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Message : Re: [typo] Feu noir (encore)...

(Alain Hurtig) - Vendredi 23 Mai 2003
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Subject:    Re: [typo] Feu noir (encore)...
Date:    Fri, 23 May 2003 15:33:28 +0200
From:    Alain Hurtig <alain@xxxxxxxxxxxxxx>

At 23:29 +0200 22/05/03, Olivier Randier wrote:
>On a déjà cité ici l'expression de « Feu noir sur du feu blanc » pour 
>parler de la typographie. Je la retrouve sur le site d'Angelini.
>Je me demandais l'origine de cette citation
>
J'avais lancé ça comme un gimnick sur la liste, en 1998. Attribué par ma pomme à rabbi Aboulafia (ceci au flanc : j'adore les fausse citations...)

Je recopie ici tout ce que j'ai trouvé (petite recherche sur « feu noir », dans mes propres archives de la liste). Un mail de 46 ko... Mmmm.... Que ceux qui n'ont jamais envoyé un fichier _énorme_ en attaché me jettent la première pierre !

Sinon, petite réflexion en passant et totalement hors charte : aller chercher des références à la kabbale juive dans Grad, c'est prendre le risque du miroir aux alouettes...


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X-From_: typographie-request@xxxxxxxxxxxxxx 
Wed Mar 5 04:10:09 1997 
X-Sender: ahurtig@xxxxxxxxxx
Date: Wed, 5 Mar 1997 04:12:24 +0100
To: TYPOGRAPHIE Distribution List <typographie@xxxxxxxx> 
From: Alain Hurtig <alain.hurtig@xxxxxx> 
Subject: Re: mise en page A4
Reply-To: TYPOGRAPHIE Distribution List <typographie@xxxxxxxx> 

At 18:20 +0100 4/03/97, Cecile Souche wrote: 
>Quel serait un compromis supportable pour des marges sur un document recto-verso A4, qui ménagerait l'oeil et le papier ? 
>
Après avoir débiné le "canon des ateliers", le voici dans sa vérité nue... 

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Définitions :
Blanc de tête : le blanc en haut de la page Blanc de pied : le blanc en bas
Petit fond : le blanc du côté de la reliure Grand fond : le blanc du côté de la coupe Empagement : espace occupé sur la page par la surface imprimée. Justification : largeur de l'empagement. 

Règle fondamentale : dans une page, le blanc est aussi important que le noir : "Une lettre, c'est du feu blanc sur du feu noir", disait rabbi Aboulafia.

Le "Canon" fonctionne sur la règle : 4 dixièmes, 5 dixièmes, 6 dixièmes, 7 dixièmes (je compte sur les matheux de la liste pour nous expliquer pourquoi...)

--------
Deux versions du "canon".

Supposons un format de 120 par 180 mm.

1/ La version "luxe".

La justification est des 2/3 de la largeur de la feuille. Justification : (120 * 2)/3 = 240/3 = 80 mm. On divise le "blanc total" (largeur du papier - justification) en dixièmes, et on a :
(largeur du papier - justification)/10 : (120 - 80)/10 = 40/10.
Le dixième = 4.

On reprend la règle ci-dessus, et on a : Petit fond : 4 dixièmes, soit 4 * 4 = 16 mm Tête :	5 dixièmes, soit 5 * 4 = 20 mm
Grand fond : 6 dixièmes, soit 6 * 4 = 24 mm Pied :	7 dixièmes, soit 7 * 4 = 28 mm

L'empagement est de 80 * 128.

NB : (petit fond + grand fond + justif) = (16 + 24 + 80) 
= 120 mm.
= largeur de feuille
Et on retombe effectivement sur nos pieds. 

---
2/ La version "cheap"

On la joue à l'économie (mais c'est moche). La justification est aux 3/4 du format de la feuille. Il suffit de refaire les calculs en utilisant 3 au lieu de 4. Justification : (120 * 3)/4 = 360/4 = 90 mm. Le dixième de blanc = 3. (120 - 90)/10 = (30)/10 = 3. 

Petit fond : 4 dixièmes, soit 4 * 3 = 12 mm Tête :	5 dixièmes, soit 5 * 3 = 15 mm
Grand fond : 6 dixièmes, soit 6 * 3 = 18 mm Pied :	7 dixièmes, soit 7 * 3 = 21 mm

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Ça semble compliqué, c'est en fait très simple (prendre une calculette quand même...)
Appliquer le canon des ateliers n'est pas très original, mais c'est être sûr de ne jamais se tromper !

Alain Hurtig	alain.hurtig@xxxxxx
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"Je ne vois rien, je vois tout: la certitude est puisée dans la ténèbre." 
Angèle de Foligno

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X-From_: typographie-request@xxxxxxxxxxxx 
Mon May 12 20:57:24 1997 
X-Sender: ahurtig@xxxxxxxxxx
Date: Mon, 12 May 1997 20:55:41 +0200
To: lacroux@xxxxxxxxx, TYPOGRAPHIE Distribution List <typographie@xxxxxxxx> 
From: Alain Hurtig <alain.hurtig@xxxxxx> 
Subject: Re: Renfoncement
Reply-To: TYPOGRAPHIE Distribution List <typographie@xxxxxxxx> 

At 18:54 +0100 12/05/97, Jean-Pierre Lacroux wrote: 
>Elle vient de la définition même du paragraphe, du moins de sa définition traditionnelle. Un paragraphe EST séparé du paragraphe suivant par une ligne de blanc. Cela le distingue de l'alinéa, qui se contente du renfoncement.
>
Voilà une distinction un peu bizarre, et qui ne tombe pas sous le sens commun. Mais admettons, alors je repose ma question : 

Le blanc (ou la demi ligne) entre deux « alinéas » ;-), ça vient d'où ? (de la dactylographie peut-être, je me revois en train de faire le geste de tourner un peu le rouleau de la machine à écrire...) 


>Ce n'est pas un problème proprement typographique : ce choix appartient aux auteurs, du moins à ceux qui maîtrisent cette possibilité d'enrichir l'articulation des textes.
>
Le choix _appartient_ aux auteurs ? Bigre ! 

J'ai longtemps essayé de discuter avec les auteurs de l'articulation de leurs texte, de leur essayer que le blanc avait du sens, que blanchir une page, c'était donner du sens, et qu'on ne pouvait pas le faire à tort et à travers.

De leur expliquer aussi que c'était un risque, que la page pouvait en devenir moins lisible. Que mieux vaut un beau et vrai blanc quelque part plutôt que plusieurs petits blancs partout. Je me suis épuisé à répéter que le blanc est signifiant. Qu'un texte, c'est « du feu noir sur du feu blanc » 

J'ai renoncé. Je crois que ces gens ne parlent simplement pas la même langue que moi. Donc mes auteurs et moi, nous avons adopté un modus vivendi : ils m'ignorent et je les ignore : ça fait les mariages paisibles. 

