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Message : Caracteres (lettres) francais (fut : Re: n tilde) (Jacques Melot) - Vendredi 02 Avril 1999 |
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Subject: | Caracteres (lettres) francais (fut : Re: n tilde) |
Date: | Fri, 2 Apr 1999 12:10:27 GMT |
From: | Jacques Melot <melot@xxxxxx> |
Le 2/04/99, à 6:22 -0000, nous recevions de Jacques André : >Est-ce que le n tilde (ñ) peut-être considéré comme un caractère >français ou pluto^t est-il utilisé dans des dictionnaires français (pour >des mots d'origine étrangère sûrement alors) ? Les dictionnaires français usuels (les dictionnaires usuels pour les autres langues de la même manière), renferment des mots étrangers non francisés, ne serait-ce que pour remplir correctement leur rôle. Dans ce cas on s'efforce (mollement) de les rendre par écrit en utilisant les caractères originaux. En pratique, on n'utilise pour restituer les mots étrangers que les caractères de grandes langues parlées dans des pays voisins de la France (par exemple ñ), et encore, cela n'est-il vrai qu'en partie : on n'utilise pas, que je sache, le ß, ni å (sauf comme symbole d'unité de mesure physique), ni les lettres spéciales à l'Islandais, aux langues baltes, au langues slaves s'écrivant en caractères romans, etc. C'est un reste de l'arrogance impériale méprisante française. Si la « maladie » a disparu, le symptôme persiste quelque peu. Selon moi, la réponse à votre question est donc négative : ñ n'appartient pas au système d'écriture du français. En revanche, lorsqu'on écrit, on est fréquemment amené à utiliser des mots étrangers, raison pour laquelle il est bon de disposer du plus grand nombre possible de caractères, ne serait-ce que pour des questions de précision. En pratique, compte tenu de l'état actuel des choses, cela pose un certain nombre de problèmes. On a, par exemple, tendance à remplace un caractère auquel on n'a pas accès, tel le l barré polonais, par une lettre ressemblante, en l'occurrence un simple « l », ce qui donne lieu à des prononciations aberrantes qui rendent méconnaissable ces mots étrangers (pire encore est l'exemple du remplacement du torn islandais, þ, par un p ! Le comédien Islandais Þór Tulinius, pendant qu'il faisait un stage à la Comédie française avait un permis de séjour sur lequel la police française avait transformé autoritairement son nom en Por Tulinius, alors qu'il aurait fallu translitérer en Thor ou Tor !). Ou encore, on se résout à admettre des solutions bâtardes, comme dans le cas de « maelstrom » que l'on trouve écrit en français comme « malstrom » ou même « maelström », ce qui est vraiment se compliquer la vie à plaisir, puisque l'orthographe originale est « maelstrom » (hollandais). Voyez, ci-dessous, en annexe, la reproduction d'un message expédié à FRANCE-LANGUE, dans lequel je donne des détails sur ces question, notamment en ce qui concere « Ångström » et « maelstrom ». >J'ai cherché dans qq dico élecroniques, en vain, ce qui ne prouve >rigoureusement rien du tout ! > >N.B. Des lettres tildées ( e m n o u) existaient dans les « polices » >de Monoro et de Fournier au xviii° siècle ! La raison en est peut-être qu'à l'époque on avait encore besoin de restituer l'écriture du latin médiéval, grand consommateur de tildes. Bien amicalement, Jacques Melot, Reykjavík >-- >Jacques André >Irisa/Inria-Rennes, Campus de Beaulieu, F-35042 Rennes Cedex, >France >Tél. : +33 2 99 84 73 50, fax : +33 2 99 84 71 71, email : >jandre@xxxxxxxx ANNEXE To: france_langue@xxxxxxxxxx From: Jacques Melot <melot@xxxxxx> Subject: Lexicographie a l'angstroem pres [Fut : Re: Les Lapons sont-ils des Salmek ?] Le 10/16/97, à 4:04 PM +0000, nous recevons d'Antoine Leca : >Bonjour, > >Jacques Melot <melot@xxxxxx> écrivit dans france_langue : [ Date: Wed, 15 Oct 1997 08:35:44 GMT Subject: F-L 383/10/97 Les Lapons sont-ils des Salmek ? ] >« J'en profite en passant pour dire aussi que le å scandinave n'existe « >pas en français contrairement à ce que j'ai lu une fois, dans « >FRANCE-LANGUE, je crois. La personne citait l'unité de mesure « angstroem >(Å). Le nom « Ångström » est orthographié (translitéré) « en « angstroem >», (oe, e dans l'o) donc le « å » ne figure pas dans « un mot accepté dans >le dictionnaire des