Les 58 volumes de l'Encyclopédie d'Yverdon, sur un seul DVD-Rom

["Patrick Andries" <hapax@xxxxxxxxxxx>]

Les 58 volumes de l'Encyclopédie d'Yverdon, sur un seul DVD-Rom


L'informatique aurait certainement séduit les encyclopédistes. Elle permet
aujourd'hui d'accéder à un monument de l'esprit des Lumières, né en Suisse à
la fin du XVIIIe siècle.


Isabelle Rüf
Jeudi 20 novembre 2003

Les encyclopédistes auraient adoré l'informatique, eux qui rêvaient de
rassembler sous le même toit toutes les connaissances et de les croiser
entre elles. Elle se met aujourd'hui au service de leur projet avec la
sortie en DVD-Rom de l'Encyclopédie ou Dictionnaire universel raisonné des
connaissances humaines, dite «Encyclopédie d'Yverdon».

Cet ouvrage, dont nous avons reproduit huit planches dans le Samedi culturel
pendant l'été, est un grand témoin du mouvement des idées qui parcourt
l'Europe à la fin du XVIIIe siècle (Lire le SC du 5.07.03). L'ouvrage de
Fortunato-Bartolomeo de Felice, est un monument: 58 volumes de notices et de
planches, plus de 37 000 pages qui offrent 75 000 articles, publiés à partir
de 1770. Voltaire la préférait à la française. Le professeur Claude Blum,
qui a dirigé l'édition en DVD-Rom, la juge «remarquable, vraiment
européenne, inventive»: bref, il a suspendu provisoirement son travail sur
l'ouvrage de Diderot pour se consacrer à celui du savant italien.

Longtemps occultée par le succès de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert,
sa rivale est beaucoup plus qu'une refonte. F.-B. de Felice, chassé
d'Italie, converti au protestantisme, s'établit à Yverdon, en 1762. Erudit,
pédagogue et grand diffuseur de connaissances, il se définissait comme
«contrefaiseur de livres». A l'époque, c'était un marché florissant en
raison du flou qui régnait dans le domaine des droits. Mais l'Encyclopédie
d'Yverdon, si elle reprend des articles de celle de Diderot, les améliore
souvent et en introduit beaucoup d'autres. F.-B. de Felice fait appel à des
savants protestants. C'est une des clefs de son succès en Europe du Nord.
Puis, trop encombrant, peu maniable, l'ouvrage est oublié.

Dans les années 1980, les études sur l'encyclopédisme se développent. Une
universitaire américaine réalise l'inventaire des 75 000 articles. En 1998,
le groupe de travail qui œuvre depuis 1992 sur l'Encyclopédie d'Yverdon
grâce à des subsides du Fonds national de la recherche scientifique se joint
à la famille du savant pour créer la Fondation de Felice dont le siège est à
Yverdon. Elle a pour but de «susciter et maintenir l'intérêt public».

Mais comment? Les 58 volumes sont difficiles à trouver, lourds à consulter.
Une réédition en fac-similé sur papier? Trop cher, trop lourd! Le support
informatique s'impose. Le système de renvois est justement un des atouts de
l'Encyclopédie d'Yverdon. Ce n'est pas Claude Blum qui dira le contraire.
Professeur à la Sorbonne, spécialiste de la Renaissance, il est également un
pionnier dans le domaine de l'édition électronique, rompu à la gymnastique
intellectuelle que demande la prise en compte de toutes les conséquences de
la moindre mesure. «Nous sommes à un tournant de l'édition aussi important
que le passage du manuscrit à l'imprimé, constate Claude Blum avec
enthousiasme. La lecture transversale que permet l'informatique correspond
au rêve des humanistes depuis Aristote.» La Fondation de Felice souhaitant
sortir l'Encyclopédie d'Yverdon pour le bicentenaire du canton de Vaud, le
savant a consacré dix-huit mois à ce travail à raison de six à huit heures
par jour, aidé par une équipe de dactylographes. Aucune faute ne pouvait
être tolérée dans les 260 millions de signes.

Pour reproduire la typographie originale, il a fallu créer de nouvelles
polices. Il est ainsi possible par un simple clic, de consulter la version
ancienne ou d'afficher les caractères modernes. L'orthographe d'origine a
été respectée, avec toutes ses variantes et ses erreurs, mais il a fallu en
tenir compte. Avec ses trois volumes de planches reproduites à l'identique
sur papier par les Editions Slatkine, c'est un beau cadeau pour «l'honnête
homme» du XXIe siècle.

«Encyclopédie ou Dictionnaire universel raisonné des connaissances
humaines».

Edité en collaboration avec la Fondation de Felice. 3 vol. de 1261 planches,
2800 p. avec le DVD-Rom, sous coffret. Editions Honoré Champion et Slatkine.





Facile à consulter et d'une sobriété exemplaire

Les concepteurs se sont refusés à intégrer des gadgets multimédias.
Anouch Seydtaghia

Rendre disponible 75 000 articles, répartis dans 58 volumes, sur un DVD, le
tout de façon digeste? Le pari était de taille. Mais après déjà quelques
minutes passées à parcourir, force est de constater que le pari est tenu.
D'une sobriété exemplaire, le DVD permet à l'utilisateur de PC de 2003 de
plonger immédiatement et avec délice dans les connaissances rassemblées il y
a plus de deux cents ans.

Inutile, dans un premier temps, d'ingurgiter le contenu du manuel
d'utilisation: la consultation de sa trentaine de pages risquerait de porter
à confusion, tant l'utilisation du DVD paraît alors compliquée. Il n'en est
pourtant rien. Le DVD frappe immédiatement par son extrême dépouillement.
Ses concepteurs se sont refusés à employer la vaste palette de gadgets
multimédias à leur disposition, pour le bonheur de l'utilisateur. Un premier
menu offre quatre possibilités: découvrir la fantastique aventure de la
version papier et de ses auteurs, consulter l'un des 75 000 articles classés
par ordre alphabétique, étudier un tome en particulier, ou procéder à une
recherche étendue. Il est possible de cliquer à tout moment sur l'un des
mots d'une définition pour consulter soit sa propre explication, soit
l'ensemble de ses occurrences présentes dans l'encyclopédie. Sans parler du
moteur de recherche, extrêmement complet, qui permet de trouver un article
par mot-clé, par auteur, etc. Les planches sont accessibles soit directement
dans leur propre table des matières, soit via l'utilisation d'un mot-clé. Il
est bien sûr possible, à tout moment, d'imprimer un texte ou une
illustration, d'ajouter une note ou un signet.

Le DVD, vendu avec trois volumes de planches, coûte 280 francs suisses.


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