En pratique, pour les indications de mise en pages fournies par les auteurs, j'écarte par principe celles qui ne rentrent de toute façon pas dans la charte graphique de la collection (du genre plein d'espaces entre les par... les alinéas, pardon, du genre gras-italique-souligné-relief, etc.), et les fantaisies que rien ne vient justifier (dues uniquement à l'ivresse de la puissance de traitement que donnent les traitement de textes et autres outils de présentation). Je regarde avec attention les suggestions qui font sens (à quoi bon réinventer ce qui l'a déjà été ?) 

Je constate souvent avec intérêt que les auteurs ne sont pas « bridés », corsetés, par de grands principes typographiques, et trouvent des solutions logiques et parfois élégantes, pour présenter des listes compliquées par exemple. Pourquoi ne pas en profiter ?

Je constate aussi que leur ignorance (naturelle, c'est pas leur métier) du langage typographique est immense.

Je préfère ne pas leur « laisser le choix », mais décider en dernier ressort (c'est pour cela qu'on me paye, d'ailleurs). 



Alain Hurtig	alain.hurtig@xxxxxx
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« Quand on n'a plus rien à désirer, tout est à craindre ; c'est une félicité malheureuse. La crainte commence où finit le désir. » 
Baltasar Gracian, L'homme de cour.


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X-From_: typographie-request@xxxxxxxxxxxx 
Tue May 13 13:42:42 1997 
Sender: ppichaur@xxxxxxxxxxxxxxxxxxxx
Date: Tue, 13 May 1997 13:42:29 -0700
From: Paul Pichaureau <ppichaur@xxxxxxxxxxxxxxxxxxxx> 
Organization: IPCMS-GEMME
To: TYPOGRAPHIE Distribution List <typographie@xxxxxxxx> 
Subject: Re: Renfoncement
Reply-To: TYPOGRAPHIE Distribution List <typographie@xxxxxxxx> 

Alain Hurtig wrote:

>J'ai longtemps essayé de discuter avec les auteurs de l'articulation de leurs texte, de leur essayer que le blanc avait du sens, que blanchir une page, c'était donner du sens, et qu'on ne pouvait pas le faire à tort et à travers.

Tu discutes avec les auteurs, toi ? Je n'y connais rien, je précise, mais en discutant avec des gens qui font de la mise en page, j'ai été très surpris d'apprendre que les auteurs n'ont pas leur mot à dire en la matière. La charte typo est toujours respectée à la lettre, et pour le reste, c'est au maquetiste de décider, il a toutes latitudes pour cela. 

À la réflexion, ça me semble très logique. Mais quel est exactement ton boulot : tu fait des mises en page pour des auteurs à la demande, ou est-ce que tu travailles dans le cadre plus « professionel » d'une maison d'édition ?

>De leur expliquer aussi que
>le blanc est signifiant. Qu'un texte, c'est « du feu noir sur du feu blanc » J'ai renoncé.

Ça ne m'étonne pas ! C'est un peu comme en calligraphie : les profanes écrivent (et composent) sans la moindre idée des règles élémentaires. Je suis toujours surpris de voir les (bonnes) idées qui peuvent surgir de la tête de quelqu'un totalement ignorant en matière de typographie. Mais j'ai renoncé à leur inculquer contre leur gré les règles élémentaires en la matière. Je préfère agir par l'exemple : « tu vois, si tu mets ça dans un tableau, ça t'évite d'avoir à mettre tes espaces à la main (à coup de barre d'espacement), et ensuite tu peux changer la présentation très facilement » 


>Alain Hurtig

--
Paul Pichaureau	e-mail: ppichaur@xxxxxxxxxxxxxxxxxxxx
Et il arriva que	Strasbourg, France - 03 88 10 70 84
le Jeune Paul...	IPCMS (http://www-ipcms.u-strasbg.fr)


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X-From_: typographie-request@xxxxxxxxxxxx 
Thu Dec 4 14:14:57 1997 
X-Sender: ahurtig@xxxxxxxxxxxxxx
Date: Thu, 4 Dec 1997 14:02:37 +0100
To: TYPOGRAPHIE Distribution List <typographie@xxxxxxxx> 
From: Alain Hurtig <alain.hurtig@xxxxxxxxxxxxxx> 
Subject: Re: Quel est votre caractere typo prefere? 
Reply-To: TYPOGRAPHIE Distribution List <typographie@xxxxxxxx> 

At 23:04 -0500 2/12/97, Jean Fontaine wrote: 
>Quel est le caractère typographique que vous emporteriez avec vous sur la fameuse île déserte?
>
À mon tour...

Impossible de répondre à une question pareille ! 

Je peux dire ce que je n'aime pas ! Les linéales en général : c'en est au point que je les confonds... Ça ne m'empêche pas de les employer quand c'est nécessaire (tout dépend du travail à faire, de ce que l'on veut dire) 

Mais j'ai quand même un faible pour les incises (Optima - peut-on dire que LeMonde est une incise ? J'aime bien aussi, mais j'ai eu beaucoup de mal à m'y habituer : elle me faisait mal au yeux). 

Je ne vois pas comment on peux utiliser les mécanes, les égyptiennes, ce genre là. Les scriptes m'amusent. Toute la gamme des polices fantaisies qui se font maintenant (y compris la tendance « trashy » me fascinent, m'attirent et me révulsent à la fois. Formé par la rude discipline du labeur, je n'en vois guère l'emploi.

En général, je n'aime pas beaucoup les garaldes, que je trouve trop souvent maniérées et molles : Bembo me fait l'effet de la guimauve, je m'y sens empêtré.

Ben t'aime rien, alors, mon gars ? Si : j'aime les réales (pas toutes) et les didones, j'aime les humanes quand elles sont rigolotes et surdessinées jusqu'à l'absurde (Centaur en est un bon exemple). 

J'ai, en fait, surtout des bonheurs de lecture : une belle police de caractères, adaptée au sens des mots (dont elle est la servante), sur un bel empagement (« Un texte, c'est du feu noir sur du feu blanc ») me rend les textes plus proches, les pages plus intimes. 

Comme metteur en pages, j'ai un immense bonheur en utilisant du baskerville, du bodoni, du didot. Je me sentais sculpteur de pages, les mains dans une matière qui me résistait et se laissait modeler à la fois, selon mon désir et tout en gardant sa personnalité. J'ai senti à quel point ce métier pouvait être senseul, et même érotique. 

