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Message : Re : [gut] Utilisation des lettrines (Olivier RANDIER) - Mardi 03 Octobre 2000 |
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Subject: | Re : [gut] Utilisation des lettrines |
Date: | Tue, 3 Oct 2000 01:30:39 +0200 |
From: | Olivier RANDIER <orandier@xxxxxxxxxxx> |
>Des accents sur les capitales? >On nous explique: « PASQUA DEGOUTE? » n'a pas le même sens que « PASQUA >DÉGOUTÉ? » >C'est une évidence. De là à affirmer que l'on est obligé de composer « >Édouard m'a tuer », il y a un glissement que j'ai du mal à comprendre. >Dans un texte courant composé en bdc, l'absence d'accents sur quelques >capitales ne pose aucun problème de sens. >Alors pourquoi placer aujourd'hui des accents sur les capitales dans le >corps d'un texte composé pour l'essentiel en bdc ? > >La compréhension ? Aucune raison. Désolé, je me répète, mais je ne vois toujours pas de bonne raison pour composer, dans un dictionnaire, par exemple, ÉLECTRICITÉ en caps, électricité en bas de casse, mais Electricité en début de phrase. Je cherche, je vous assure, mais je n'ai trouvé aucune bonne raison de changer l'orthographe d'un mot en début de phrase, sinon pour compliquer le travail du lecteur. >La tradition ? Je cherche en vain dans une casse en plomb les À, Ù, Ô? Il >n'existe en fait que des É, È et Ê. Même pour les petites capitales il n'y >avait d'accents que pour les E. Ça dépend. La casse parisienne, telle qu'elle est présentée dans de nombreux ouvrages, ne comporte que les accents sur les E, en effet. Mais ça ne prouve nullement que les autres n'étaient pas utilisés. Ça veut dire simplement que les autres étaient classées dans un casseau à part, parce que rarement utilisées. Évidemment, l'ouvrier payé à la tâche était tenté de les "oublier" pour gagner du temps. Ceci explique cela. Nous sommes quelques-uns, ici, à nous être partagé une casse de Didot intégralement accentuée. >On trouve ainsi dans le guide de Théotiste Lefevre l'exemple d'une >couverture de livre (page 128) où l'on peut lire: CHIMIE ÉLÉMENTAIRE? et >plus loin: A ROUEN? sans accent sur le A. >Dans son traité (page 55), Henri Fournier nous explique que seuls les E >composés en capitales nécessitent l'accentuation, mais que malheureusement >les capitales n'ont pas de talus en tête et que l'accent venant en appendice >il se détache faute de soutien dés le commencement du tirage. >Je ne crois pas me tromper en disant qu'avec les Monotypes et Linotypes les >accents sur les capitales sont impossibles. > >Il n'existe aucun argument pour ne pas placer d'accents sur les capitales >d'un texte courant ? >J'en trouve pourtant deux : > >Je trouve particulièrement laids les À que l'on trouve de plus en plus >souvent dans les livres et la presse. J'y vois une préciosité typographique >qui prétend à une fausse tradition. Mais, précisément, nous avons déjà dit qu'il était impossible de se baser sur la tradition pour trancher dans un sens ou dans l'autre. Comme vous le faites remarquer, la tradition tient aussi largement à des matériels qui rendaient cette accentuation difficile, voire impossible. La pratique s'en est ressentie, mais qu'est-ce que ça prouve ? Qu'avec de mauvais outils on fait du sâle boulot ? Vous trouvez les À laids ? Question de goût. Moi, j'aurais tendance à dire, en tant que lecteur, que c'est la lettre dont l'absence d'accentuation me gêne le plus. Parce que c'est celle qui change le plus profondément le sens du mot qui la porte. Une phrase commençant par : « A cet instant... » me paraît toujours fautive. C'est peut-être une déformation professionnelle. Je crois surtout que c'est largement une question d'habitude, donc que ça peut évoluer. Question aussi de travail des typographes, pour améliorer l'esthétique de ces signes. Nous avions évoqué ici la question des accents "aplatis" sur les capitales. Souvent, les fontes présentent sur les capitales des accents identiques à ceux des bas de casse. Sans doute parce que c'est plus facile (il y a une fonction dans les éditeurs de fontes vectorielles qui permet de combiner automatiquement des signes en assemblant des "références"). Pourtant, certaines fontes de labeur ont des accents sur les capitales qui montent moins, pour éviter le chevauchement avec les lignes supérieures, mais aussi parce ça rompt moins l'horizontalité des capitales. >L'interlignage. Si l'on veut accentuer les capitales il faut interligner >suffisamment pour que les accents des capitales ne touchent pas les jambages >de la ligne supérieure. Ce n'est pas toujours possible dans la composition >d'un quotidien ou d'un magazine par exemple. Ce n'est pas si évident que ça. Lorsqu'Alain a composé ses _Chants de Maldoror_, il a utilisé volontairement un interlignage excessivement serré (inférieur à la valeur de corps), or j'ai été surpris, lors de la relecture, de constater le très petit nombre de cas où l'accentuation des caps posait problème. Généralement, il faut jouer de malchance pour que l'accent tombe juste sur une descendante, et on peut presque toujours sauver le coup facilement. Un truc, en passant, c'est une fonction qu'on pourrait réclamer dans les logiciels de mises en pages (voir le doc. K2) : la détection de chevauchement. D'autre part, un interlignage trop serré est toujours inconfortable pour la lecture, alors... Enfin, il faut être logique : si on accentue les textes tous caps, ce que vous ne