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Message : Agapes

(Alain Hurtig) - Lundi 15 Décembre 1997
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Subject:    Agapes
Date:    Mon, 15 Dec 1997 07:09:25 +0100
From:    Alain Hurtig <alain.hurtig@xxxxxx>

Les absents ont toujours tort, c'est bien connu [1]. Ils avaient
particulièrement tort de ne pas être là samedi soir, lors des agapes de la
liste Typo.

Parce que c'était plus qu'agréable, plus que sympathique : chaleureux,
détendu, amical. Une petite bulle d'être-ensemble, le plaisir de se voir
enfin (la plupart d'entre nous ne nous connaissions pas), de découvrir
certains de ces gens avec qui nous partageons notre vie depuis des semaines
ou des mois.

Nous étions sept : Olivier Randier, qui nous a reçus dans sa lointaine
banlieue, Thierry Bouche, Philippe Jallon, Jean-Pierre Lacroux (venu
spécialement de Bruxelles !), Isabelle Lévy, Jean-Denis Rondinet et moi.

Au menu : accras de morue, fondue de poisson exotiques (du thazard ! et du
coryphène ! qui donc connaît ça ici ?) avec une sauce merveilleuse et du
riz, le tout étant vraiment délicieux : on en a repris tant et plus.
Fromages (mais on n'avait plus faim, on n'en a à peine mangé) et dessert
(tiens, j'ai pas vu passer le dessert, c'était quoi le dessert ?)
Apéritifs : punchs maison. Vins : un riesling de propriétaire, tout à fait
convenable, du pinot noir pour le fromage. On a bu un peu, parfois
beaucoup, voire plus que de raison, ça dépend qui...

Conversation : comme d'habitude... Le sexe des cadratins. L'épaisseur des
contre-poinçons. Le dessin des polices en cette fin de siècle et la
possibilité d'y inclure un symbole monétaire pour le futur Euro. Le choix
des empagements dans les catalogues de musées quand ils sont composés en
Tiepolo (texte) et en Kuensler (titres). L'usage raisonné du parangonnage
lors de l'extermination des veuves. L'origine possible de telle règle typo
(contestable, forcément) commune à la Suisse romande et à la Patagonie
subcarpatique. La pertinence du nom Unicode de la troisième astérisque en
bas à gauche. La valeur du gris typographique dans les magazines de tricot
(je ne plaisante absolument pas : on en a vraiment parlé, et c'est un
problème très grave auquel on ne pense pas assez ;-)). Plein d'anecdotes
savoureuses sur les coquilles célèbres et d'autres qui mériteraient de
l'être. Les vertus des tirets (longs ou moyens : il y avait matière à un
débat dont nous ne nous sommes pas privés). La forme comparée des
apostrophes en Mistral et en AmericanTypeWriter (et l'usage des « single
quote » dans la publicité en guise de « virgule suspendue »). L'emploi
bénéfique du Sabon dans les lettres d'amour. La pratique des Multiple
Master (bien sûr, on n'allait pas rater ça...) La classification Vox en ses
oeuvres pétainistes (la typographie, c'est aussi de la politique !) La
difficulté de composer en espéranto (à cause de l'accent circonflexe sur le
« h », où sont-ils allés chercher ce truc ? Plusieurs hypothèses ont été
avancées, toutes fausses naturellement). Le... Et puis : la... Et encore,
le... Le tout sans nous arrêter un instant pour souffler (sauf le temps de
remplir nos verres, comme il se doit).

Et j'en passe. De toute façon, j'ai presque tout oublié parce que j'avais
trop bu.

Le fonctionnement de la liste a été évoqué (tout le monde en semblait
plutôt satisfait, en dépit des incidents mineurs de ces derniers jours), et
le problème du piratage a alimenté une partie de la conversation. C'était
prévisible : nous avons aussi passé une partie de la soirée à déverser
quelques délicieuses calomnies et autres merveilleux ragots diffamatoires
sur les uns et les autres, absents comme présents (car ces derniers n'ont
pas été épargnés :-)). La possibilité de lancer une _vraie_ flame-war a été
examinée, discutée, adoptée, discutée à nouveau sous un angle différent,
puis rejetée à la majorité qualifiée (non, non, c'est une blague, n'en
croyez pas un mot : on n'a rien adopté du tout :-)).

À signaler une très jolie trouvaille de Jean-Pierre Lacroux : l'accent à
orientation variable, successivement grave et aigu tout en restant en place
(« Comme des essuie-glaces » a-t-il précisé), permettant de régler
définitivement la querelle sur la graphie d'« événement », qui aurait ainsi
les deux graphies admises, alternativement sur le même mot.

Olivier nous a montré sa base de données et nous a parlés de ses projets.
C'est ambitieux, passionnant, encore inachevé, mais ça avance bien et vite.
Un grand et beau boulot. Naturellement, nous l'avons chicané sur quelques
points mineurs, lui affirmant que la survie de l'imprimé en dépendait.

Bref, nous avons devisé et ri, comme sur la liste. Mais en vrai, et non
plus en « virtuel », et c'était d'autant mieux qu'on voyait le visage des
gens, leurs sourires et la façon dont ils s'enflamment lorsqu'ils veulent
convaincre ou enseigner (ou faire partager un avis erroné avec le plus
grand aplomb et la plus grande mauvaise foi ;-)).

Nous avons tant devisé qu'on a raté le dernier RER, et que, comme des
jeunes gens que nous ne sommes plus, hélas ! depuis longtemps, au lieu de
prendre un taxi, nous avons attendu le premier train du lendemain... (vers
4 h, 4 h 30, il y a eu comme un flottement, il faut bien l'avouer ; on
était quand même fatigués ;-))

Enfin, les autres m'ont demandé (m'ont intimé l'ordre, en fait : les
lâches !) de vous raconter tout ça, en étant le plus « hurtiguien »
possible dans mon récit. Hurtiguien ? Bon, j'ai essayé...

Et c'est ainsi que, vaguement gris, nous nous sommes séparés vers 6 h du matin.

Vous l'aurez compris, c'était formidable. Tout ce que je nous souhaite,
c'est qu'on soit plus nombreux la prochaine fois. Car il y aura une
prochaine fois, c'est promis.

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[1] « Respectez les lieux communs, l'humanité a mis des siècles à les
polir », disait Voltaire (ou quelqu'un d'autre ? Saint-Simon ? Le désormais
célèbre Vaugelas ? Bref...)

Alain Hurtig                                         mailto:alain.hurtig@xxxxxx
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Si vous pensez avoir enfin trouvé la solution, eh bien ! une bonne nuit
de sommeil et il n'y paraîtra plus.
    Brigitte Fontaine