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« Occupez-vous du sens, les mots s'occuperont d'eux-mêmes », Lewis Caroll (je suis en veine de citations, aujourd'hui, mais je crains qu'elles ne soient approximatives ;-))

Nous, notre travail, c'est de s'occuper des mots pour que le sens puisse s'y frayer un chemin, non ?

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PS : Question subsidiaire : qui sur la liste aime le Times « standard » et l'Helvetica ?

Alain Hurtig	mailto:alain.hurtig@xxxxxx
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Si vous pensez avoir enfin trouvé la solution, eh bien ! une bonne nuit de sommeil et il n'y paraîtra plus.
Brigitte Fontaine


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X-From_: typographie-request@xxxxxxxxxxxx 
Fri Feb 6 09:58:34 1998 
X-Sender: ahurtig@xxxxxxxxxx
Date: Fri, 6 Feb 1998 09:57:34 +0100
To: TYPOGRAPHIE Distribution List <typographie@xxxxxxxxxxxx> 
From: Alain Hurtig <alain.hurtig@xxxxxx> 
Subject: Re: signes diacritiques
Reply-To: TYPOGRAPHIE Distribution List <typographie@xxxxxxxxxxxx> 

At 2:56 -0500 6/02/98, Jean Fontaine wrote: 
>Si je comprends bien, tout l'alphabet, tout ce plomb utilisé depuis des siècles par les typographes français n'a servi qu'a produire du silence, du néant?
>
Deux réponses :

1. De rabbi Aboulafia, théoricien de la forme des lettres hébraïques : « La lettre est comme la matière, et l'aleph [la lettre imprononçable, la lettre qui a un nom et une forme, mais pas de son] comme le souffle qui meut cette matière ».

2. De Alain Hurtig, contributeur à la liste Typo : « Le pied de la lettre ne fut plus une vaine expression » [qui a jamais _prononcé_ l'empattement d'un didot ?]

Moralité :
L'écrit, le livre, c'est « du feu noir sur du feu blanc », comme disait le même Aboulafia, décidemment maître en mise en pages signifiantes. 
L'empagement, le « petit fond » et le « grand fond », et le plomb fondu en vain au cours des siècles, tous ces lieux du vide et du non-prononcé, sont comme les lettres qui ne bruissent pas dans la bouche, présentes dans les mots mais absentes du prononcé (signifiantes mais non signifiées : leur ommission nous épouvanterait, ainsi le « h » de « huile » dont il fut question hier).
Et le silence des pages, et le néant lui-même, portent le bruit du monde, et permettent à ce bruit de se frayer un chemin jusqu'à la conscience.
C'est l'honneur et la joie du typographe, invisible gardien des formes, discret guide du sens, d'indiquer ce chemin sans que personne ne s'en aperçoive jamais.

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Je prie l'aimable compagnie d'excuser cet accès de lyrisme. Je vous promets que ça n'arrivera plus :-) (jusqu'à la semaine prochaine, of course ! ;-)). 

Alain Hurtig	mailto:alain.hurtig@xxxxxx
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Si vous pensez avoir enfin trouvé la solution, eh bien ! une bonne nuit de sommeil et il n'y paraîtra plus.
Brigitte Fontaine

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X-From_: typographie-request@xxxxxxxxxxxx 
Fri Feb 6 18:46:53 1998 
Sender: Thierry.Bouche@xxxxxxxxxxxxxxx
Date: Fri, 06 Feb 1998 18:53:55 +0100
From: Thierry Bouche <Thierry.Bouche@xxxxxxxxxxxxxxx>
Organization: Institut Fourier
To: typographie@xxxxxxxxxxxx
Subject: Re: signes diacritiques
Reply-To: TYPOGRAPHIE Distribution List <typographie@xxxxxxxxxxxx> 

>Souvenez-vous de Guy Levis-Mano et de ses 'Trois typographes 

je m'en souviens, et du libraire qui agitait une édition originale sous mon nez, tout excité et frétillant de la queue comme un bon chien me rapportant un nonosse pour moi calibré.

Las, le papier est moche et la composition sans idée. 

La plupart de ces compositions typographiques pour elle-mêmes, mais aussi les poèmes lettristes : lettre morte. 

je préfère encore le feu noir sur du feu blanc qu'on voit danser quand on a fini la moquette :-)

--
Thierry Bouche.X-From_: typographie-owner@xxxxxxxx Wed Sep 16 09:01:52 1998 


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X-Sender: ahurtig@xxxxxxxxxx (Unverified) 
Date: Wed, 16 Sep 1998 09:01:55 +0200
To: typographie@xxxxxxxx
From: Alain Hurtig <alain.hurtig@xxxxxx> 
Subject: Re: Canon, feu noir, feu blanc
Reply-To: typographie@xxxxxxxx
X-Loop: typographie@xxxxxxxx
X-Sequence: 2071

At 2:10 +0200 16/09/98, Olivier RANDIER wrote: 
>Comment faire vivre la mise en pages sur un support qui semble destiné à la page et au format unique (pourquoi d'ailleurs ? On aurait très bien pu imaginer des livres électroniques qui s'ouvrent en deux, non ?). 
>
[etc.]

Oui, ça douche un peu l'enthousiasme qu'on peut ressentir en lisant ce genre de nouvelles. Ce n'est sans doute qu'un problème technique, mais... laissé aux mains des techniciens, il ne sera jamais résolu. Et je partage la gêne d'Olivier devant les pages en « rouleau continu ». 

>Tiens, en parlant des tracés régulateurs, pourquoi n'y en a-t-il que pour les doubles pages ? Ne peut-on imaginer la même chose pour des affiches ? 
>
Je ne crois pas. Une affiche, et même une couverture, bref tout ce qui n'est pas, justement, double page, a une dynamique absolument différente, un équilibre des masses qui n'a rien à voir. On n'a que des cas d'espèces... Même la seule règle imaginable, c'est à dire une symétrie droite-gauche est régulièrement battue en brèche par les graphistes, qui ont bien raison de ne pas s'y tenir.

C'est que l'affiche est faite pour le coup d'oeil, la perception immédiate, le poing dans le ventre (ou le cerveau !), le plaisir sans recul et sans limite. la page écrite (et illustrée, si nécessaire) porte plus de sens, réclame une tension autre, a une vie et une durée autre. Faut-il rappeler que l'encre sur le papier, c'est toujours « du feu noir sur du feu blanc », selon la citation apocryphe d'un pseudo-rabbin kabbaliste dont j'ai oublié le nom à force de le citer ? ;-).

