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Message : Usage du tréma en Français (fut : Bienvenüe)

(Jacques Melot) - Jeudi 13 Novembre 1997
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Subject:    Usage du tréma en Français (fut : Bienvenüe)
Date:    Thu, 13 Nov 1997 13:20:30 +0000
From:    Jacques Melot <melot@xxxxxx>

   Tout d'abord bienvenüe (hum...) à André Bourlakoff, « apatride » (et
fier de l'être) et maintenant « transfuge », célèbre par ses interventions
dans le forum FRANCE-LANGUE.


USAGE DU TRÉMA EN FRANÇAIS.

   Il y a beaucoup à dire sur l'usage du tréma en français et en France.

   Je ne connais pas (ou plus) l'histoire exacte du tréma dans le nom de
l'ingénieur en chef de la construction du métro parisien, mais, sans trop
m'engager, je puis dire ce qui suit.

   Il ne s'agit pas d'un signe indiquant l'umlaut (le signe ¨ n'est pas
l'umlaut même, mais une indication de l'umlaut, phénomène linguistique),
mais bel et bien d'un tréma.

   Voici ce que j'écrivais à ce propos, dans ce même forum (TYPOGRAPHIE) le
4 juin 1997, à 14 h 23 T. U., « Re: Nom d'accents » :

>   Il faut, en effet, noter que les deux points germaniques qui marquent
>l'umlaut en allemand ne sont graphiquement identiques au tréma que par le
>fait du hasard. Alors que dans les langues germaniques c'est effectivement
>le e « suscrit » qui a évolué en ¨, notre tréma est d'origine grecque et a
>une fonction totalement différente : dans une succession de voyelles il
>indique que celle pourvue du tréma se prononce séparément (diérèse), alors
>que le ¨ germanique modifie la prononciation de la voyelle sur laquelle il
>se trouve (en allemand u se prononce ou et ü se prononce comme notre u ; en
>suédois ä se prononce è alors que le a correspond à notre a, mais en plus
>profond ; en islandais et en suédois ö se prononce eu, etc.).


   Et juste après, ceci qui explique la place inhabituelle du tréma dans
« Bienvenüe ».


>   À ce propos, on se rappellera que la place du tréma a changé vers la fin
>du XVIII-e siècle en France. À cette époque succéda à Magnol, à
>l'Université de Montpellier, Antoine Goüan. En fait, ce « Goüan » n'est pas
>une curiosité à prononcer « go-uan », mais bien « gou-an ». Ceci disparut
>au début du XIX-e siècle. Je soupçonne que cette bizarrerie se produisit
>sous l'influence d'un certain trouble général (c'était l'époque de la
>révolution) et il s'en est suivi un certain flou, un peu comme maintenant
>on note un flottement dans l'usage général en ce qui concerne l'abréviation
>de « Monsieur » (« M. », « Mr. », « M » ou « Mr ») et bien d'autres choses
>d'ailleurs.


   Je peux même préciser ce qui précède.

   L'usage du tréma sur la première voyelle à séparer est antérieur et
remonte au milieu du XVIIIe siècle (l'ouvrage de Goüan où son nom est
orthographié ainsi date de 1762 et fut imprimé à Lyon). En revanche, je
suis de plus en plus convaincu qu'il s'agit d'une pratique méridionale.
J'ai trouvé des noms présentant cette caractéristique jusqu'en Catalogne,
au point que je me demande si cette pratique ne prend pas son origine
au-delà des Pyrénées.

   La variante qui nous semble aberrante, si elle n'a pas persisté dans
l'usage courant, en revanche se rencontre encore dans des noms propres, ne
serait-ce que pour des questions de rigueur dans la tenue des registres
d'état civil. Voyez, par exemple, « E.-M. de Vogüé, Le Roman russe. »,
Grevisse n. 2114.

   (Il existe aussi un usage du tréma en provenance de la Belgique, cela a
déjà été traité dans TYPOGRAPHIE ou dans FRANCE-LANGUE.)

   Enfin, il faut rappeler (Grevisse, nº 227, à la fin) une aberration
majeure :  la réforme proposée par le Conseil international de la Langue
française et le Ministère de l'Éducation nationale en 1976 et entérinée à
moitié par l'Académie française, qui préconise l'usage du tréma sur la
première voyelle. Cette proposition a été uniformément rejetée au point que
bien peu s'en rappellent.

   Salutations amicales,

Jacques Melot, Reykjavík
melot@xxxxxx