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Message : Re: [typo] Capitales accentuées (encore)

(Jacques Melot) - Mercredi 15 Octobre 2003
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Subject:    Re: [typo] Capitales accentuées (encore)
Date:    Wed, 15 Oct 2003 13:58:51 +0000
From:    Jacques Melot <jacques.melot@xxxxxxxxx>

 Le 14-10-03, à 15:19 +0200, nous recevions de Olivier Randier :

Pour ma part, je n'ai jamais contesté la validité des marches qui accentuent
les majuscules. Mais je nie, bien sûr, qu'elles soient seules valables. Et
je me demande quel crédit apporter à l'alexie subite dont les tenants de
l'accentuation se prétendent atteints, face à une phrase (ou un mpt !) en
tout-cap. non accentué... Ce qui, rappelons-le, n'a *rien à voir* avec la
question des *majuscules* en texte b.d.c.

Vous tentez de nous faire passer pour les tenants du dogme dans cette affaire.
Nous avons toujours dit, ici, qu'on ne pouvait s'appuyer sur une tradition ou un usage quelconque pour trancher dans un sens ou dans l'autre. Le dogme n'est pas de notre côté. Ce contre quoi nous nous élevons, c'est sur la tendance lourde, y compris dans l'Éducation nationale, à prétendre qu'« on ne doit pas accentuer les capitales ».




Je n'ai pas tout lu les messages auquel le présent fait suite, mais je n'ai pas l'impression que quelqu'un ait prétendu cela.



Nous disons simplement qu'il est tout-à-fait justifié de le faire, particulièrement dans les dictionnaires et dans les ouvrages de référence sur la langue (c'est ce qui est fait, d'ailleurs). Nous disons simplement que la marche panaccentuée est la plus cohérente et surtout qu'elle est la seule à assurer l'exactitude de la saisie.

Quant à la simplicité, en typo, elle n'est pas du côté de la simplicité
*logique*, mais bien de la simplicité *visuelle* du caractère, et du mot.
Distinction assez fondamentale, me semble-t-il, et au cœur du débat sur
l'utilité d'accentuer les majuscules.

Vous êtes le premier à clamer bien haut cette distinction entre majuscules
et capitales. Soit ; ça montre le sérieux de votre démarche typo. Mais
alors, il faut en tirer la conclusion qui s'impose : en opérant cette
distinction, vous vous interdisez par là même de tirer argument des
problèmes éventuels du tout-cap. pour justifier vos préconisations pour les
majuscules. Je me permets de reprendre un développement déjà tenu par
ailleurs (que ceux qui en auront déjà lu quelque chose me pardonnent...).
organismes en tous genres, des titres d'œuvres, etc.

Ce n'est pas aussi simple que ça, justement parce que cette distinction majuscule-capitale n'est pas évidente pour le grand public. Ceux qui ont appris qu'on ne doit pas accentuer les majuscules n'accentuent généralement pas non plus les capitales. Ça a des conséquences pratiques extrêmement lourdes.

Prenons un exemple : j'ai un index à la fin d'un livre, saisie par une secrétaire formée à la marche non accentuée (ou simplement ne sachant pas régler Mot?).
Celle-ci saisit en tout caps (grrr !), parce que la copie est comme ça :

ELEPHANT
ELUARD

Pour des raisons d'encombrement ou d'esthétiques, je dois passer l'index en caps et bas de casse. J'obtiens :

Elephant
Eluard

Mettons que la secrétaire ait été formée à la marche accentuée pour les capitales seulement. Cette fois, elle saisit en caps et bas de casse :

Eléphant
Eluard

Pour les raisons citées précédemment, je dois cette fois passer en tout caps (contre mon gré, mais bon, le client est roi). J'obtiens :

ELÉPHANT
ELUARD

Ne venez pas me dire que ces exemples sont tirés par les cheveux.



Ils ont malgré tout un caractère ad hoc, cela dit alors que je suis passé par les mêmes affres (comme beaucoup ici, je suppose). Pour l'explication, voir plus loin.



C'est du vécu. Quand on reçoit dix colonnes de noms propres et d'adresses saisies de cette façon, et qu'on doit tout corriger à la main, en vérifiant chaque orthographe (ah ! les joies de les/lès dans les noms toponymiques) -- si encore on le peut (s'il s'agit de la liste des participants à un congrès, je fais quoi, je téléphone à chacun pour qu'il me donne l'orthographe de son nom ?) --, ça agace un poil. Vous me direz que la secrétaire n'a pas à saisir en tout caps, et je suis d'accord. Reste que c'est une réalité.



Et pour cela, pour ce confort, tu irais jusqu'à modifier ou aménager une règle typographique ? Cela me rappelle les Islandais qui, lorsqu'une grève dure et contrarie les intérêts économiques de ceux qui les ont mis en place au parlement, votent une loi pour la rendre illégale. Il y a quelques années, on a ainsi rendu illégale la grève des hôtesses de l'air qui protestaient contre la suppression de leurs subventions pour acheter des bas.



