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Message : Barre oblique et et/ou

(Jacques Melot) - Mardi 14 Décembre 1999
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Subject:    Barre oblique et et/ou
Date:    Sun, 12 Dec 1999 13:02:25 +0000
From:    Jacques Melot <melot@xxxxxx>

   Cher tous,

eh! oui, le Beauj... pardon, le « et/ou » nouveau est arrivé... À votre santé!

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Message expédié cette nuit aux forums INTERLANG, TRADUCTEURS et TLSFRM [terminologie].

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Décidément, si le Kosovo, le Timor, et la vache folle « ne font plus rire personne », comme on dit parfois en français, en revanche le « et/ou » reste à l'évidence une valeur sûre! On ne s'en lasse pas et, comme les fleurs, ça fait toujours plaisir...

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 Le 10/12/99, à 15:15 +0100, nous recevions de I. Robredo :

Attention, je ne vais sûrement pas contredire vos explications typographiques qui me semblent tout à fait justifiées (surtout venant de l'auteur même des propos cités ;-))

Mais sur une autre liste espagnole, le débat et/ou vient aussi de se poser au sujet d'une offre d'emploi de secrétariat "français et/ou allemand".
Alors je vais participer un peu aux deux, si vous le voulez bien.

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Je souhaite seulement noter la valeur logique d'une formule qui semble répondre à un besoin réel (même s'il s'exprime mal).


Il faudra alors expliquer, peut-être serait-ce même la démarche la plus économique que de commencer par là, comment les centaines de générations qui nous ont précédés ont fait pour s'en passer, apparemment sans dommage en ce qui concerne la compréhension et la lisibilité, dans les domaines les plus variés allant des sciences à la littérature, en passant par l'enseignement, le droit... et l'alcôve. Avouez qu'il faut tout de même une bonne dose de présomption chez les sectateurs du « et/ou », pour faire passer ainsi les Hugo, Dostoïevski, Mauriac, Paulhan, Hemingway, Cervantes, Kafka, Göthe, Einstein et autres Freud quasiment pour des demeurés qui ne se seraient pas aperçu avant nous de cette déficience de l'ensemble des grandes langues de culture (pour ne parler que d'elles).


En effet le sens (commun) de la formule "et/ou" ne peut pas toujours se réduire à "ou" inclusif.


   N'est-ce pas là une belle pétition de principe?


Dans le cas de cette offre d'emploi, ce que l'employeur réclame c'est bien :
- une secrétaire qui parle français seulement
- une secrétaire qui parle français et allemand
- _mais non pas_ une secrétaire qui parle allemand seulement


Arrivé à ce point - et ce que vous écrivez plus loin ne fait que le confirmer amplement -, je remarque que quelque chose cloche dans tout cela : que vaut l'introduction d'une telle « conjonction » si elle entraîne d'emblée de telles discussions, non pas seulement pour tenter de la justifier, mais encore et surtout pour parvenir à interpréter les textes dans lesquels elle est employée? Elle ne peut assurément pas appartenir à la langue de tout le monde, contrairement, par exemple à « ou », « et », « donc », etc. Or la purée, la Blédine Jacquemaire, les haricots verts, la peinture acrylique, les préservatifs, etc. sont accompagnés de mode d'emploi, de listes d'ingrédient, etc., destinés à tous, notamment aux enfants (enfin les bonbons, les jeux, la Blédine, etc.) et pas seulement à une élite « bac + 3 ».


Autrement dit, il faut lire "français, l'allemand est un plus." Une secrétaire qui parle anglais et allemand comprend bien qu'il n'est pas nécessaire de se présenter.


Tout est là : comprendre (et sans pour cela devoir sortir de Normale sup). C'est ce que l'on faisait jadis lorsqu'un texte qui vous est destiné était bien rédigé; c'est moins sûr aujourd'hui. On a des exemples concrets d'erreurs de compréhension graves engendrées par l'emploi de « et/ou », non seulement par ceux à qui on a donné à lire de telles choses, mais encore par ceux qui les ont rédigées, ce qui, en dehors du côté ridicule, est autrement préoccupant.