>Les tracés régulateurs donnent
>des résultats admirables, mais sont inutilisables dans le contexte actuel, où les coûts, et notamment celui du papier, sont un facteur déterminant. 
>
C'est une blague, ça ! Le coût du papier chute tendanciellement depuis des décennies, sa qualité ne cesse de s'améliorer, et son coût est un mauvais prétexte. Pour moi, c'est comme de prendre des stagiaires au lieu de vrais maquettistes-typographes, au prétexte d'une masse salariale qui devient prétendument trop lourde. Même processus, et mêmes résultats : baisse de qualité, livres illisibles, ventes qui s'effondrent. Qui a _vraiment_ envie de lire les livres qu'on nous montre ?

Bien sûr, il n'est pas question de confondre édition de luxe et édition courante, « inédition rare », pour reprendre le mot de quelqu'un et livre de poche. De là à mépriser le lecteur au point de supprimer les marges, il y a un gouffre.

>N'y aurait-il pas matière à étudier des tracés modérés, à chercher des proportions raisonnables, sans laisser des marges inacceptables par le client et par Jacques André ? ;)
>
Mais ils existent ! Ça s'appelle le Canon des imprimeurs, il y en a deux, un « luxueux » et l'autre _cheap_ [1], ils sont horribles tous les deux (enfin bon, ils ne sont pas très beaux), le premier est spécialement économe pour les marges, et plus personne ne l'applique. Même les petits et grands fonds sont maintenant de valeurs égales (elle-même égale au blanc de tête et au blanc de pied), les pages sont statiques, mornes, mortes, n'offrent aucun plaisir de lecture. Les textes sont massacrés. Et ceci sans aucune raison valable.

Le problème que posait jacques, je crois est tout autre, et d'ailleurs il est double :
1. Le A4 est fortement connoté à la bureautique, à l'édition de rapports, de thèses, à ce genre de trucs. Là, effectivement, on va au plus pressé, il n'y a pas de marges. Du brouillon à l'impression définitive, aucun effort de présentation n'est exigé (ni sans doute exigible). Cette image est difficile à renverser, évidemment.

2. Le A4 pose un problème spécifique, qui rend ce format détestable. Je ne sais pas pourquoi, mais c'est impossible de lui trouver un bon empagement. ce n'est pas un problème de proportion, puisqu'on peut faire de très jolies choses en A5. Qu'on essaye d'appliquer Hambidge à du A4, histoire de rire (les résultats sont, euh... étonnants !) Un géométricien, un topologue, bref un TeXiste, pourrait-il nous donner son avis là-dessus ? Pourquoi est-ce qu'en A4, ÇA NE MARCHE PAS ?

La question a d'ailleurs été posée sur la liste, à plusieurs reprises, par des p'tits nouveaux qui avaient une mise en page à faire dans ce format et qui ne s'en sortaient pas, et personne n'a su trouver de réponses satisfaisantes.

>* Notez avec quel brio je fais la synthèse des deux principaux fils : c'est là qu'on voit le métier de l'animateur ;) 
>
Très beau boulot. Félicitations de l'ancien animateur ! :-))). 

[1] J'en ai déjà donné les règles. je peux le refaire si nécessaire. 

Alain Hurtig	mailto:alain.hurtig@xxxxxx
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N'est-il pas curieux qu'un être aussi vaste que la baleine voie le monde à travers un oeil si petit et qu'elle entende le tonnerre avec une oreille plus menue que celle d'un lièvre ?
Herman Melville, _Moby Dick_.


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X-From_: typographie-owner@xxxxxxxx 
Wed Sep 16 15:01:29 1998 
Date: Wed, 16 Sep 1998 15:00:29 +0200 (MET DST) 
From: Thierry Bouche <Thierry.Bouche@xxxxxxxxxxxxxxx> 
To: typographie@xxxxxxxx
Subject: Re: Canon, feu noir, feu blanc
Reply-To: typographie@xxxxxxxx
X-Loop: typographie@xxxxxxxx
X-Sequence: 2073

» C'est que l'affiche est faite pour le coup d'oeil, la perception immédiate, » le poing dans le ventre (ou le cerveau !) 

absolument. Il y a une affiche due à Duchamp qui est reproduite dans le Blackwell : le jeu sur les gris typo est carrément époustouflant (surtout provenant d'un non typo) et in-régulable (tant mieux) !! 

» C'est une blague, ça ! Le coût du papier chute tendanciellement depuis des » décennies,

je suis peut-être l'un des rares ici à avoir démarché des papetiers : alain a mille fois raison, le papier ne coûte rien, les « éditions de luxe sur beau papier » sont une belle arnaque. Le papier se vend à la tonne pour quelques centaines de francs (je parle des plus beaux vergés chiffon, voire de l'incroyable bouffant Skoura d'une papeterie de Gières). Le seul papier cher, c'est le vélin d'arches de fort grammage, sur lequel il est également délicat d'imprimer en offset (blanchet vite encrassé) donc coût de revient vraiment élevé... 

En outre, l'histoire de sauver des arbres est très largement une foutaise : il existe dans le monde des forêts spécifiquement cultivée dans ce but, ce ne sont pas les papivores qui déciment l'amazonie. 


» et son coût est un mauvais
» prétexte. Pour moi, c'est comme de prendre des stagiaires au lieu de vrais » maquettistes-typographes, au prétexte d'une masse salariale qui devient » prétendument trop lourde. Même processus, et mêmes résultats : baisse de » qualité, livres illisibles, ventes qui s'effondrent. Qui a _vraiment_ envie » de lire les livres qu'on nous montre ? 

tu parles d'or, hector.

» 2. Le A4 pose un problème spécifique, qui rend ce format détestable. Je ne » sais pas pourquoi, mais c'est impossible de lui trouver un bon empagement. 

je pense que c'est un problème de taille (est-ce penser que d'énoncer des truismes ?).

On n'embrasse pas une double page A4 de la même façon qu'une double page A5, on peut avoir une grande ouverture d'esprit, la focale est limitée. Essentiellement, un truc en A4 se lit page par page, précisément en mode brouillon ou manuscrit. Cela dit, j'ai vu des brochures approchant le format A4 assez réussies. La recette miracle ? laisser des marges gigantesques à l'extérieur (grand fond ?) et en bas (blanc de pied ?) de façon à ce que l'oeil puisse embrasser le texte proprement dit. Les marges ainsi libérées se prêtent idéalement à une composition « en gloses » come dit Jacques André (notes habillant le texte principal) ou à des illustrations « en araignée » comme dirait peut-être Denis Roche (par référence au poème « l'araignée clouée au mur » de Francis Ponge). Un bon exemple de ce à quoi je fais allusion (mais moins radical que ce à quoi je pense) est la mise en page de l'_ABC du métier_ de Massin, et ... 

