Re: liste sibylline [Fwd: Re: FAQ Guillemets-Apostrophes]

[Olivier RANDIER <orandier@xxxxxxxxxxx>]

>Bonjour,
>Je ne sais pas pourquoi je suis abonné, puisque je pouvais pas publier
>dans la liste, je me suis réabonné (?#!§)...

Je ne vous suis pas, là. Vous avez eu des problèmes pour contribuer ? Cela
semble réglé, ou non ? Sinon, un mail à Jacques André (l'administrateur)
peut aider à résoudre le problème.

>D'autre part, je voulais dire à l'attention des principaux animateurs de
>la liste que je lit toujours avec interêt les articles publiés, même
>lorsque ils deviennent sibyllin.
>Je trouve que pour moi que la liste manque de concision et que cela sert
>à rien de casser du sucre sur le dos des PAOistes ou autres metteurs en
>page non rompu à l'art de la composition française ; si déjà
>l'information passait de manière simple peut-être y prendrions nous
>davantage goût.
Nous sommes bavards, c'est vrai ! :)
Si nous avons donné l'impression de mépriser les amateurs ou les gens moins
bien informés (cela a pu être mon cas), je dirais simplement ceci :
l'ignorance en soi n'est pas méprisable, seul le refus d'apprendre l'est.
J'ai souvent cassé du sucre sur "les graphistes avec lesquels je
travaille", non parce qu'ils sont ignorants, mais parce qu'ils ne se
soucient aucunement d'apprendre leur métier. Je travaille avec certains
depuis des années, ils utilisent le même logiciel que moi, et il est
manifeste qu'ils n'ont jamais _ouvert_ le manuel. Ils perdent leur temps et
me font perdre le mien. Quand j'ai appris le métier, il y a deux choses que
j'ai faites, qui sont à la portée de n'importe qui : j'ai emporté le manuel
d'XPress un soir chez moi, j'ai acheté un code et je les ai _lus_. Certains
n'ont même pas l'humilité d'admettre qu'ils ne savent pas, ni la volonté de
s'informer.
C'est ce côté "artiste souverain" qui me déplait : l'idée que la créativité
peut justifier n'importe quoi et suppléer à toutes les insuffisances. Dans
le milieu de la pub où j'évolue hélas depuis des années, c'est un état
d'esprit très répandu. Résultat : la majorité de ce que je dois produire
n'a plus ni contenu ni forme.
Faire passer l'information de façon simple, bien sûr, c'est l'objet même de
la FAQ que nous appelons de nos voeux. Mais il n'est rien de plus difficile
que la vulgarisation, que d'essayer d'enseigner ce qu'on sait, parce que,
quand on sait, il est difficile de se mettre à la place de celui qui ne
sait pas.

>Vous me donnez parfois l'impression qu'il n'y a pas de _règles_
>typographiques mais des _études_ typographiques.

Ce n'est pas faux. S'il y a un certain nombre de règles plus ou moins
précises, telles celles exprimées dans les codes, l'essentiel de notre
travail repose sur des choix esthétiques subjectifs, sans cesse remis en
cause. C'est ce qui en fait le charme et la difficulté. On ne cesse pas
d'apprendre.

>Souvent les petits compositeurs de l'écrit sont dans des structures
>productives, avec des contigences de fabrication exprimée en délais et
>s'en remette à plus tard pour faire de leur mieux.