noms communs en français. » >Nous sommes d'accord sur l'initiale, mais mon dictionnaire (Petit Larousse >85) me donne « angstrøm » comme orthographe... N'hésitez pas, jetez-le ! Ne serait-ce que parce que le nom de l'unité de mesure désignée par le symbole Å fut donné en l'honneur du physicien suédois Anders Jonas Ångström, écrit sous cette forme, et que « ø » est utilisé en norvégien, danois et féroïen, mais pas en suédois. Par dessus le marché, c'est incohérent : pourquoi conserver le caractère scandinave « ø » dont la plupart des Français, soit dit en passant, ignorent la prononciation, et dans le même temps translitérer - de manière critiquable d'ailleurs - le « å », également scandinave. C'est aussi joyeux que le « Maelstrom, maelström ou malstrom » du Petit Robert (1re éd.) : trois tentatives dont deux mauvaises, si j'ose dire, ou, au contraire, tristement exactes, car le Robert, avec lequel il ne faudrait pas se montrer injuste ni ingrat, ne fait que restituer l'usage français, la précision duquel est à l'image des Français eux-mêmes. En fait, comme bien souvent, ce terme de la mer est emprunté à l'anglais ou au hollandais, ou, plus généralement, aux dialectes bas allemands de la mer du Nord. C'est le cas ici pour la variante « maelstrom », un mot hollandais (maalstroom en hollandais actuel ; litt. courant broyant) qui a pu être emprunté à cette langue directement ou par l¹intermédiaire de l'anglais (où la variante la plus courante est « maelstrom »). Les deux autres variantes sont des mutilations de « malström » (suéd.) ou de « malstrøm » (norv., dan.), lesquelles viennent aussi du hollandais. Le terme francisé, s'il fallait le proposer maintenant, devrait donc plutôt être « malstr¦m » (une formation en accord avec le modèle constitué par « angstr¦m » ; « ¦ » étant le digramme soudé e dans l'o, pour ceux recevant le présent message sur Macintosh), ou, certainement mieux encore, « maelstrom », c'est-à-dire tout simplement l'orthographe originale hollandaise, ce que l'on trouve déjà chez Victor Hugo, « Paris est un maelstrom où tout se perd », un exemple fournit dans la seconde édition du Petit Robert, où le Lexicographe a commis la bévue de faire suivre l'orthographe adoptée par le grand auteur français par un très impertinent [sic] ! >De plus, en vérifiant dans une édition plus ancienne (1964), j'y trouve >bien « l'angtr(oe)m » auquel vous faites référence... Qui croire ? Ce n'est guère mieux, du moins compte tenu de ce qui a été dit plus haut (je suppose que vous avez oublié le « s » par étourderie, sinon...). Dans une grammaire sérieuse ou un ouvrage de référence comme le Grevisse, personne, j'en suis persuadé, ne liste ø, ä, ö, ß, á, ó, ú, etc., parmi les lettres de l'alphabet français. En ce qui concerne le caractère ü, il y aurait même conflit entre le ü allemand - qu'il n'y aurait aucune raison de refuser, si l'on accepte ö - et le ü tréma. Cela mène donc à regarder les choses de la manière suivante : chaque fois que, dans un texte écrit en français, on rencontre par exemple « Dönitz », « Zürich », « München », « Gälivare », « Þorlákshöfn » ou « Neiße », on doit considérer qu'il s'agit d'une citation d'un mot étranger et non pas de l'emploi d'un mot français, et ce au même titre que le mot latin dans la phrase suivante : « Il qualifia sa couleur de *cæruleus* bien qu'elle fut d'un jaune pur et splendide ! » [ici * indique l'emploi d'italiques] Dans la mesure où il s'agit de citations, il est normal de tenter d'écrire ces mots étrangers en faisant usage des caractères utilisés dans la langue à laquelle ils appartiennent. La seule limitation à cette « règle » serait l'indisponibilité, pour une raison ou pour une autre, des caractères en question. Avec l'avènement de l'ordinateur, c'est - ou ce devrait être ! - du passé. >S'agirait-il d'une évolution de la langue, la même qui fait maintenant >écrire avec « ö » les noms allemands que l'on orthogra- phiait jadis avec >un « o, e dans l'o » (comme celui de l'amiral Dönitz, sur les unes des >journeaux du 8 mai 1945) ? À mon avis, comme il résulte de ce que j'ai écrit plus haut, il ne s'agit pas d'une évolution de la langue, mais plutôt de quelque chose qui reflète les moyens techniques dont nous disposons de nos jours pour nous exprimer par écrit. Le