» La question a d'ailleurs été posée sur la liste, à plusieurs reprises, par » des p'tits nouveaux qui avaient une mise en page à faire dans ce format et » qui ne s'en sortaient pas, et personne n'a su trouver de réponses » satisfaisantes.


ne conviendrait point trop au goût commun en matière de thèses et autres rapports « techniques »...

Thierry Bouche, Grenoble.


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X-From_: typographie-owner@xxxxxxxx 
Wed Sep 16 15:47:02 1998
Sender: Jacques.Andre@xxxxxxxx
Date: Wed, 16 Sep 1998 15:46:20 +0200
From: Jacques Andre <Jacques.Andre@xxxxxxxx> 
To: typographie@xxxxxxxx
Subject: [Re: Canon, feu noir, feu blanc] et papier ! 
Reply-To: typographie@xxxxxxxx
X-Loop: typographie@xxxxxxxx
X-Sequence: 2075

Thierry Bouche wrote:
>
>
>En outre, l'histoire de sauver des arbres est très largement une foutaise : il existe dans le monde des forêts spécifiquement cultivée dans ce but, ce ne sont pas les papivores qui déciment l'amazonie. 

Ça c'est ben vrai, ça ! Quand la forêt bretonne a été davastée par un ouragan voici une dizaine d'années, pas un seul arbre n'a été vendu pour faire du papier. Il est resté pourrir dans les allées traversières des bois. Pas confondre arbre pour papier et arbre tout court. Ni faire tout un foin parce qu'on coupe le blé (qui lui aussi est planté pour être récolté !

[...]

>» La question a d'ailleurs été posée sur la liste, à plusieurs reprises, par » des p'tits nouveaux qui avaient une mise en page à faire dans ce format et » qui ne s'en sortaient pas, et personne n'a su trouver de réponses » satisfaisantes.
>
>ne conviendrait point trop au goût commun en matière de thèses et autres rapports « techniques »...

Questions annexes (en début d'année scolaire !) : 
- qui sait (ou ne sait pas) ce qu'est un tracé régulateur? - qui a un bon format pour écrire des mémoires sur A4 ? - (pas taper) qui utilise (et pourquoi, et c'est bien ou pas ?) 
le format A4wide de LaTeX (qui diminue très largement les marges pour écrire sur environ 17cm de large au lieu des 13cm "régulés").
Posez votre souris !



--
Jacques André
Irisa/Inria-Rennes, Campus de Beaulieu, F-35042 Rennes Cedex, France
Tél. : +33 2 99 84 73 50, fax : +33 2 99 84 71 71, email : jandre@xxxxxxxx


_________________________________________
X-From_: typographie-owner@xxxxxxxx 
Wed Sep 16 16:30:14 1998 
Date: Wed, 16 Sep 1998 16:28:45 +0200 (MET DST) 
From: Thierry Bouche <Thierry.Bouche@xxxxxxxxxxxxxxx> 
To: typographie@xxxxxxxx
Subject: Re: [Re: Canon, feu noir, feu blanc] et papier ! 
Reply-To: typographie@xxxxxxxx
X-Loop: typographie@xxxxxxxx
X-Sequence: 2076

» - qui sait (ou ne sait pas) ce qu'est un tracé régulateur? 

moi.

» - qui a un bon format pour écrire des mémoires sur A4 ? 

j'ai un format
(http://www-fourier.ujf-grenoble.fr/~bouche/pdfTeX/geodif.pdf) ce n'est pas moi qui dirai s'il est bon ou pas. 

» - (pas taper) qui utilise (et pourquoi, et c'est bien ou pas ?) »	le format A4wide de LaTeX (qui diminue très largement les
»	marges pour écrire sur environ 17cm de large au lieu des 13cm
»	"régulés").

(euh, trucs et astuces, problèmes spécifiques posés par l'usage de tel ou tel logiciel, serait-on pas un chouïa hors-charte ?) 

_mon_ astuce est d'utiliser une fonte de gros oeil (Utopia) ce qui limite le nombre de mots par ligne, et permet effectivement de réduire les marges, de noircir la page, sans déséquilibrer outre mesure la lecture. En suivant la remarque d'Alain, avec un caractère comme CM, tu es condamné à beaucoup plus de blanc. Au point où on en est, je te signale la suite de packages koma-script qui fait des calculs d'empagement selon Tschichold.

Thierry Bouche, Grenoble.


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X-From_: typographie-owner@xxxxxxxx 
Wed Sep 16 18:09:46 1998 
Sender: Jacques.Andre@xxxxxxxx
Date: Wed, 16 Sep 1998 18:09:23 +0200
From: Jacques Andre <Jacques.Andre@xxxxxxxx> 
To: typographie@xxxxxxxx
Subject: Re: [Re: Canon, feu noir, feu blanc] et papier ! 
Reply-To: typographie@xxxxxxxx
X-Loop: typographie@xxxxxxxx
X-Sequence: 2078

Thierry Bouche wrote:
>
>» - qui sait (ou ne sait pas) ce qu'est un tracé régulateur? 
>
>moi.


Évidemment ma question étant con, ta réponse aussi ! Donc, tu sais, ou pas ce que c'est que ces trucs ? La question sous-jacente étant "est-ce que ça vaut la peine d'expliquer ici ces machins ?"


>» - (pas taper) qui utilise (et pourquoi, et c'est bien ou pas ?) »	le format A4wide de LaTeX (qui diminue très largement les
>»	marges pour écrire sur environ 17cm de large au lieu des 13cm
>»	"régulés").
>
>(euh, trucs et astuces, problèmes spécifiques posés par l'usage de tel ou tel logiciel, serait-on pas un chouïa hors-charte ?) 


C'est bien pourquoi je disais "pas taper". Je hais les smil hais ! 

>_mon_ astuce est d'utiliser une fonte de gros oeil (Utopia) ce qui limite le nombre de mots par ligne, et permet effectivement de réduire les marges, de noircir la page, sans déséquilibrer outre mesure la lecture. En suivant la remarque d'Alain, avec un caractère comme CM, tu es condamné à beaucoup plus de blanc. Au point où on en est, je te signale la suite de packages koma-script qui fait des calculs d'empagement selon Tschichold.

Pas certain que la taille des caractères soit la priorité, par contre le rectangle d'empagement si (à mon avis). Je trouve d'ailleurs le tien un peu bas dans la page (on dirait que tu as pris un format américain et que tu es passé au A4 en ajoutant du blanc en haut). 


