Archive Liste Typographie
Message : Re: Les ligatures du Mont Martïn

(Thierry Bouche) - Jeudi 28 Mai 1998
Navigation par date [ Précédent    Index    Suivant ]
Navigation par sujet [ Précédent    Index    Suivant ]

Subject:    Re: Les ligatures du Mont Martïn
Date:    Thu, 28 May 1998 12:36:07 +0200 (MET DST)
From:    Thierry Bouche <Thierry.Bouche@xxxxxxxxxxxxxxx>

» Je parlais d'une compo tout en cap... et là l'interlettrage subtil n'est
» pas une pratique récente.
» Interlettré ou non, un seul mot en cap au sein d'une compo en bas de
» casse fout le boxon. D'où l'intérêt des petites capitales, qui en outre
» n'imposent pas nécessairement de jouer sur l'interlettrage.

catastrophe, je suis aussi d'accord. Et je n'ai plus de venin !

» > dessin est intelligement fait, l'oeil se met à voler au dessus la ligne,
» > rendant la lecture très agréable (et mystérieuse en même temps).
» ----
» Oui... on dirait presque de la calligraphie... et c'est sans doute pour
» cela que je ne suis pas vraiment preneur...

D'une certaine façon, le dessin plus géométrique des caps permet
justement d'essayer autre chose que la calligraphie, plutôt de la
callitypo. C'est ce que j'essayais (ou : ai oublié ?) de dire : les
ligatures des bas de casse font fatalement référence à l'écriture
manuscrite (donc ductus et tout le toutim -- quoique, Cronos soit
extrêmement intéressante à étudier de ce point de vue et relativement
à ce que je vais dire ensuite, si je parviens à ressortir de mon
labyrinthe de parenthèses et d'incises [voir aussi Goudy Sans, dans
une moindre mesure]). Les ligatures des caps feraient plutôt
références à la colonne de Trajan, à la gravure sur cuivre, bref à la
gouje ou au ciseau plutôt qu'au stylet. Ce sont des ligatures non
cursives, mais souvent le seul moyen de produire des mots lisibles (et
surtout vivants) en caps. Les ligatures dans les caps, c'est un peu
une révolution silencieuse de l'ampleur du didot qui rompait le lien
séculaire qui liait la typographie et de l'écriture manuscrite, ça a
quelque chose de surhumain.

» Si, juste un mot. Parmi les polices modernes qui disposent d'un grand
» nombre de capitales ligaturées figurent les linéales géométriques, par
» exemple l'Avant-Garde (et ses divers clones). Faut bien compenser :
» quand on déshabille les caps, faut bien restituer un peu de chaleur.

Une autre hypothèse : avant garde était faite pour être composée avec
un interlettrage négatif poussé au maximum, les  capitales se prettent
mal à ce jeu, les ligatures du genre O dans C étaient la seule façon
d'avoir des passage tout-caps cohérents avec le texte. La seule façon
de rester « typo invisible » avec ce caractère !

» sans doute encore de la typographie mais ce n'est plus exactement de
» la composition typographique. 

pas d'accord (ouf !) le plomb est mort (même la distinction
photocompo/phototitrage), il y a un conitnuum entre la typo d'affiche
et celle de texte, jusqu'à quel point un texte, pour être bien
composé, ne devrait-il pas être une vaste ligature ? (je pense que je
suis ton idée : créner toujours de la même façon telles paires de
lettres est un peu simplet, ça devrait se faire selon le mot, selon
l'équilibre des blancs sur la ligne, selon le gris de la page :
pourquoi un même paragraphe devrait-il être composé de la même façon
sur deux pages différentes ? l'« invisibilité »  n'est-elle pas
meilleurs si on « logotise » tout ?


Th. B.
« et, quoique l'on pourrait mettre un point d'exclamation à la fin de
chaque phrase, ce n'est peut-être pas une raison pour s'en dispenser ! »
                                     Comte de Lautréamont, 1869.