cas de « Doenitz », que vous rapportez, est éventuellement à mettre au compte d'une limitation technique à l'époque où le titre en question fut imprimé (1945). Notez en passant que le fait de voir dans l'usage de « München », « Zürich », etc. (au lieu des francisations « Munich », « Zurich », respectivement) une citation, comme je l'ai fait plus haut, a pour conséquence quasi automatique que l'emploi des noms sous leur forme originale à la place des noms francisés (pour les villes, les pays et même les personnes), lorsqu'ils existent, à moins bien sûr qu'il ne soit justifié par un besoin réel de précision, est assimilable à un signe ostentatoire d'érudition et donc plus ou moins pédant. C'est, entre autres, un des moyens de choix employés par ceux qui désirent montrer leur appartenance à un groupe perçu comme prestigieux et prendre leurs distances par rapport à d'autres qui, à leurs yeux, le sont moins. >« De même ø, æ, ð, þ, ß, etc. n'appartiennent pas à l'alphabet « français. » >D'abord, il y a des mots français écrits avec « ø ». Mon exemple préféré >est l'øre (l'unité divisionaire de la couronne), car c'est le premier mot >qui m'a fait comprendre qu'il y avait en français des mots qui s'écrivent >avec des lettres que je n'ai pas appris à écrire à l'école... Par définition même, le mot « øre », ainsi orthographié, ne peut appartenir au lexique français ss. str. du fait même de la présence du « ø ». De plus, il s'agit là de l'orthographe dano-norvégienne, l'orthographe suédoise « öre » étant a priori tout aussi utile à citer. Compte tenu de cette remarque, l'usage en français du mot « oere » serait peut-être à recommander (avec e dans l'o, ¦), puisque la translitération dans notre langue de « ø » et « ö » est dans les deux cas « oe » ! Mais les choses sont encore plus compliquées (heureusement d'ailleurs, sinon qu'est-ce qu'on se ferait ch...), car en islandais, autre langue scandinave - je vous rappelle en deux mots que l'islandais, très archaïque, peut être définit comme étant aux autres langues scandinaves ce que le latin est aux langues romanes vivantes - en islandais, dis-je, l'« øre » s'appelle « eyrir » (plur. aurar). On voit donc, encore une fois, l'avantage qu'il y aurait à posséder un mot français, par exemple « oere » (e dans l'o, prononcé comme celui de « boeuf », quoique la prononciation « eu » serait bien meilleure, mais cela constituerait une exception phonétique en français, ou presque), pour désigner cette division de la couronne, exactement comme ce dernier mot est le mot français pour le suédois « krona » (plur. kronor), le norvégien « krone » (plur. kroner), l'islandais « króna » (plur. krónur), etc. Le « øre » que vous trouvez dans votre dictionnaire doit donc être considéré, je pense, comme citation d'un mot étranger dont on juge la présence nécessaire faute de mot français pour désigner ce centième de la couronne. Dans ce cas, il faudrait logiquement procéder comme dans le Collins English Dictionary et citer non seulement la forme « øre » pour la Norvège et le Danemark, mais aussi « öre » pour la Suède, au moins aussi important. Le Collins pousse la logique et l'équité jusqu'à inclure la forme islandaise (eyrir, avec aussi une entrée au pluriel, aurar, s'il-vous-plaît ! Ça c'est du service, ou je ne m'y connais pas !). Pour en revenir à « øre », si c'est un mot français, cela devrait plutôt donner « øres » au pluriel. Par contre, si c'est une citation, comme je le pense, ça va être compliqué. En effet, en suédois (par exemple), le pluriel indéterminé de « öre » (c'est-à-dire « des öre ») est « ören », sauf si le mot précédent est un nombre cardinal, auquel cas, « öre » est invariable : 100 öre (non ören). Voilà ce qu'il faut respecter, faute de quoi l'énergie consacré à introduire en français le « ø » (resp. du « ö ») scandinave (lettre qui se prononce comme « eu » dans « feu ») serait contrecarrée par la terminaison française de l'horrør boréale « øres » (resp. « öres »). On n'est d'ailleurs pas sorti de l'auberge, car le pluriel déterminé de « öre » (« les öre ») est « örena ». Contentons-nous de « les oeres » et « des oeres ». Cela fera la rue Michel. >Ensuite, le « a, e dans l'a », s'il ne fait pas partie de l'alphabet au >sens strict (pas plus que le « o, e dans l'o » qui