Je connais ça, je le vis tous les jours. Les délais de plus en plus courts,
les prix de plus en plus serrés, les bidouilles pour s'en sortir en haute
voltige sans filet, et jamais un merci. :(
En dix ans, j'ai vécu une dégradation des conditions de notre métier
dramatique : nous avons de plus en plus de responsabilités dans la
production des documents et nous sommes de moins en moins considérés (il
suffit de comparer le salaire d'un opérateur de photocompo avec le mien ou
le vôtre). Depuis quelques temps, j'ai fini par me rendre compte que
j'étais dans un cercle vicieux : si on me demande de "tomber" 60 pages en 2
jours, et que je le fais, la semaine suivante, on me demande de le faire en
1 jour et demi. On va dans le mur avec ce système. Pour respecter les
délais, on fait de la m..., donc on est considérés comme de la m... et
payés en conséquence. Maintenant, j'essaye de prendre le temps que j'estime
nécessaire pour faire les choses bien. L'agité du bocal qui me sert de
patron râle, mais j'essaye de tenir bon. Qu'il se fasse son ulcère, moi,
j'ai assez donné.
J'arrête, j'suis en train de virer syndicaliste, moi ;(

Ceci explique aussi que, sur la liste, je me fais un peu plaisir. Je parle
de labeur alors que je n'en fais jamais, par exemple. Je pense que je ne
suis pas le seul. Ici, on aime aussi parler de typographie telle qu'on la
pratiquerait si on ne vivait pas dans un monde de fous. Notre réalité
quotidienne est souvent très différente, hélas.

>J'aimerais parfois que la typographie soit enseignée dès l'école primaire
>surtout face à
>l'emergence du texte autre que manuscrit (le quidam moyen sait mieux
>écrire "typograhiquement correct" que saisir et utiliser les ressources
>de son clavier).

Je crois avoir exprimé (était-ce ici ?) exactement la même opinion : dans
la mesure où de plus en plus de profanes sont amenés à écrire des textes
destinés à l'impression, il devient de plus en plus crucial d'éveiller le
typographe qui sommeille en chacun de nous de plus en plus tôt. Qu'on
enseigne la typographie à l'école, je n'y croie pas, mais il pourrait y
avoir une sensibilisation (savoir que le code typo existe) et, déjà, on
pourrait arrêter d'enseigner des idioties comme l'absence d'accents sur les
caps. Dans les discussions que nous avons eu sur la FAQ, j'ai défendu le
point de vue qu'il fallait un code expliqué, justifié, et non des règles
assenées comme des commandements divins.

>Peut-être que le contenu de la liste ne m'est pas destiné et c'est pour
>ca que j'ai l'impression qu'il y a 95 % de déchets et de redondances.
>Pensai-je à tord que la typographie est une affaire humaine et intéresse
>tout le monde (francophone).

J'ai un peu l'impression que vous partez du point de vue que, comme vous
dites, nous publions des articles, comme dans un journal. N'oubliez pas que
celui qui écrit se trouve plutôt dans une situation de conversation : il
s'exprime fatalement en réaction à ses interlocuteurs, pas dans l'optique
d'être lu par un public qu'il ne connait pas. On écrit ici un peu comme on
parle entre amis, avec tout ce que cela implique de raccourcis, de "private
jokes" d'initiés. Nous avons souvent regretté que beaucoup d'abonnés soient
très silencieux. Il n'y a pas de honte à demander une explication sur
quelque chose qui a été abordé de façon sybilline ou à poser une question
bête. Si seuls s'expriment ceux qui savent (ou croient savoir), on a
tendance à tenir pour acquises beaucoup trop de choses. Seules des
questions de profanes peuvent nous ramener à une réalité plus quotidienne.
Après tout, si personne ne pose de question, ça va être difficile de faire
une FAQ.

Bref, si vous voulez vous sentir plus concerné par le contenu de la liste,
le meilleur moyen est sans doute de participer plus : les intervenants se
mettront à leur portée de leur public, à condition qu'ils le connaissent.
N'hésitez pas à poser des questions, à demander des explications, donnez
votre point de vue, c'est comme ça qu'on fait vivre une liste.


P.-S. : votre champ Reply-to devrait être positionné sur la liste et non
sur votre adèle.

Olivier RANDIER -- Experluette		mailto:orandier@xxxxxxxxxxx
	http://village.cyberbrain.com/technopole/Experluette/index.html
Experluette : typographie et technologie de composition. L'Hypercasse
(projet de base de données typographique), l'Outil (ouvroir de typographie
illustrative).