--
Jacques André
Irisa/Inria-Rennes, Campus de Beaulieu, F-35042 Rennes Cedex, France
Tél. : +33 2 99 84 73 50, fax : +33 2 99 84 71 71, email : jandre@xxxxxxxx


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X-From_: typographie-owner@xxxxxxxx 
Wed Sep 16 21:14:45 1998 
To: typographie@xxxxxxxx
Subject: Re: [Re: Canon, feu noir, feu blanc] et papier ! 
From: Christophe Labouisse <labouiss@xxxxxxxxxxxxxxxx> 
Date: 16 Sep 1998 21:12:20 +0200
Lines: 23
Reply-To: typographie@xxxxxxxx
X-Loop: typographie@xxxxxxxx
X-Sequence: 2080

Jacques Andre <Jacques.Andre@xxxxxxxx> writes: 

>Évidemment ma question étant con, ta réponse aussi ! Donc, tu sais, ou pas ce que c'est que ces trucs ? La question sous-jacente étant "est-ce que ça vaut la peine d'expliquer ici ces machins ?"

Pour faire bref et court : oui.


Christophe Labouisse : Cinéma, typographie, Unix labouiss@xxxxxxxxxxxxxxxx http://gabuzo.home.ml.org/ Le cinéma en Lumière : http://www.lumiere.org/


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X-From_: typographie-owner@xxxxxxxx 
Wed Sep 16 21:18:50 1998 
Subject: Re: Canon, feu noir, feu blanc
Date: Wed, 16 Sep 1998 21:17:42 +0200
X-Sender: pcazaux@xxxxxxxxxxxxxxx
From: Patrick Cazaux <pcazaux@xxxxxxxxxxx> 
To: "TYPOGRAPHIE Distribution List" <typographie@xxxxxxxx> 
Reply-To: typographie@xxxxxxxx
X-Loop: typographie@xxxxxxxx
X-Sequence: 2081

Thierry Bouche disait le 16/09/98 15:00

>En outre, l'histoire de sauver des arbres est très largement une foutaise : il existe dans le monde des forêts spécifiquement cultivée dans ce but, ce ne sont pas les papivores qui déciment l'amazonie. 

C'es exact, il y a des forêts d'"élevage" dans lesquelles on assure une rotation des arbres par parcelles.En revanche, l'industrie papetière es très pollueuse de l'eau qu'elle salit par ses déchets. 

Patrick Cazaux
Cadratin
pcazaux@xxxxxxxxxxx


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X-From_: typographie-owner@xxxxxxxx Fri Sep 18 06:58:52 1998 
X-Sender: ahurtig@xxxxxxxxxx
Date: Fri, 18 Sep 1998 06:59:04 +0200
To: typographie@xxxxxxxx
From: Alain Hurtig <alain.hurtig@xxxxxx> 
Subject: Re: Canon, feu noir, feu blanc
Reply-To: typographie@xxxxxxxx
X-Loop: typographie@xxxxxxxx
X-Sequence: 2096

At 15:00 +0200 16/09/98, Thierry Bouche wrote: 
>» 2. Le A4 pose un problème spécifique, qui rend ce format détestable. Je ne » sais pas pourquoi, mais c'est impossible de lui trouver un bon empagement. 
>
>je pense que c'est un problème de taille (est-ce penser que d'énoncer des truismes ?).
>
Non ;-). Mais surtout, je ne crois pas que l'argument soit bon. On peut avoir un bel empagement sur de grandes surfaces. Certains catalogues d'exposition, par exemple, y parviennent fort bien. C'est donc le A4 qui pose, à mon sens, un problème spécifique. 

La question du « pourquoi » reste, pour moi, totalement énigmatique. 

Alain Hurtig	mailto:alain.hurtig@xxxxxx
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N'est-il pas curieux qu'un être aussi vaste que la baleine voie le monde à travers un oeil si petit et qu'elle entende le tonnerre avec une oreille plus menue que celle d'un lièvre ?
Herman Melville, _Moby Dick_.


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Mon Sep 21 02:35:39 1998 
X-Sender: orandier@xxxxxxxxxxxxxxxx
Date: Mon, 21 Sep 1998 02:17:33 +0200
To: typographie@xxxxxxxx
From: Olivier RANDIER <orandier@xxxxxxxxxxx> 
Subject: Re: Canon, feu noir, feu blanc
Reply-To: typographie@xxxxxxxx
X-Loop: typographie@xxxxxxxx
X-Sequence: 2114

>>Tiens, en parlant des tracés régulateurs, pourquoi n'y en a-t-il que pour les doubles pages ? Ne peut-on imaginer la même chose pour des affiches ? 
>>
>Je ne crois pas. Une affiche, et même une couverture, bref tout ce qui n'est pas, justement, double page, a une dynamique absolument différente, un équilibre des masses qui n'a rien à voir. On n'a que des cas d'espèces... Même la seule règle imaginable, c'est à dire une symétrie droite-gauche est régulièrement battue en brèche par les graphistes, qui ont bien raison de ne pas s'y tenir.
>
>C'est que l'affiche est faite pour le coup d'oeil, la perception immédiate, le poing dans le ventre (ou le cerveau !), le plaisir sans recul et sans limite. la page écrite (et illustrée, si nécessaire) porte plus de sens, réclame une tension autre, a une vie et une durée autre. Faut-il rappeler que l'encre sur le papier, c'est toujours « du feu noir sur du feu blanc », selon la citation apocryphe d'un pseudo-rabbin kabbaliste dont j'ai oublié le nom à force de le citer ? ;-).

Tous les documents monopages ne sont pas des affiches. Si tu prends ma Déclaration des droits de l'Homme, par exemple, on peut difficilement affirmer qu'elle est faite pour le coup d'oeil, non ? Quid de l'empagement, je répète ma question.

>>Les tracés régulateurs donnent
>>des résultats admirables, mais sont inutilisables dans le contexte actuel, où les coûts, et notamment celui du papier, sont un facteur déterminant. 
>>
>C'est une blague, ça ! Le coût du papier chute tendanciellement depuis des décennies, sa qualité ne cesse de s'améliorer, et son coût est un mauvais prétexte. Pour moi, c'est comme de prendre des stagiaires au lieu de vrais maquettistes-typographes, au prétexte d'une masse salariale qui devient prétendument trop lourde. Même processus, et mêmes résultats : baisse de qualité, livres illisibles, ventes qui s'effondrent. Qui a _vraiment_ envie de lire les livres qu'on nous montre ?

Même si je suis d'accord avec toi, je persiste : nos travaux sont souvent facturés à la page ; si on propose un empagement avec des grandes marges, le client a souvent l'impression qu'on tente de l'arnaquer. D'autre part, dans le type d'édition que je fais quotidiennement (beurk), le papier est souvent commandé avant l'éxé, et le nombre de pages défini avant de déterminer l'empagement (ce qui est crétin, évidemment). Impossible de proposer un empagement qui doublerait le nombre de pages. 

