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Message : secante royale (ex-zizi a Loulou)

(JD Rondinet) - Vendredi 27 Novembre 1998
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Subject:    secante royale (ex-zizi a Loulou)
Date:    Fri, 27 Nov 1998 12:39:16 -0500
From:    JD Rondinet <100412.3664@xxxxxxxxxxxxxx>

      Avant que tout le monde croie que « le zizi à Loulou » est un vieux
terme de typo, je vous joins cette explication de R. Ponot, sur « la
sécante royale ».
            JiDé
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   « L'interdiction de copier les caractères royaux nous amène à parler de
la sécante royale. Ainsi appelle-t-on le petit trait horizontal qui flanque
la gauche du l minuscule [dans les travaux composés par l'Imprimerie
nationale] : 

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   » Si l'on en croit l'opinion répandue par la majorité des auteurs, il
s'agit là d'un signe de propriété affectant la lettre l parce que l est
l'initiale de Louis, Louis XIV évidemment. Par la suite, et jusqu'à nous,
tous les caractères ont porté ce signe distinctif gravés par et pour
l'établissement d'Etat.
   » Signe distinctif, c'est une certitude. Signe de propriété ? Pourquoi
pas, mais de surcroît et _a posteriori_. Non _a priori_.
   » Imagine-ton en effet le Roi-Soleil se contentant, comme emblème, d'un
mesquin petit trait sur une minuscule, même -- et surtout, dirai-je -- pour
écrire son nom ? C'est, au minimum, sur la capitale qu'il l'eût exigé.
   » Aussi préférerais-je une autre explication. Les b, d, h, i, j, k, l du
Romain du Roi se signalent par une innovation : un délié de tête débordant
à droite comme à gauche des fûts :

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ce qui, dans le cas particulier du l, transforme cette minuscule en I
capitale. Nous sommes aujourd'hui habitués, avec les linéales, à lire des l
ressemblant à des I. Mais, nous reportant au XVIIe siècle, il nous sera
aisé de comprendre l'émoi de la docte Commission Jaugeon constatant la
sorte d'aberration à laquelle elle était arrivée : courir le risque de
faire confondre deux lettres dans un alphabet aussi scientifiquement
établi. On m'objectera que les capitales, dont le I, sont toujours un peu
plus grasses que les minuscules, dont le l, mais cette subtilité
pouvait-elle paraître immanquablement discriminante ?
   » Il est à supposer que la Commission pensa alors -- pour la seule
lettre l -- appliquer la sécante pratiquée, dans certaines écritures et
impressions du passé, sur les hampes des minuscules « longues du haut ».
Hypothèse d'autant plus plausible que, dans l'italique du Romain du Roi, où
la boucle finale du l exclut toute ressemblance avec un I, il fut renoncé à
cette sécante. S'y serait-on résigné si cette dernière avait réellement
tenu le rôle d'attribut de noblesse ?
   » Notons pour terminer, le cas particulier du l minuscule de Luce qui
porte la sécante (devenue officiellement signe distinctif) à droit et non à
gauche du fût. »

                         René Ponot, « De l'influence de la technique »
                         in « De plomb, d'encre et de lumière », I.N.