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Message : Re: nombres romains

(Jacques Melot) - Samedi 25 Avril 1998
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Subject:    Re: nombres romains
Date:    Sat, 25 Apr 1998 00:21:50 +0000
From:    Jacques Melot <melot@xxxxxx>

 Le 25/03/98, à 16:17 +0000, nous recevions de Thierry Bouche :

>Concernant « nombres romains », Jacques Andre écrit : «
>»     (contrairement aux américains et à certains matheux qui
>»     écrivent ii pour 2)
>
>c'est les mêmes ! :-) (i.e. les usages américains sont tellement
>devenus standard dans les publications scientifiques qu'ils sont
>repris partout -- quasi-inconsciemment) Par exemple, il m'a fallu
>batailler contre des remparts d'incrédulité un jour où j'ai affirmé
>sur une autre liste que « positif » sigifiait « supérieur ou égal à
>zéro » en français (et non « strictement positif » comme en americain,
>ce qui les oblige à des constructions amusantes comme « non négaitf »
>pour notre « positif »...)
>Comment ça, j'suis hors sujet ???


   Eh bien, on va être deux, car je ne résiste pas à la tentation de saisir
cette perche !  Cette caractéristique de certaines personnes me rappelle
les difficultés conceptuelles d'autres - en fait sans doute les mêmes -
avec la conjonction « ou », la voulant mordicus exclusive. Dans le fond,
dans un cas comme dans l'autre, on a l'impression que c'est la partie
primaire de la population qui a triomphé dans certaines régions du globe ou
dans certaines cultures.

   Un enfant, on le conçoit sans difficulté, peut avoir du mal à comprendre
qu'un nombre quelconque puisse être « inférieur ou égal » à lui-même (par
exemple 7 ¾ 7). En revanche, cela est plus difficile à admettre d'un adulte
que l'on a suffisamment informé !
   De même, se figurer que la conjonction « ou » est exclusive est aussi
une faute commune chez les enfants.
   Savoir reconnaître comme appartenant à la même catégorie les cas limites
qui en sont issus suivant divers critères est une caractéristique
importante de l'adulte pensant. C'est un corrélat du processus de la
généralisation conceptuelle. Il est, par exemple, infiniment plus productif
de percevoir un espace plan comme cas limite d'un espace courbe, que de
faire une distinction de nature entre les deux ! Cela revient pratiquement
à ne pas établir de lien entre les deux catégories. Ne pas comprendre qu'un
nombre puisse être inférieur à lui-même ou, ce qui revient au même, qu'on
peut - qu'on a intérêt - à considérer positif un nombre supérieur OU ÉGAL à
zéro, c'est, d'une certaine façon, ne pas avoir digéré la révolution
intellectuelle du zéro. En un mot, c'est se laisser impressionner
décisivement par la perception immédiate - ce qui est plan n'est pas courbe
et inversement - et ne voir aucune unité dans cette dualité apparente.
C'est, par définition même, un défaut d'intelligence.

   Cela est particulièrement manifeste en théorie des ensembles (et dans
les aspects ensemblistes de toutes les autres théories mathématiques :
voisinages en topologie, etc.) : l'ensemble vide - qui rempli d'une
certaine façon le rôle du zéro pour les ensembles - est encore un ensemble
malgré son caractère limite. On pourrait multiplier les exemples et tous
démontrent que le le fait de voir un changement de nature dans de tels cas
aurait un caractère malpratique et fondamentalement antiproductif. Comme
l'inégalité intéressante est l'inégalité au sens large, l'inclusion
ensembliste intéressante est l'inclusion au sens large (un ensemble est
inclus dans lui-même).

   Bon, je m'arrête là car j'ai un sentiment montant de chartation
imminente si je continue... quoique, quoique... on est vendredi soir, alors
on peut se permettre, d'un pied allègre, quelques entrechartes...

[...]

   Amicalement,

Jacques Melot, Reykjavík
melot@xxxxxx