semblez pas mettre en question, ça veut dire que vous pouvez fatalement vous retrouver dans la situation suivante : plaplaplaplaplaplaplaplaplaplap il hurla : PASQUA M'A DÉGOUTÉ ! plaplaplaplaplaplaplaplaplapla. À cet instant, Édouard m'a tué. Donc, l'interlignage que vous devrez réserver pour faire tenir les accents de la ligne où se trouve l'exclamation en tous caps, vous le retrouverez sur la ligne en caps et bas de casse. Certes, il y a la solution de mettre l'exclamation en petites caps, mais il faut encore en avoir... >Aujourd'hui avec les polices vectorielles on nage dans la confusion sur le >corps et l'interlignage. >Si vous prenez par exemple le Linotype Didot redessiné par Frutiger il faut >indiquer corps 9,5 pour avoir un véritable corps 10. Si vous accentuez les >capitales il faut descendre au corps 8. >On nous explique qu'il faut augmenter l'interlignage sans comprendre que >c'est le corps des fontes qui est faux. Ce problème est récurrent et ne date pas des fontes vectorielles. La notion de corps est extrêmement trompeuse. On dit généralement que le corps est la hauteur globale de l'oeil de toutes les lettres. Même au plomb, c'est faux, parce qu'un caractère de corps 12, c'est un caractère qui "tient" sur une ligne de plomb de corps 12. Le graveur peut fondre son caractère sur du 14, parce qu'il estime qu'en dessous, l'interlignage paraîtra trop serré. Au contraire, il peut prévoir les accents sur les caps en débordement, pour gagner de la place. Dans ma collec' de plombs, j'ai deux corps 24 de Didot, l'un de texte, l'autre de titrage. Le deuxième est presque un tiers plus gros que le premier, parce que les capitales sont gravées sur toute la hauteur du plomb ; la queue du Q est même en débordement ! Alors que sur le premier, il y a un talus en tête des capitales pour placer les accents (ça a évolué après Fournier, aussi). Le seul système qui ait été à peu près cohérent sur ce point, c'est les photocomposeuses Berthold, où le corps correspondait à une hauteur de capitales. Mais, même ça n'est pas absolu, puisque, selon le dessin de la lettre, notamment des descendantes, l'interlignage nécessaire peut varier considérablement. On pourrait discuter pendant des heures de cette notion nébuleuse de corps, même Paput, le graveur de l'Imprimerie nationale, a admis qu'il faisait ça "au feeling". Ce qui a changé, avec la composition électronique, c'est qu'il est aujourd'hui possible de faire chevaucher des signes, ce qui, au plomb, était matériellement impossible, évidemment. >Ainsi dans son guide Porchez nous parle d'interlignage minimum (12/12), >optimum (12/14) et confortable (12/16). Dans l'interlignage « minimum » le >haut des capitales est à un fil du bas des jambages et si l'on utilise les >capitales accentuées les lettres se touchent. Cela prouve que le problème >n'est pas de mettre un interlignage « optimum », mais que le corps indiqué >est faux. Vous prenez le problème à l'envers (et je dirais, dans ce cas, Porchez aussi). L'interlignage minimum, c'est celui qui permet d'éviter que les signes, quels qu'ils soient, se touchent, de même que la bonne longueur, pour les jambes, c'est quand les pieds touchent par terre. L'interlignage optimum, c'est celui qui assure au texte une respiration suffisante. Il est vain de chercher une relation directe corps/interlignage. S'il faut chercher une relation, je suis convaincu que c'est plutôt entre la hauteur d'oeil des bas de casse et la valeur de blanc qui les séparent. J'ajouterais même que les accents sont un critère utile de maquette. Lorsque je compose un titre en caps, s'il n'y a pas d'interlignage prédéfini pour d'autres raisons, il y a deux valeurs qui donnent généralement, je trouve, de bons résultats : la première, c'est celle qui donne la valeur d'une cap entre deux caps (aspect inscription lapidaire), la deuxième, c'est celle qui donne le même espace au-dessus et en dessous des accents (aspect titre de journal). (Souvent je rajoute quand même un poil au-dessus.) >Pour revenir sur les capitales accentuées je ne vois rien de criminel à >composer par exemple des rubriques en capitales sans accents. >CINEMA, VIDEO? ne me semblent pas poser de graves problèmes. >Même le choix d'une couverture composée entièrement en capitales sans >accents me semble possible. Encore une fois, ma position n'est pas de dire que l'absence d'accentuation est fautive, mais de recommander l'accentuation chaque fois que c'est possible. Comme j'ai dit, les accents, ça va sans dire, ça va encore mieux en le disant. >Un secrétaire de rédaction peut facilement réécrire PASQUA DEGOUTE PAR >L'AFFAIRE MERY il suffit d'écrire : L'AFFAIRE MERY DEGOUTE PASQUA. Comment récrire ce titre : MORT D'ALBERT SCHWEITZER A LAMBARENE ? ;-) >Il est vrai que cette pratique ne peut être que ponctuelle et qu'une charte >graphique qui impose de composer tous les titres en capitales non accentuées >ne peut poser que des problèmes. Nous sommes bien d'accord. C'est une perte de temps et d'argent. D'autant qu'avec un clavier correctement géré, il est plus facile de saisir avec les accents que sans. Olivier RANDIER -- Experluette mailto:orandier@xxxxxxxxxxx http://technopole.le-village.com/Experluette/index.html Experluette : typographie et technologie de composition. L'Hypercasse (projet de base de données typographique), l'Outil (ouvroir de typographie illustrative).
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