécie les bouffées de
>liberté typographique ou graphique que nous permet la pao. Et que
>j'aimerais en parler autrement qu'avec des collectionneurs de polices
>piratées d'un côté, et des gardiens de l'ordre typographique ancestral de
>l'autre côté. Il doit y avoir place pour un authentique modernisme, qui
>respecte les traditions anciennes, tout en donnant place à de nouvelles
>expérimentations.

Les interventions de Tiro sont généralement très pertinentes, et c'est
quelq'un que j'apprécie beaucoup pour les opinions qu'il expose sur
comp.fonts.
Il va de soi que les discussions sur la typographie ne saurait éluder les
problèmes de l'esthétique et de la calligraphie (entre autres).
J'espère que nous ne t'avons pas donné l'impression d'être des « gardiens
de l'ordre typographique ancestral ». Je suis personnellement très attentif
à ce qui se fait aujourd'hui, parce que dans le domaine où j'exerce, c'est
indispensable, et j'apprécie beaucoup, par exemple, le travail de Neville
Brody. Si nous réagissons parfois par rapport à la tradition, c'est que
l'élargissement des libertés offert par la PAO devrait aller de pair avec
une augmentation de la responsabilité de ceux qui s'en servent. Or nous
sommes souvent confrontés à j-m'en foutisme inquiétant. Faire de grossières
erreurs typo dans un mailing destiné à être jeté à la poubelle ne cause pas
grand mal ; mais certains d'entre nous peuvent composer des livres pour
l'école ou l'université : les fautes peuvent alors aboutir à un
affaiblissement de l'information, voire en pervertir le sens. De plus, cela
contribue à entretenir une confusion des conventions qui nous permettent à
tous de nous comprendre. C'est notre responsabilité de nous opposer à cela.
Le débat entre anciens et modernes est, en ce domaine, un faux débat. Le
Code n'est qu'un ensemble de conventions nécessaires à notre compréhension
mutuelle et peut parfaitement s'accommoder d'une esthétique et d'usages
modernes, pour autant que son esprit soit respecté, c'est-à-dire que la
lisibilité des textes soit préservée. Faire de l'art moderne n'a jamais
dispensé de connaître les bases du dessin. Seuls les fumistes et les
intellos à la mords-moi le n... prétendent cela. Un artiste moderne est
celui qui connait les conventions pour pouvoir les dépasser ou les
détourner à son propre usage. Celui qui se contente de les ignorer ne saura
que les reproduire imparfaitement et ne fera jamais que de la m...

J'arrête, car je sens que je deviens vulgaire (et hors sujet).

Pour conclure, je dirais que l'un des problèmes est que nos codes ne sont
plus adaptés. Pas dans leur contenu (enfin, pas trop), mais dans leur
conception : ils sont destinés à des professionnels, comme mémento de
règles dont ils sont censés connaitre le principe. Or, ceux qui composent
(voire, mais plus rarement, ceux qui mettent en pages) les textes sont de
plus en plus fréquemment des profanes. Nous avons donc besoin de codes plus
explicatifs, qui donnent les justifications des usages. Un vide que les
Perrousseaux ne comblent encore que très partiellement.

Olivier Randier - Experluette