Re: espaces inter lettres

[Thierry Bouche <Thierry.Bouche@xxxxxxxxxxxxxxx>]

Bonjour !

Concernant « espaces inter lettres », edith andrieu écrit : «
» La possibilité de faire facilement des espaces
» inter-lettres est-elle considérée comme un progrès ? 

J'ai comme qui dirait l'impression que vous vous répondez vous-même
ci-dessous :
» Pourquoi le choix par
» défaut des logiciels est-il pour cette abomination ?

Peut-être simplement pour attiser notre nostalgie ? Regardons les
choses en face : un système de composition et d'impression moderne
nous donne un niveau de contrôle, de finesse, jamais égalé. Si les
logiciels n'avaient pas des réglages par défaut aberrants, on ne
pourrait plus se lamenter sur l'incroyable gris des incunables,
l'implacable plasticité des Didot, la netteté formidable de
l'empreinte d'un caractère en plomb... Ça permet aussi de passer pour
un « expert » sur certaines listes ou dans certains salons : on
s'installe devant l'ordinateur, on ouvre le menu des préférences C&J,
on invalide l'interlettrage, on corrige l'espace mot, on fait trois ou
quatre manips, et hop, on a se trouve face à une colonne qui a l'air
d'avoir été _composée_ et pas seulement _coulée_ dans un cadre ;-)

Bref, je crois que ça a un rôle social très important. 

Accessoirement, certains logiciels assez connus semblent être
incapables de faire de l'habillage sans interlettrage (voire sans
étroitisation/élongation des lettres !) : si je détoure
une photo le long d'une courbe de bézier, le logiciel en question va
vouloir couler le texte de telle sorte qu'il occupe exactement le
moignon de ligne qu'on lui a attribué, quitte à bouziller complètement
le texte. C'est donc à l'opérateur qu'il revient de corriger sa courbe
de détourage jusqu'à ce que le logiciel trouve une présentation
convenable ! Beaucoup de travail manuel pour proposer au logiciel un
travail qui lui convient... J'ai une vision de l'informatique un peu
différente, dans laquelle le logiciel prend en compte les contraintes
qui sont importantes pour l'utilisateur, et lui propose la meilleure
solution dont est capable son intelligence artificielle... (dans
l'exemple donné, la courbe de détourage serait vue comme une
indication du bord de colonne _désiré_, mais dont on peut s'écarter
pour respecter les paramètres de C&J.)

J'ai dit un jour que certain logiciel était un générateur de coquilles
(division aléatoires des mots français, lignes lavées contre d'autres
interlettrées négativement) qui caressait les « experts » en typo dans
le sens du poil parce qu'il leur permettait facilement de mettre en
valeur leur expertise, simplement en intervenant sur ses plus graves
défauts. Ce qui est intéressant, c'est que lors de la discussion sur
K2, il y a eu un net infléchissement en faveur des automatismes
paramétrables. Tel qui croyait que c'était son « honneur » de savoir
quoi faire d'une police expert, réclamant un peu plus tard une
substitution automatique, parce que justement il s'apercevait que le
temps perdu à toutes les opérations systématiques pouvait être occupé
à vérifier ou peaufiner ce qui ne relève pas de la technique.

Thierry Bouche, Grenoble.