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Message : [CORR] livre électronique bon/mauvais ?

(Jean-Denis Rondinet) - Mercredi 22 Septembre 1999
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Subject:    [CORR] livre électronique bon/mauvais ?
Date:    Wed, 22 Sep 1999 18:54:18 +0100
From:    Jean-Denis Rondinet <rondinet@xxxxxxxxxxxxxxxx>

>Il y a un sujet qui devrait grandement intéresser
>(ou horrifier, je ne sais) nos correcteurs :

>« "Grâce au livre électronique, [les] textes seront entièrement indexés --
>ce qui facilitera [les] recherches -- et, surtout, mis à jour en
>permanence."

>De fait, exit désormais les textes contenant des erreurs

   Le bon correcteur (pas celui qui trouve toutes les fautes, mais celui
qui n'en rajoute pas...) doit-il s'effrayer que les erreurs soient un jour
toutes expurgées ?
   Mon sentiment intime, c'est que la faute que j'ai oubliée me fait mal ;
je donnerais tout au monde pour que quelques énormes conneries que j'ai
commises n'existent plus, n'aient jamais existé !

   En tant qu'auteur, j'ai le même réflexe : j'ai tout récemment pu
commencer à apprécier le plaisir de l'écriture sur le web
(www.ptitrain.com), au sujet précisément de la correction et de la mise à
jour, au gré du courrier des lecteurs, et je déclinerai dorénavant toute
collaboration à des ouvrages papier ou à des CD-ROM. Ce que je dirai, par
exemple, sur la correction dans la dernière édition de _la Chose imprimée_
a été écrit il y a plus d'un an ! Le penserai-je encore dans un an, alors
que ce livre sera encore sur les étagères pour une génération ? J'avais
claqué la porte de _Lettres_, la revue de l'Asselaf, qui, pour une faute
d'imposition, m'avait fait dire à propos de la rubrique d'André Jouette :
« les imbécillités que vous voyez sur cette page ». Faute de pouvoir faire
mettre au pilon le tirage de ce magazine, je me suis retiré sous ma tente.
Mais pendant un an j'ai vu le courrier des lecteurs qui m'insultaient.

   Quand je ne suis que lecteur, l'accès à une information « vivante » dans
son fond mais aussi dans sa forme est pour moi une garantie supplémentaire
de qualité : qui me dit que je suis à jour de tous les errata publiés au
sujet d'un livre qui me sert de référence ? Qui me dit que Monsieur
Larousse n'a pas encore retourné sa veste ce matin au sujet de
l'orthographe de « Taïwan » ? A quand d'ailleurs des dicos en ligne,
proposant au jour le jour, à l'heure l'heure, des solutions à nos
problèmes ? On en parlait il y a vingt ans (cf. Cantonade, le projet
Minitel de Coforma), c'est maintenant évanoui.

   Quelle autre point de vue pourrait me faire chérir le vieux papier en
tant que source d'erreurs ? Je ne suis pas bibliophile (bien que je garde
précieusement un _Code typo_ relié à l'envers), et je ne crois plus à une
vision orwellienne de l'information : plus aucun éditeur (ou Etat) n'a
aujourd'hui suffisamment le respect de son lecteur (ou citoyen) pour
supposer qu'il puisse aller relire un texte ancien et le comparer à un
texte actuel pour dénoncer l'incurie !
   J'ai travaillé par exemple pendant des années pour _l'Agence économique
et financière_. Ce biquotidien, le plus cher du monde, réservé à l'élite
des « décideurs », empilait les prévisions boursières les plus fantaisistes
(quelquefois le matin pour le soir !) sans jamais publier un « pan sur le
bec », pas plus que le faisaient Madame Soleil quand elle prédisait la mort
d'une vedette dans l'année à venir, ou Bill Gates lorsqu'il parlait du
futur d'Internet.

      Amicalement__
      ___Jean-Denis