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Message : Re : Justif

(Oudin-Shannon) - Lundi 07 Mai 2001
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Subject:    Re : Justif
Date:    Mon, 07 May 2001 14:09:37 +0200
From:    "Oudin-Shannon" <liberman@xxxxxxxxxxxxx>

>Facile ?... Peut-être... mais assurément moins qu'une réponse constituée d'une
>longue citation et d'un bref jugement. Pourriez-vous développer ce qui se cache
>derrière votre « cependant » ?

Je pense par exemple à Pons qui est le correspondant du Monde au Japon.
C'est un véritable érudit sur le Japon. Il a écrit un livre magnifique : De
Edo à Tokyo. C'est un vrai plaisir pour moi quand il a un long papier car à
chaque fois, en plus de la simple information, il apporte une ouverture sur
la culture japonaise. Il est vrai que la grande époque des correspondants
comme Niedergang est lointaine.
Je pense par exemple à la longue enquête de Libération, qu'ils ont mené sur
plusieurs années, sur le travail de cette équipe médicale qui tente de
soigner, par greffe dans le cerveaux, les malades atteints de ce que l'on
apelle vulgairement « la danse de St Guy ».

>Niez-vous le rôle de la « densité » dans l'illusion graphique ?
>Croyez-vous qu'à corps, interlignage, gouttières et empagement égaux vous ferez
>tenir davantage de signes sur sept colonnes que sur six ?

Sur 7 je met un peut moins de signes que sur 6 colonnes. Par contre j'ai un
nombre de combinaisons possibles considérablement plus importants.

>Votre analyse est intéressante, mais elle ne répond pas véritablement à la
>question des justifications étroites. Je ne conteste pas l'existence d'autres
>paramètres (gestion souple de la grille, cohabitation avec l'espace vendu, etc.),
>dont certains ont été évoqués par plusieurs intervenants, mais j'aimerais que l'on
>n'oubliât pas celui-ci : le conformisme. En clair, la perpétuation irréfléchie de
>traditions naguère motivées par des contraintes techniques aujourd'hui disparues.
>Exemple : dans l'urgence (plus vive dans la presse que dans l'édition), il était
>jadis plus facile et moins risqué de manipuler des « paquets » de lignes courtes.
>Est-ce encore le cas ?

Je crois qu'une autre raison est à prendre en considération. Au XIXe il-y-a
des quotidiens composés sur une justification large avec des titres composés
très petits. Arrive l'interdiction de la vente à la criée et les journaux
ont besoins de gros titres pour se faire remarquer. Pour placer plusieurs
titres il faut une grille permettant le plus grand nombre de combinaisons.
Le Monde de Beuve-Méry était composé sur 6 colonnes comme aujourd'hui. Je ne
crois pas que le passage à 5 colonnes aurait posé le moindre problème pour
la manipulation des « paquets ».
Simplement la construction la plus courante des unes de l'époque aurait été
impossible : 3 titres au même niveaux chacun sur 2 colonnes. Il y avait
parfois 4 titres (1,2,1,2) sur le même niveaux.
C'était certainement très laid, mais cela relevais de la volontée de ne pas
gonfler artificiellement une information. La consigne de Beuve-Méry était de
« faire chiant ».

Le Monde s'inscrit dans une certaine tradition et donc dans un conformisme
et une arogance énorme.
Colombani ne se gêne pas de dire régulièrement que son journal est celui de
« l'élite ».
Pour avoir été confronté au problème je peut vous dire que Le Monde mis en
page sur 5 colonnes aurait nécessité un bouleversement rédactionnel complet.
Le Monde n'aurait plus été Le Monde et il n'en était pas question pour eux.

D'une manière plus générale il-y-a cette maladie du « concept ». Une
nouvelle formule c'est un « concept », bien évidemment « fort » et «
nouveaux ». Le journal doit donc se couler dans une grille très
contraignante.


>Autre chose... Tout le monde sait qu'une « bonne » justification dépend AUSSI du
>style, en particulier de la longueur moyenne des phrases. Les justifications
>étroites « justifient » les âneries enseignées sur le « style journalistique ».
>Essayez de composer les plus beaux textes de la prose française sur 30 signes à la
>ligne...
>Plus un pavé est étroit, plus il est difficile à composer correctement. En
>drapeau, quoi qu'on en dise, ce n'est guère mieux. Quelle est donc cette pesanteur
>qui nous pousse encore à composer 30 signes à la ligne, alors que nulle contrainte
>technique ne l'exige, alors que la fluidité de notre langue, le gris typographique
>et les divisions en souffrent ? Je ne souhaite évidemment pas que les colonnes de
>la presse quotidienne passent au 55 à 70 signes « monocolonnes » de l'édition...
>mais qu'elle évite de descendre sous les 35 , voire, si j'osais, sous les 40...
>Sauf pour les cours de la Bourse, les petites annonces et le carnet mondain...
>Jean-Pierre Lacroux

Bon d'accord, mais pour reprendre l'exemple du Monde il faudrait un
typographe capable de convaincre la rédaction qu'une bonne composition
justifie un bouleversement rédactionnel.
Le passage sur 5 colonnes exigerait en effet un changement du nombre
d'articles ainsi que de leurs longueurs. Ce typographe devrait être assé
journaliste et les journalistes assé typographes.
On est pas près d'y arriver.

Jérôme oudin