est aussi une ligature >ou que la lettre accentuée « à »), fait indiscutablement partie des >caractères nécessaires pour écrire le français, comme par exemple dans >ægrosome, cæcum, uræus, et cætera. « indiscutablement » ? Ben... j'aimerais bien en discuter quand même ! Ne serait-ce que pour avouer, qu'en effet, des mots comportant le digramme soudé « æ » sont acceptés dans le Petit Robert (1re éd., au moins), ce qui m'était complètement sorti de la tête. Il s'agit non de mots du langage courant (hormis « et cætera », que l'on utilise d'ailleurs essentiellement sous la forme abrégée « etc. ») mais de mots techniques (médicaux, désignant des êtres vivants, etc.). Les mots courants, eux, habituellement ont subi la patine du temps ou sont mieux francisés : on écrit « estimation » non « æstimation » (lat. æstimatio). On trouve bien le mot technique « æsthésiomètre », mais il s'agit vraisemblablement d'un emprunt à l'anglais « aesthesiometer », emprunt sans doute dû, comme bien souvent, à un traducteur improvisé bien intentionné. >J'ai à ce propos une question (et vous êtes je crois bien placé pour me >répondre) : Vous allez être déçu ! J'utilise un Macintosh et vos dessins y sont difficile à décrypter ! Si, voilà, j'ai réussi en changeant de police de caractères (il faut utiliser une police à largeur de caractère constante, par exemple Courier). >comment calligraphie-t-on la minuscule, en particulier dans les pays >scandinaves où c'est en fait une lettre ? J'ai rencontré deux possibilités >: ____ ___ / \| / \ | |/ | | |_____/ | | \ |\ \___/\ \___/ >(autrement dit, un a normal avec un e accolé juste derrière), et __ ___ >/ \ / \ >\/ | >_____|____/ >/ | >| |\ >\____/ \__/ >(c'est-à-dire un a calligraphié comme en « script » ou encore comme un 6 >renversé, enchaîné avec un e) ? Si par calligraphie vous entendez l'écriture cursive (correcte), alors ce n'est ni l'un ni l'autre. Comment décrire cela ? Le « æ » cursif tel que les Scandinaves le tracent rappelle un « a » cursif ou la barre verticale, au lieu de ressembler à un « i » cursif sans point, devient une sorte de « e » étroit et oblong ou, plus exactement, de « l » court et plutôt étroit. Cela se trace très facilement mais peut aisément être confondu avec un « a » cursif si on ne s'applique pas. Si je reprends votre dessin (1), ____ ___ / \| / \ | |/ | | |_____/ | | \ |\ \___/\ \___/ il faut supprimer complètement la boucle du e, et dédoubler le trait vertical en chat d'aiguille, et, enfin, conserver la base du e. Cela donne approximativement : ___ / \ | / \ | | | | | | \ \ / \___/\___/ ou ___ _ / / \ | | | | | | | | | \ \ / \___/\___/ ceci plus ou moins « italisé » (oblique). En caractères droits le e dans l'a (æ) et l'e dans l'o (¦) ne sont pas identiques, alors qu'ils peuvent l'être à peu de choses près en italique (par exemple en Times), un prétexte qui a d'ailleurs été utilisé récemment dans un Code de nomenclature international pour interdire l'emploi de ces deux digrammes soudés au profit du groupe de deux lettres ae et oe respectivement. >À mon avis, la première méthode pose un problème, car il est difficile de >la distinguer du « o, e dans l'o » (même si le contexte permet normalement >de s'en sortir). Par contre, un collègue danois m'a dit utiliser dans >cette langue cette première forme. :-O Pour une réponse à cette question, voir un peu plus haut. L'emploi de « ¦ » pour« æ » dans les langues scandinaves modernes, ne peut être qu'une simple faute typographique, car on n'y utilise plus le e dans l'o (¦) depuis belle lurette. Il n'y a donc en pratique pas de risque de confusion. En latin, par contre, bien qu'il est des variantes orthographiques attestées telles que « cæruleus » et « c¦ruleus », variantes qui du fait même de leur nature n'ont aucune influence sur le sens, il existe des mots qui ne s'écrivent qu'avec « æ » (comme « cæcus ») et d'autres qu'avec « ¦ » (par exemple « c¦nobium »). >Merci par avance de vos éclaircissements, >Antoine Leca J'ai fait ce que j'ai pu et je l'ai fait avec plaisir. Il y aurait sans doute encore beaucoup à dire. Salutations amicales, Jacques Melot, Reykjavík melot@xxxxxx Propriété intellectuelle : Jacques Melot, 1997, 1999.
- n tilde, Jacques Andre (02/04/1999)
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