La secrétaire peut d'ailleurs aussi bien être un auteur.
Notre position est de dire qu'il n'y a pas de raison de continuer à répandre le dogme selon lequel « on ne doit pas accentuer les capitales » (et ne venez pas me dire qu'ici je confonds majuscule et capitale, je l'ai entendu tel quel de la bouche de ma prof de dessin au lycée). Nous disons aussi qu'au niveau de la saisie, seule la marche panaccentuée permet une composition efficace. Les autres pratiques font perdre un temps considérable.



Rien de convaincant dans tout cela. Lorsqu'on envoie un texte pour qu'il soit traité en vue de son édition, c'est une chose, lorsqu'on l'édite pour un public donné, c'en est une autre. Nous n'avons aucun mal à admettre que, dans ton exemple, il est techniquement souhaitable que le texte arrive accentué ou que la personne chargée de la saisie du texte le fasse au mieux, pour pouvoir être préparé correctement pour l'impression. Pour le reste, il arrive dans une police donnée qui, peut-être, a été choisie à dessein pour un meilleur traitement ( pour faciliter une reconnaissance automatique des caractères intervenant dans une étape de la chaîne de production, par exemple), mais est fourni au public dans une autre police une fois travaillé. Eh bien, là aussi, peut intervenir une modification qui consiste tantôt à supprimer les accents (fiction littéraire, si telle est la marche de l'éditeur, également publicité dans la plupart des cas, une bonne partie des magazines, etc.), tantôt à les y mettre (dictionnaire, publication didactique). Faciliter le travail de l'édition n'est en rien un critère valable pour promulguer une règle typographique ou la modifier ! Cf. ce que disait Luc Bentz, il y a encore peu, dans le présent forum :

[Luc Bentz :]
[...] Lacroux, rappelant sans relâche que les règles n'étaient pas faite pour assurer le confort de ceux qui, à un titre ou à un autre (de l'écriture première à la composition et à la révision du texte) intervenaient dans le processus éditorial [...].

Donc, quand tu reçois « dix colonnes de noms propres et d'adresses saisies de cette façon, et qu'on doit tout corriger à la main, en vérifiant chaque orthographe (ah ! les joies de les/lès dans les noms toponymiques) », tu renvoies à l'expéditeur ou, mieux, tu prévois et donne toute indication nécessaire à l'avance. Je te réponds ici en connaissance de cause : je sais la surcharge intolérable de travail que cela peut représenter.



La marche panaccentuée ne présente aucun inconvénient pratique. Elle est simple, à la portée de tous, beaucoup plus que de dire « on accentue les capitales, mais pas les majuscules », et elle permet de transmettre toutes les subtilités de la langue. C'est pourquoi elle nous paraît la plus à même de combattre les dogmes erronés qui nous pourrissent l'existence. Quant à l'argument selon lequel ça gène le lecteur, ça ne touche qu'un faible pourcentage et, de plus, le même lecteur n'est pas géné, que je sache, de lire des majuscules accentuées dans un dictionnaire (où c'est, D... merci, systématique). L'argument esthétique est subjectif, nous sommes beaucoup, ici, à trouver les accents sur les capitales élégants, même si, comme JiPé, je regrette le manque de fontes avec accents « surbaissés » sur les capitales. Nous ne contestons pas la validité des marches à majuscules inaccentuées, nous disons que nous préférons la marche panaccentuée et qu'il est préférable de promouvoir celle-ci, qui est facile à expliquer,



Et comment promouvoir l'accentuation dans des romans ? Avec, pendant quelques quelques années, une note de l'éditeur militante de l'éditeur au début de l'ouvrage ? Une note marginale à la première occurrence ?



plutôt que de capituler devant la prolifération des textes incomplètement accentués, que ce soit en caps ou en bdc, ce qui est une réalité croissante.



L'accentuation incohérente est condamnable au même titre et au même degré que tout autre incohérence.



Les textes circulent aujourd'hui sous forme informatique, sont repris et remis en forme maintes fois. Lorsqu'ils sont incorrectement saisis, ils finissent, à un moment ou à un autre, par engendrer des erreurs du type Elephant/ELÉPHANT (voire elephant/eléphant). Ce dogme non-accentueur a aussi des conséquences sur les logiciels que nous utilisons. Je crois que Mot?



   ... [qui ne dit Mot, consent... ?]



n'accentue toujours pas les capitales par défaut, nos logiciels de composition n'offrent pas la possibilité de distinguer les capitales accentuées des majuscules qui ne le seraient pas. La réalité fait donc que nous devons choisir entre marche panaccentuée et marche totalement non accentuée. Mon choix est fait.

Quant au problème des accents dans les sigles, qui était le point de départ du fil, je crois, je suis tout-à-fait d'accord qu'il n'y a pas lieu de le faire, mais ça n'a rien à voir avec le fait de ne pas accentuer les majuscules. Simplement, le _vulgum pecus_ ne faisant pas la distinction entre sigle et acronyme (d'autant plus que la typographie tend à oublier la différence), il serait compliqué de lui faire comprendre qu'on accentue les sigles mais pas les acronymes -- où l'accentuation de l'initiale du mot abrégé peut rentrer en conflit avec l'accentuation naturelle de l'acronyme.



Je suis d'accord avec ceci, comme l'est également la quasi totalité des participants je pense.

   Jacques Melot



--
Olivier Randier