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Message : Re: Structuration et methode de travail (Alain Hurtig) - Mercredi 03 Décembre 1997 |
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Subject: | Re: Structuration et methode de travail |
Date: | Wed, 3 Dec 1997 07:24:25 +0100 |
From: | Alain Hurtig <alain.hurtig@xxxxxx> |
At 15:33 -0500 2/12/97, Isabelle Levy wrote: >Tout me laisse a penser que, decidement, nous ne parlons vraiment pas de >la meme chose quand nous parlons de composition et de typographie. Meme >dans ce groupe restreint dont l'interet est la typographie. > Nous ne parlons certainement pas de la même chose, parce que nos métiers sont différents, parce que nos approches sont différentes (parce que, banalement, le temps que nous passons à mettre en pages un livre ou un article, n'est pas le même). De là, je pense, vient l'aspect parfois étrange des discussions ; de là vient aussi l'intérêt de nos confrontations. Pour revenir sur les débats de ces derniers jours, il me semble que : - Oui, le métier est plus intéressant qu'il ne fut : plus riche, plus varié, moins morcelé. Un travail qui embrasse plus de domaines, qui permet d'en aborder l'objet dans sa quasi-totalité (encore que... qui parmi nous a de vraies relations avec les imprimeurs, a le temps de parler papier et encres, par exemple ?) est forcément moins mutilant. - Contrairement à ce qui se dit souvent, je pense que la qualité _globale_ des imprimés s'est grandement améliorée dans les dernières années. Par rapport au tout-venant de la photocomposition, c'est évident (qu'on aille regarder les horreurs qui se sont produites pendant 30 ou 40 ans : livres sans une césure, espaces justifiantes large de 2 ou 3 cadratins, graphiques dessinés sur une table de cuisine, et j'en passe). Par rapport aux débuts balbutiants de la PAO (et de la composition électronique en général, traitements de textes inclus), ça l'est aussi. Les gens ont appris sur le tas, un peu de culture typographique (« graphique » tout court) s'est introduite ici ou là (ex. type : on ne voit quasiment plus de titres en relief-gras-souligné-noir-au-blanc-alignés sur une courbe). En revanche, des tas de secteurs de l'imprimé n'ont pas gagné au change (disons que la hausse globale de la qualité s'est faite par écrêtage du haut de gamme, et coupe sombre dans le bas de gamme, pour atteindre une sorte de « qualité » fade et moyenne). - Le revers de la médaille est triple : a. La facilité apparente d'accès aux outils, la tentation de tout faire faire par un seul intervenant, conduit (généralement au nom d'impératifs économiques) à faire l'impasse sur la formation et les compétences. On demande à l'auteur d'être typographe et metteur en pages, au typographe d'être chromiste et infographiste, etc., sans assurer la formation à ces métiers (formation vécue comme une perte de temps, et donc d'argent). Il n'y a plus guère qu'au flasheur qu'on ne demande presque rien, sauf de baisser ses prix et de lancer l'impression sur sa flasheuse (voilà bien un métier qui a perdu de son intérêt, sous la pression d'un marché sauvage !) b. Une confusion (durable, semble-t-il), s'est introduite entre les rôles, les fonctions. Rien n'empêche de faire correcteur le matin et maquettiste l'après-midi : encore faudrait-il que le donneur d'ordres comprenne qu'il s'agit là de fonctions différentes, de moments différents du travail, de compétences différentes qui sont mises en oeuvre. Il se peut qu'un seul acteur possède beaucoup de compétences (on peut être un excellent comédien et un merveilleux critique de théâtre à la fois), mais il ne saurait les exercer dans le même moment (impossible de critiquer la pièce que l'on joue, au moins pendant qu'on est sur scène, et sans doute même après - qu'on me pardonne cette métaphore un peu lourde). c. On assiste très souvent à une désorganisation de la production, sous la double impulsion de « gens qui savent tout faire » (qu'il s'agisse des auteurs, des metteurs en pages, des graphistes...) et de « gens qui veulent que les autres sachent tout faire » (les clients, les employeurs, etc.) Cette désorganisation bloque le gain de qualité et de vitesse - on va plus vite et plus loin en prenant son temps qu'en faisant les choses de façon brouillonne, c'est une trivialité. D'où, bien entendu, des pertes importantes de qualité dans le haut de gamme de l'imprimé. On a invoqué ici, comme origines possibles