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Message : Majuscule ou non au début des vers (Jean Fontaine) - Lundi 25 Janvier 1999 |
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Subject: | Majuscule ou non au début des vers |
Date: | Sun, 24 Jan 1999 19:20:49 -0500 |
From: | "Jean Fontaine" <jfontain@xxxxxxxxxxx> |
Traditionnellement, en poésie, chaque vers : 1. commence sur une nouvelle ligne (sauf contrainte d'espace); 2. commence par une majuscule (même si c'est au milieu d'une phrase); 3. est ponctué en fonction de la phrase, comme en prose. (Dans le cas des « poèmes en prose », comme il n'y a plus de vers, les règles 1 et 2 ne s'appliquent pas.) À propos de la règle 1, Grevisse (Bon usage, §117, R), dit : « Dans la poésie, on va aussi à la ligne après chaque vers, que celui-ci forme une phrase ou non. Ce procédé est appliqué dans le vers régulier classique, dans le vers libre aussi bien que dans le verset [...] ». Si la place manque, on remplace habituellement le retour à la ligne par la barre oblique. Grevisse (§135) : « Nous utilisons la barre oblique dans les citations pour indiquer les endroits où l'auteur va à la ligne, notamment dans les vers. » Sur la règle 2 (majuscule au début de chaque vers), Grevisse (§97,4º) dit : « [Quelle que soit la nature du mot, on met la majuscule] traditionnellement, en poésie, au début de chaque vers ou de chaque verset [...] Depuis la fin du XIXe s., cet usage n'est plus systématique, surtout dans les vers libres [...] Beaucoup d'éditeurs de textes médiévaux ne mettent pas non plus de majuscule au début des vers [...] » Est-ce que quelqu'un aurait plus de détails sur les premières transgressions de cette règle 2? L'origine de cette convention de la majuscule est-elle littéraire ou typographique? Aujourd'hui, est-ce que le typo respecte sans discuter le choix de l'auteur qui lui soumet ses vers non systématiquement majusculisés? L'avantage pratique de la majuscule à chaque vers est de distinguer la poésie de la prose dans un texte ou la présentation pourrait autrement être ambiguë (alternance fréquente entre prose et poésie dans un même texte, vers très longs qui apparentent le poème à un pavé de prose, poèmes très courts qui pourraient être pris pour de simples citations, etc.). L'inconvénient de la majuscule à chaque vers, c'est que parfois on ne sait plus très bien si elle marque également le début d'une nouvelle phrase. La présence d'une ponctuation finale (.!?...) à la fin du vers précédent est évidemment un bon signe, mais ces signes (sauf le point) ne marquent pas nécessairement la fin d'une phrase. Quand, en outre, il n'y a plus de ponctuation du tout pour délimiter les phrases, le flou poétique s'épaissit (voulu ou non, c'est une autre histoire... la poésie a ses raisons que la raison n'a pas). Ce qui nous amène à la règle 3 (ponctuation en poésie). Grevisse (§115, R3) : « À partir de novembre 1912, Apollinaire a renoncé à ponctuer ses poèmes [...] Mais déjà Mallarmé avait réduit à peu de chose, parfois au point final, la ponctuation de ses _Poésies_. En tout cas, l'exemple d'Apollinaire a été suivi par un grand nombre de poètes, même par des chansonniers. Aragon se justifie ainsi dans une interview publiée dans les _Nouvelles littéraires_, le 7 mai 1959 : "Je déteste la diction habituelle du vers : on n'entend plus le vers comme unité. Je veux qu'on s'arrête là où il y a une rime; le poème est d'un seul tenant et il n'y a pas d'autre ponctuation que celle de la rime." La suppression de la ponctuation dans les textes en prose est plus tardive et moins fréquente. Elle s'observe surtout chez les adeptes du nouveau roman (à partir de 1955). L'exemple de Joyce (_Ulysses_, 1922; trad. fr., 1929) a sans doute joué un rôle. » Mais là on s'éloigne de la typo. Ceux que ça intéresse trouveront dans le traité de ponctuation de Jacques Drillon plus de détails sur l'abandon de la ponctuation en poésie et en prose. Jean Fontaine jfontain@xxxxxxxxxxx
- Majuscule ou non au début des vers, Jean Fontaine <=
- Re: Majuscule ou non au début des vers, Thierry Bouche (25/01/1999)