   Voici un exemple édifiant (rapporté par Thierry Bouche, Grenoble) :

pour la petite histoire, les abus de et/ou peuvent conduire à de bien étranges situations. un post structuraliste ayant tellement manié cette « super-conjonction » en a mis dans des règlements d'examens de licence. On a été obligé de recevoir certains étudiants à cause de l'incertitude totale dans laquelle nous nous sommes trouvés [...]


Pour reprendre ce que vous écrivez ci-dessus, j'avoue que je ne comprendrais pas un traître mot de votre analyse, si je n'avais lu la suite.

Lorsque je lis « français et/ou allemand » dans le contexte d'ailleurs insuffisamment explicité de votre question, je suppose qu'il faut comprendre que l'employeur cherche une secrétaire qui, pour employer une manière de s'exprimer très artificielle, « connaît » (parle, lit?) le français ou bien l'allemand, ou encore ces deux langues.

Si maintenant, utilisant le contexte, ce qui est loisible et même plus que recommandable, vous vous tenez le raisonnement suivant : Voyons, voyons... c'est une entreprise française située en France et qui recrute du personnel destiné à travailler dans ce pays (que de suppositions!), donc, logiquement, cette personne doit parler le français (condition nécessaire) et de préférence aussi l'allemand (condition non nécessaire). Là, je commence à comprendre le raisonnement que vous avez explicité plus haut. Mais, du même coup, je comprends aussi que l'exemple que vous avez choisi est une remarquable illustration d'un emploi de « et/ou » là où précisément il n'aurait jamais dû être employé! Cela se voit déjà immédiatement à l'absence de symétrie dans le rôle de « français » et « allemand » alors que le « et/ou », dans les définitions qu'on lui donne, est toujours un opérateur logique symétrique : A et/ou B <=> B et/ou A.



A mon sens,


Allons, bon! il est donc nécessaire ici de prendre ses distances avec le « sens commun » auquel vous faisiez pourtant appel plus haut...


on est plutôt


   plutô!



en présence de la formule :
	(parle français) ET (parle français OU allemand)

qui est l'équivalent de:

	(parle français) OU (ne parle pas allemand)

C'est à dire l'implication (en logique des propositions).

	(parle allemand) implique (parle français)



Encore une fois, s'il faut s'interroger de la sorte afin de comprendre la signification d'une malheureuse phrase dans laquelle figure « et/ou », son emploi n'a strictement plus d'intérêt, sinon, sur un autre plan, de mettre en évidence, une fois de plus, les prémisses erronées sur lesquelles les partisans de cette pseudo-conjonction se fondent pour l'introduire : toutes ces analyses, toute cette mathématique n'ont rien à voir avec le pratique commune du langage. Il ne faut pas confondre s'exprimer correctement, ce qui a priori est le lot de tout un chacun, et résoudre des exercices de logique mathématique, ce qui restera à jamais l'apanage de certains milieux.


Si


   !


mon interprétation a du sens,


   !


la notation ET/OU, même si la cotice est hors de propos dans une offre d'emploi, semble tout à fait intuitive.



   Vous venez de nous donner une remarquable démonstration du contraire!



Comme vous l'indiquez, elle viendrait du "versus" latin



Non, j'ai écrit que la barre oblique peut ou pourrait parfois être considérée comme utilisée en remplacement de « versus ».



ou peut-être du "vel" de la logique (qui sont les mêmes, je crois).



Le « vel » latin est l'équivalent exact de notre « ou », le « aut » étant « soit [...] soit », « ou bien ».



Voilà déjà des lettres de noblesse, et au prix où sont les mots dans les annonces de journaux, la cotice justifie une certaine attention.