du phénomène, tant un usage mal maîtrisé des nouveaux outils (le vertige devant la vitesse de mise en oeuvre, l'apparente facilité d'usage, etc.) que la préoccupation du profit à court terme. À ces éléments, j'ajoute une inculture profonde des décideurs (éditeurs, DA, etc.), inculture autrefois contrebalancée par les corps de métiers - dont le savoir et la pratique étaient plus ou moins respectés. Ces corps de métiers tendent à disparaître, leur mémoire s'enfuit : combien de maquettistes sont-ils intéressés par nos débats ? Fort peu, je crois (et l'idée d'Isabelle Lévy que se créent des « pools de compétences » chez les indépendants reste de l'ordre de l'utopie, tant chacun est persuadé que, même s'il ne sait pas faire, il apprendra sur le tas - et par ailleurs tant la concurrence est vive, tant la crainte que ses clients s'en aillent chez autrui est grande !) Je ne suis pourtant pas pessimiste (en tout cas, pas plus que là ne m'amène mon penchant naturel à trouver que tout va mal ;-)). Ce débat sur l'organisation du travail, sur la nécessité d'avoir des règles, de comprendre que les métiers sont différents, etc., nous n'aurions pas pu l'avoir il y a quelques années : il n'aurait simplement pas eu de signification, dans le contexte de l'explosion des nouvelles pratiques et de la PAO. Pour prendre l'article paru dans Gutenberg sur le Wisiwig en exemple, il me paraît que les éléments qu'il avance pour la réflexion n'auraient simplement pas eu de place il y a deux ou trois ans - et d'ailleurs, il n'y avait pas débat : tout était beau dans la technologie. De même les travaux sur l'amélioration des techniques de justification : qui donc s'en souciait ? Que de telles réflexions, que de tels travaux, passent encore largement au dessus de la tête des décideurs de l'industrie est une évidence. Qu'ils soient à mille lieues d'une pratique quotidienne en est une autre. mais l'élément significatif est que ce type de réflexions émerge enfin, signe que quelque chose commence à bouger au royaume de la composition électronique, signe qu'un mouvement de pensée se dessine dans cette direction-là. Bref, je pense que la bataille sera rude et longue, mais que bien des éléments contribuent (à commencer par cette mailing-liste !) à ce que les choses puissent aller dans le bon sens. Ni l'imprimé bas-de-gamme, ni le camera-ready-copy, les horreurs en tous genres, ne disparaîtront, c'est sûr. mais il me semble vraisemblable qu'à terme, nous pourrons mieux exercer nos métiers. ------------------------------ Je m'excuse d'avoir été si long :-). Le débat, je suppose, va continuer. En tout cas, je remercie les intervenants, lesquels m'ont tous (avec leurs divergences) donné à penser sur ma pratique actuelle et la nécessité de profondément la réformer (encore faudra-t-il que j'en convainque mon employeur, mais c'est une autre histoire - ou c'est la même histoire, selon le point de vue qu'on adoptera ;-) ...) --------------------- >Un jour nous reparlerons peut-etre de blanc justifiant, de coupure de >mots et la je voudrai bien qu'on m'explique ce que quelqu'un sait en >quinze jours. > C'est tout le problème : apprendre à paramétrer un logiciel est affaire d'expérience, pas d'ouvrir un manuel ou de dérouler un sous-menu et d'entrer des valeurs au hasard. Et encore faut-il qu'on ait l'idée de modifier les paramètres... [Incise : Isabelle, vous êtes sûre que vos articles dans Bloc-Notes sur cette question (avec XPress pour les travaux pratiques) ne sont pas disponibles sur le Net ? - je sais que j'ai déjà posé la question : je la repose, donc.] >Il n'y a qu'a regarder les travaux livres par les >"maquettistes" (souvent travailleurs independants) a une maison >d'edition. Hilarant, n'est-il pas? > Comme elle est méchante :-))))). Alain Hurtig mailto:alain.hurtig@xxxxxx ------------------------------------------------------------------------------- Si vous pensez avoir enfin trouvé la solution, eh bien ! une bonne nuit de sommeil et il n'y paraîtra plus. Brigitte Fontaine
- Re: Structuration et methode de travail, (continued)
- Re: Structuration et methode de travail, Thierry Bouche (02/12/1997)
- Re: Structuration et methode de travail, Isabelle Levy (02/12/1997)
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- Re: Mise en page(s) ( était : Structuration et methode de travail), Philippe JALLON (03/12/1997)
- Re: Structuration et methode de travail, Thierry Bouche (03/12/1997)