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Message : Re: Tschichold : "Livre et typographie"

(Jacques André) - Lundi 24 Mars 1997
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Subject:    Re: Tschichold : "Livre et typographie"
Date:    Mon, 24 Mar 1997 09:55:10 +0100
From:    Jacques André <jacques.andre@xxxxxxxx>

Paul Pichaureau wrote:
> 
> J'ai acheté il ya quelques jours « Livre et typographie », de Jan
> Tschichold. Ce livre m'a rapidement agacé !
> 
>

Oui, tout à fait d'accord, ce livre est agaçant, je l'avais d'ailleurs
signalé dans une analyse biblio de la _Lettre GTenberg_,
mais pas au point << de faire un large détour pour l'éviter >> comme
écrit M.B.
Au contraire !

D'abord ce livre a des côtés très positifs, dont celui d'exister. Je
veux dire
que si les typographes écrivent volontiers sur l'histoire de la typo,
ils
publient très rarement sur la technique. C,a s'explique par le fait que
pendant
longtemps (et encore maintenant !) la typo, je veux dire le dessin de la
lettre,
ne s'est enseignée que dans un esprit de compagnonage. Vous connaissez
beaucoup
de publications sur le dessin des lettres ? J'ai souvent entendu parler
Ladislas
Mandel (pour ceux qui ne connaissent pas : un dessinateur de caractères
français,
maintenant à la retraite ce qui ne l'empèche d'avoir juste fini le
caractère en
tout petit corps, 5?, pour l'annuaire telephonique de Detroit, US) de
techniques,
sur langle de lecture, sur les pb de lisibilité, etc. Mais jamais la
moindre
chose par écrit (pas faute de lui avoir demandé!), sauf sur la pérennité
de la
typographie française. Evidemment, c'est difficile, évidemment c'est
encore plus
difficile lorsque l'on est très tatilleux sur la forme (dur avec les
autres, dur avec
soi!). N'empèche qu'il faut aller à l'étranger pour trouver des livres
techniques
sur la typo (on peut aimer ou pas, mais il y a des choses de Tracy,
Zapf, Bringhurst,
Varese, etc. sur leur métier). Bref, Tschishold dit des choses qu'on ne
trouve que
difficilement en français (et pas uniquement parce que le marché du
livre français 
est plus petit que celui des livres en anglais).

Ensuite, il faut être conscient que la typographie sert à la
transmission de l'information
et que l'information n'est jamais neutre, qu'elle est toujours récupérée
par des pouvoirs.
Ce n'est pas pour rien si l'écriture a d'abord été aux mains des
propriétaires de
troupeaux et esclaves, des paharaons (hiéroglyphes), des empereurs
romains (colonne
Trajanne!), de Charlemagne (caroline), de Louis XIV (Romain du roi). Pas
étonnant
qu'Hitler ait interdit certaines "gothiques" d'origine juive et que tout
récemment encore
il y ait eu un scandale (étouffé?) pour le caractère qui aurait dû
célébrer le bi-centenaire
de la révolution française ! Et finalement l'idéologie d'Emmigré relève
aussi des mêmes
idées de s'approprier la typo...

Ce qui et dommage, c'est qu'un typographe se fasse le chantre d'une
certaine idéologie. Mais dans
le cas de tschishold, c'est aussi une question de période. Le Monde (?)
a publié il y a qq mois
une lettre d'il y a 50 ans d'un ministre de l'époque défendant les
vertus de la typographie
 franco-française où apparaissaient encore entre les lignes les casques
à pointe. Je pense
qu'aujourdh'ui on mélange moins les genres.


Quant aux références à la Renaissance, c'est quand-même un passage
obligé. Nos chers
sémiologues français (Blanchard, Ponnot, etc.) s'y réfèrent aussi
presque exclusivement.
Le problème est qu'il faudrait aussi parler d'autre chose. Or justement,
si  
Tschishold veut bruler le Bauhaus et une certaine typo de ce siècle
(auxquelles comme tu
le dis il a participé), il n'y a pas rand chose d'autre à parler que de
la Renaissance, le reste
en étant pesque toujours dérivé...

Il y a un gros bouquin Typographie du XXème siècle, traduit de
l'américain qui lui raconte
bien cette histoire. Mais justement, il n'est jamais technique...

> 
>   De fait, la version française n'a certainement pas été faite dans
> l'esprit de Tschichold : outre une traduction défectueuse (qui frise
> parfois le contresens), on rencontre régulièrement des majuscules non
> accentuées, alors qu'elles sont tout de même utilisée dans le titres des
> chapitres !
Pas d'accord. Je n'ai pas lu le texte allemand, mais en avais lu la
traduction en anglais
avant de trouver cette traduction française qui ne m'a pas choqué (je
n'ai pas
comparé rigoureusement).
Je trouve au contraire la mise en page très bonne, c'est un "beau livre"
et j'aimerais bien
en voir davantage de cette qualité - et une fois de plus je dis que si
on veut se donner
tant soit peut de mal, la PAO permet d'obtenir une très bonne qualité.
Et n'ai pas vu de capitales non acentuées, sauf la préposition à, mais
là, même si
l'IN dit quil faut l'accentuer (et s'il le dit explicitement c'est que
bcp ne le font
pas), tout le monde n'est pa d'accord du fait qu'un À est rarement beau
!


>   Bref, un livre intérressant, bien qu'agaçant parfois. Ce qui ne peut
> qu'en accentuer l'intérêt...
> 

C'est aussi ma conclusion.


Jacques André