>Bien sûr, il n'est pas question de confondre édition de luxe et édition courante, « inédition rare », pour reprendre le mot de quelqu'un et livre de poche. De là à mépriser le lecteur au point de supprimer les marges, il y a un gouffre.
>
>>N'y aurait-il pas matière à étudier des tracés modérés, à chercher des proportions raisonnables, sans laisser des marges inacceptables par le client et par Jacques André ? ;)
>>
>Mais ils existent ! Ça s'appelle le Canon des imprimeurs, il y en a deux, un « luxueux » et l'autre _cheap_ [1], ils sont horribles tous les deux (enfin bon, ils ne sont pas très beaux), le premier est spécialement économe pour les marges, et plus personne ne l'applique. Même les petits et grands fonds sont maintenant de valeurs égales (elle-même égale au blanc de tête et au blanc de pied), les pages sont statiques, mornes, mortes, n'offrent aucun plaisir de lecture. Les textes sont massacrés. Et ceci sans aucune raison valable.

Ah oui, je les avais oubliés, ceux-là. J'ai une excuse : c'est très rare que je détermine moi-même l'empagement ; les D.A. des agences (re-beurk) s'en chargent (sic).
Bon, je vais étudier la question.


Olivier RANDIER -- Experluette		mailto:orandier@xxxxxxxxxxx 	http://village.cyberbrain.com/technopole/Experluette/index.html 
Experluette : typographie et technologie de composition. L'Hypercasse (projet de base de données typographique), l'Outil (ouvroir de typographie illustrative).


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Mon Sep 21 16:30:12 1998 
X-Sender: ahurtig@xxxxxxxxxx
Date: Mon, 21 Sep 1998 16:17:33 +0200
To: typographie@xxxxxxxx
From: Alain Hurtig <alain.hurtig@xxxxxx> 
Subject: Re: Canon, feu noir, feu blanc
Reply-To: typographie@xxxxxxxx
X-Loop: typographie@xxxxxxxx
X-Sequence: 2120

At 2:17 +0200 21/09/98, Olivier RANDIER wrote: 
>Tous les documents monopages ne sont pas des affiches. 
>
Alors disons tous les documents monopages ! ;-). Il ne peut pas y avoir de « tracé régulateeurs », parce qu'il n'y a rien, page après page, à réguler ! 

>Déclaration des droits de l'Homme, par exemple, on peut difficilement affirmer qu'elle est faite pour le coup d'oeil, non ? 
>
On peut parfaitement le dire ! Le coup d'oeil d'abord, l'appréhension immédiate, non-réflexive, puis l'entrée dans la page, dans la lecture (ce n'est pas un document de consultation, admets-le). 

>Quid de l'empagement,
>je répète ma question.
>
Je répète ma réponse : on se démerde, selon le document, le format, le public, le lieu d'exposition (de monstration, puisque « ça se montre » plus que « ça se donne à voir »).

[Prix du papier]
>Même si je suis d'accord avec toi, je persiste : nos travaux sont souvent facturés à la page ; si on propose un empagement avec des grandes marges, le client a souvent l'impression qu'on tente de l'arnaquer. 
>
C'est une habitude de publicitaires, une mauvaise habitude ! Ces gens ont parfois du mal à comprendre que dans un message, le véhicule a autant d'impact que le message lui-même. Quand à cette structure de coûts, elle est compréhensible parce qu'interviennent d'autres variables : transport, diffusion (frais postaux, par exemple) qui grèvent un budget. 

[Canon des imprimeurs]
>Ah oui, je les avais oubliés, ceux-là. J'ai une excuse : c'est très rare que je détermine moi-même l'empagement ; les D.A. des agences (re-beurk) s'en chargent (sic).
>Bon, je vais étudier la question.
>
Fait gaffe quand même : ça fonctionne à peu près pour du texte en placard, mais pas du tout pour du catalogue plein de tableaux et de dessins (quoi que ! - disons que dans ce cas, ça ne marche pas à tous les coups). 

Alain Hurtig	mailto:alain.hurtig@xxxxxx
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N'est-il pas curieux qu'un être aussi vaste que la baleine voie le monde à travers un oeil si petit et qu'elle entende le tonnerre avec une oreille plus menue que celle d'un lièvre ?
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X-From_: typographie-owner@xxxxxxxx Tue Sep 22 01:43:34 1998 
X-Sender: orandier@xxxxxxxxxxxxxxxx
Date: Tue, 22 Sep 1998 01:34:58 +0200
To: typographie@xxxxxxxx
From: Olivier RANDIER <orandier@xxxxxxxxxxx> 
Subject: Re: Canon, feu noir, feu blanc
Reply-To: typographie@xxxxxxxx
X-Loop: typographie@xxxxxxxx
X-Sequence: 2125

>At 2:17 +0200 21/09/98, Olivier RANDIER wrote: 
>>Tous les documents monopages ne sont pas des affiches. 
>>
>Alors disons tous les documents monopages ! ;-). Il ne peut pas y avoir de « tracé régulateeurs », parce qu'il n'y a rien, page après page, à réguler ! 
>
>>Déclaration des droits de l'Homme, par exemple, on peut difficilement affirmer qu'elle est faite pour le coup d'oeil, non ? 
>>
>On peut parfaitement le dire ! Le coup d'oeil d'abord, l'appréhension immédiate, non-réflexive, puis l'entrée dans la page, dans la lecture (ce n'est pas un document de consultation, admets-le). 

Non, je ne l'admet pas, ça devrait en être un. Et, même pour un document monopage, il doit bien y avoir un empagement "idéal", non ?
>[Canon des imprimeurs]
>>Ah oui, je les avais oubliés, ceux-là. J'ai une excuse : c'est très rare que je détermine moi-même l'empagement ; les D.A. des agences (re-beurk) s'en chargent (sic).
>>Bon, je vais étudier la question.
>>
>Fait gaffe quand même : ça fonctionne à peu près pour du texte en placard, mais pas du tout pour du catalogue plein de tableaux et de dessins (quoi que ! - disons que dans ce cas, ça ne marche pas à tous les coups). 

En fait, je pense que l'on pourrait souvent se rabattre sur le canon de Villard, mais avec une division en douze. Par contre, j'ai beau regarder ces schémas de construction dans tous les sens, j'arrive pas à comprendre comment ça marche, par où on commence. Tu me montreras, dis ? Il faudra qu'on leur dise de prévoir dans K2 le calcul automatique des empagement selon les divers canons, pour les handicapés de la règle à calcul... 

