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Message : Re: questions de neophyte

(Alain Hurtig) - Samedi 13 Décembre 1997
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Subject:    Re: questions de neophyte
Date:    Sat, 13 Dec 1997 15:11:57 +0100
From:    Alain Hurtig <alain.hurtig@xxxxxx>

At 14:05 +0100 13/12/97, Marc Herbert wrote:
> Bon, alors voici une salve de questions qui risque au pire de
>déclencher le mépris des experts, guère plus.
>
Mais non, mais non... Ce sont surtout des questions qui ont fait couler
beaucoup d'encre (enfin, d'octets) sur cette liste à maintes reprises.

Ça prouve qu'il est temps que quelqu'un s'y colle à faire une FAQ : ça
permettra de répondre : « lis la FAQ ! » ;-)

> Le sujet est celui des majuscules ou encore capitales. Justement, la
>première question est la suivante : y a-t-il une différence entre les
>termes « capitale » et « majuscule » ?
>
On a lu de tout, ici, sur ce sujet. Ce qui semble certain, c'est que les
termes « Capitale » et « bas-de-casse » désignent spécifiquement
l'imprimerie, et l'écriture reproduite mécaniquement (j'englobe dans ce
terme la reproduction électronique, y compris sur support vidéo).

Cela signifie-t-il que « majuscule » et « minuscule » appartiennent
exclusivement au domaine de l'écriture manuscrite ? Pas sûr...

J'en suis venu à penser que ces termes désignent des _fonctions_ de
lettres, une place particulière dans la phrase, un sens grammatical ou
orthographique. Par exemple, il me semble qu'on peut parfaitement dire
qu'en français, les premières lettres des phrases et les premières lettres
des noms propres (les initiales, quoi !) s'écrivent toujours en majuscule.
Ça concerne aussi bien l'écriture manuscrite que les lettres d'imprimerie.

Cependant, s'il est d'usage de _composer_ les majuscules en grandes
capitales (ce qui augmente la lisibilité), le typographe, le maquetiste,
peut choisir de les composer en bas-de-casse à l'occasion d'un titre
d'ouvrage, d'une affiche, pour faire un effet graphique.

À l'inverse, il peut choisir de composer un slogan, un titre, tout en
capitales (c'est même assez fréquent).

De même, on compose ordinairement le nom des auteurs en _petites capitales_
(initiale exclue) dans les bibliographies. Certaines chartes graphiques
imposent de faire de même pour la première ligne de chaque chapitre, ce qui
est d'ailleurs très joli. Ces petites capitales n'en sont pas moins des
minuscules.

En ce sens, « capitale » désigne plutôt une _forme_ de lettre, et un usage
général (on compose la majuscule en capitales, les minscules en
bas-de-casses), qui pour être général n'a rien d'obligatoire et a de
nombreuses dérogations (le cas des petites capitales en est un exemple
frappant).

J'espère être clair, sans savoir si j'y suis parvenu.

> À quand remonte l'apparition des majuscules ? Ou plutôt des minuscules
>d'ailleurs ?
>
Sauf erreur ou omission, au début du moyen âge, mais je passe quand même la
main à quelqu'un de plus qualifié que moi sur ce point.

> Comment l'idée « il ne faut pas accentuer les majusucules » est-elle
>passée dans l'opinion populaire ? Uniquement à force d'en voir sans ?
>
Il semble que ce soit le cas : sous l'impact double de la machine à écrire,
et des linotypes/monotypes et plusencore des photocomposeuses, lesquelles,
américaines d'origine, auraient été livrées avec des casses n'ayant pas de
capitales accentuées.

Bref, ce serait un méfait indirect de la mondialisation (déjà !), de
l'impérialisme américain, et de la taylorisation du procès de production...
J'ai tendance à penser que c'est bien le cas, en l'absence d'étude
historique me montrant le contraire.

>Pourtant beaucoup de gens disent aussi : « C'est ce qu'on apprend à
>l'école »
>
C'est malheureusement vrai que l'école contribue à répandre dans l'opinion
cette niaiserie et cette erreur. C'est d'ailleurs assez curieux : l'école
enseigne à juste titre que les accents ont une valeur orthographique et de
sens, et sanctionne les fautes d'accents... sauf sur les majuscules (et sur
les capitales aussi, bein entendu) !

>Comment alors est-ce alors arrivé dans l'opinion populaire des
>instituteurs :-) ?
>
Pourquoi les instituteurs seraient-ils spéciaux ? Ils répètent assiduement
les sottises que leur enseigne l'époque dans laquelle ils vivent, non ?

Cela dit, on en a parlé plusieurs fois ici même, sans parvenir à déterminer
pourquoi les instits _ne changent pas_ d'avis, malgré l'invasion bénéfique
les capitales accentuées dans les imprimés de toutes sortes.

> À cause des majuscules calligraphiées ? C'est bien
>vrai qu'il n'y pas d'accents sur les majuscules calligraphiées ?
>
C'est possible... Mais pourquoi n'y en aurait-il pas ?

> Y a-t-il d'ailleurs des dessins de caractères normalisés ?
>
Ben, il suffit de voir un catalogue de polices de caractères pour se rendre
compte que la réponse est à la fois « oui » et « non ».

« Oui », parce qu'une même lettre a dans l'ensemble (et sauf exception) un
air de famille, dans toutes les polices. Sans quoi on ne pourrait pas lire,
je suppose, puisqu'il faudrait réapprendre à chaque chjangement de police
la correspondance entre le signe et la lettre, le signifiant et le signifié
- il faut cependant noter que la plupart des lettres sont dessinées
différement en caractères d'imprimerie, en tout cas les bas de casse, et en
écriture manuscrite : il suffit de les comparer une à une pour voir les
différences !

Sauf erreur et sauf si je dis des bêtises (bis repetita...), le dessin des
caractères d'imprimerie dérive de l'écriture standardisée du moyen âge - la
caroline en particulier -, tandis que l'écriture manuscrite standardisée
« moderne », celle qui a été enseignée à l'école de Jules Ferry jusque dans
les années 1970-1980 (et qui semble maintenant abandonnée au profit d'une
écriture « personnelle ») dérive de modèles calligraphiques inventés au
XVIIe ou au XVIIIe siècle.

Non, parce que certains dessins sont si différents que quelqu'un ne
connaissant pas notre systême d'écriture aurait, je suppose, du mal à
repèrer des cohérences entre le « a » (au hasard » du garamond, du futura,
ou de n'impote quelle police « grunge ».

>Voilà, vous n'êtes pas obligé de répondre à toutes les questions :-),
>
J'en ai sauté une : à vous de voir laquelle.

>si vous répondez, vous pouvez même vous tromper, je ne vous engueulerai
>pas parce que vous faites mal votre boulot. Merci d'avance.
>
C'est moi qui ait pris des risques : les engueulades seront donc pour
moi... :-)))))

Alain Hurtig                                         mailto:alain.hurtig@xxxxxx
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