Nous nous égarons. C'est une question de politique de la publication. De plus, il est loin d'être évident que la suppression des éventuels « et/ou » ou le fait de s'en passer d'emblée mène à un allongement des textes. Quand bien même ce serait le cas, que la publication d'un texte un peu plus long, mais clair, sera normalement préféré à un texte plus court, mais obscur, peu fluide ou amphibologique.



Mais pas seulement pour cette raison. Car si je me suis bien compris, un traducteur devrait envisager sérieusement de respecter la cotice dans ses traductions, ou tout du moins, de réfléchir longtemps sur le sens final de sa phrase.


En quoi est-ce bon, s'il faut « réfléchir longtemps sur le sens final de la phrase », alors qu'une rédaction correcte n'entraîne pas une telle perte de temps? Vous apportez, une fois de plus, de l'eau à mon moulin en nous fournissant à si bon marché un tel argument, lequel montre clairement que « et/ou » est un artifice dont l'usage est à proscrire et non à encourager.


Surtout dans les domaines techniques et commerciaux, où les "implications stratégiques" (par ex.) et les "alternatives stratégiques" sont deux chose bien différentes...


Ne cherchant pas à approfondir ici, je me limiterai à la remarque suivante. Là où il importe tout spécialement de se montrer clair, la première chose à faire est assurément d'éviter tout artifice qui attire l'attention sur lui-même au point de briser le rythme de la lecture et déconcentrer le lecteur.


Je note simplement qu'une secrétaire bilingue "anglais/allemand" comprend tout de suite la différence entre la tournure "recherche personne parlant français OU allemand" et cette autre: "recherche personne parlant français ET/OU allemand".


Allons, allons, n'insultez pas gratuitement les secrétaires. Bon nombre d'entre elles, la plupart même j'ose espérer, connaissent encore l'usage correct du « ou », laquelle conjonction, lorsqu'elle est employée correctement, n'est pas interchangeable en toutes circonstances avec « ou bien » (et équivalents).

Sans même s'appesantir sur la définition de « ou », il est évident que, contrairement à ce que vous écrivez, lorsqu'on lit « Nous recherchons une personne parlant français ou allemand », une personne intéressée et qui parle français ET allemand se sentira, en toute bonne foi, pleinement concernée. La conjonction de coordination « ou » ne peut avoir le même sens que « ou bien », que si cette conjonction lie deux propositions exclusives l'une de l'autre. Par exemple, dans « Mon mari? À cette heure-ci, il ne peut être qu'au Café Reykjavík ou bien dans la forêt ». Il est clair qu'ici « bien » n'est pas nécessaire et n'est, tout au plus, qu'emphatique.


Il est vrai qu'il faut jouir d'une certaine profondeur de vues avant d'en comprendre toutes les nuances, OU de conclure que la tournure n'a pas de sens.

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Ceci dit, je crois que nous sommes tous, autant que moi-même sincèrement intéressés par vos explications sur...

cette engeance qu'est la pseudoconjonction « et/ou », un sujet sur lequel j'ai beaucoup écrit depuis quelques années. C'est à dessein que j'ai évité d'en parler dans mon intervention, car je ne pouvais prendre le risque d'avoir à traiter la question, n'ayant ces jours-ci guère de temps. Mais je pourrais y revenir, bien entendu.

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(N.B.: monsieur Melot, soyez assuré que mes remarques sont exemptes de toute ironie. N'allez pas me reprocher de vous citer directement! Mais souriez plutôt avec moi du piège rhétorique où vous êtes tombé vous même,


en vous exposant ainsi à ce que d'autres ne citent vos propos. Propos qui vous paraîtront, demain j'en suis sûr, bien réjouissants ! J'avoue que j'hésite à poster ce message, mais je suis sûr que vous ne m'en voudrez pas. La bonne humeur est toujours bienvenue.)


Je n'ai aucune raison de vous en vouloir et je devrais même plutôt vous remercier pour nous avoir fourni l'exemple d'un « et/ou » non symétrique : c'est une première!

   Bien amicalement,

   Jacques Melot, Reykjavík


Amicalement - natxo

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