Olivier RANDIER -- Experluette		mailto:orandier@xxxxxxxxxxx 	http://village.cyberbrain.com/technopole/Experluette/index.html 
Experluette : typographie et technologie de composition. L'Hypercasse (projet de base de données typographique), l'Outil (ouvroir de typographie illustrative).


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X-From_: typographie-owner@xxxxxxxx 
Wed Oct 7 08:24:45 1998 
X-Sender: ahurtig@xxxxxxxxxx (Unverified) 
Date: Wed, 7 Oct 1998 08:25:22 +0200
To: typographie@xxxxxxxx
From: Alain Hurtig <alain.hurtig@xxxxxx> 
Subject: La lezarde qui fait tenir la page (etait : chemins qui ne menent 
nulle part...)
Reply-To: typographie@xxxxxxxx
X-Loop: typographie@xxxxxxxx
X-Sequence: 2255

At 14:56 +0200 6/10/98, carleduc wrote:
>-une question d'abord (je vois qu'A. Hurtig est aussi chez Hol, il 
>
Heu... C'est nettement hors-charte, ça ! Bon, je répondrais ce que je pense d'Hol (j'en pense du mal) en privé.

>Salvador Dali a dégoté
>(ou forcé à naître) une vénus de Milo dans un jeu de lézardes, 
>
Je n'avais pas pensé à ça, mais la référence est belle. Au passage, une astuce pour voir les lézardes dans une page : regarder le papier de travers (côté petit ou grand fond devant soi, à l'italienne) : elles vous explosent à la figure.

>Un très bon exemple (à l'exacte croisée de cette préoccupation et de la plus classique habitation des espaces blancs en poésie) est donné par le singulier choix de mise en forme du texte de la Thorah (du moins des cinq rouleaux) par Meschonnic (Gallimard). A voir. 
>
Ah ! Ça me va droit au coeur, cette idée. Non pas que j'apprécie spécialement le travail de Meschonic (je n'ai pas vu cette mise en forme des Cinq rouleaux), ni comme poète, ni comme traducteur, ni comme essayiste (je préfère Atlan dans le genre intello, ou bien Ouaknin dans le genre rabbin fou). Mais...

Mais c'est exactement ça : le blanc structure le noir (« Du feu noir et du feu blanc »), l'espace vide (espace de l'entreligne, de l'entre-colonnes, de l'entre-pages, de l'entre-textes, l'espace nu qu'offre le visage au regard d'autrui, etc.) est ouverture au sens. Le dispositif graphique classique des pages de la Thorah (le texte au centre, la glose tout autour, et autour la glose de la glose, et en bas la glose de la glose de la glose), ce dispositif est déjà, en lui-même, une herméneutique (c'est compliqué, la mise en pages, hein ? ;-)) 

Le cheminement offert à l'oeil est le lieu même où se déploie la pensée créatrice (de l'auteur, du lecteur), et qui révèle le texte : parfois, ce sont les lézardes qui font tenir la page. 

(Anecdote perso : j'ai chez moi la reproduction de quelques colophons hébraïques médiévaux. J'aime les colophons. Un jour, peut-être, mais j'en doute, je parviendrais à cette perfection.) 

Alain Hurtig	mailto:alain.hurtig@xxxxxx
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N'est-il pas curieux qu'un être aussi vaste que la baleine voie le monde à travers un oeil si petit et qu'elle entende le tonnerre avec une oreille plus menue que celle d'un lièvre ?
Herman Melville, _Moby Dick_.


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X-From_: typographie-owner@xxxxxxxx 
Wed Oct 7 11:30:19 1998 
Date: Wed, 7 Oct 1998 11:32:01 +0200 (MET DST) 
From: Thierry Bouche <Thierry.Bouche@xxxxxxxxxxxxxxx> 
To: typographie@xxxxxxxx
Subject: Re: Maldoror et lezardes/écrans et leu Bouc 
Reply-To: typographie@xxxxxxxx
X-Loop: typographie@xxxxxxxx
X-Sequence: 2263

Concernant « Re: Maldoror et lezardes », Jean-Pierre Lacroux écrit : « » En faisant tout soi-même,
» c'est évidemment plus facile...

Faut dire que tu n'as rien fait pour nous aider ! 

Concernant « La lezarde qui fait tenir la page (etait : chemins qui ne menent nulle part...) », Alain Hurtig écrit : « » (« Du feu noir et du feu blanc »)

n'est-ce pas précisément, sur écran que le noir peut prendre feu (« le noir est habité par la lumière » disait Ibn Al'Haràq, fasciné par l'eMondial) ?

» l'espace nu qu'offre le visage au regard d'autrui 

Tiens ? des cochonneries à la Levinas sur Typo ? On aura tout vu ! 

»	http://www.cnet.com/Content/Gadgets/Techno/Ebooks/ss02.html
>almost 80 percent of the participants
>said they would rather print out a book-length text using a file format like Adobe's Acrobat Reader, than read it from a handheld device. 

humm.

Thierry Bouche, Grenoble.


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Delivered-To: claranet-alain.hurtig@xxxxxxxxxxx 
From: "Jean Fontaine" <jfontain@xxxxxxxxxxx> 
To: <typographie@xxxxxxxx>
Subject: Lecture sur Ècran
Date: Sun, 6 Dec 1998 14:26:50 -0500
X-Priority: 3
Reply-To: typographie@xxxxxxxx
X-Loop: typographie@xxxxxxxx
X-Sequence: 3177
X-RCPT: alain.hurtig
Status: U

>(mais combien de polices effectivement adaptées à la lecture sur écran ont-elles été dessinées ?) 
>
>Alain Hurtig

À propos de lisibilité sur écran d'ordi, suis-je le seul à trouver que le contraste noir sur blanc (ou le feu noir sur feu feu blanc cher à A. H., si ma mémoire est bonne) est plus pénible pour les yeux sur écran que sur papier? L'expression « feu blanc » est particulièrement appropriée lorsqu'il s'agit de la luminescence du phosphore... J'en suis venu à adopter le gris comme couleur de fond : je lis mon courrier noir sur gris et je trouve cela moins agressant pour la rétine. (Je ne sais pas comment la chose s'interpréterait en termes de gris typographique...) 

Quant aux meilleures polices adaptées à l'écran, je laisse les spécialistes en débattre. La sujet a d'ailleurs déjà été abordé. Disons seulement que, étant sur PC, je lis actuellement mon courrier avec le Comic Sans MS proportionnel que je trouve finalement assez sympathique dans un corps moyen. Et sur fond gris... 

Jean Fontaine
jfontain@xxxxxxxxxxx
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