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Message : Re: [typo] Chèque-déjeûner

(Thierry Bouche) - Jeudi 10 Novembre 2005
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Subject:    Re: [typo] Chèque-déjeûner
Date:    Thu, 10 Nov 2005 12:00:09 +0100
From:    Thierry Bouche <thierry.bouche@xxxxxxxxxxxxxxx>


P> P.-S. : personne pour mon message sur l'usage de l'italique dans un 
P> texte en romain ?

internet presse-bouton, hein ?

j'ai commencé quelques recherches dans ma bibliothèque hier, mais je
n'ai pas trouvé l'info pour l'instant. Peut-être voir du côté de Mandel.

Ce qui est bien connu, c'est l'« invention » de l'italique par Alde
Manuce (gravé par Griffo) juste à temps pour que ça figure dans des
incunables. À l'époque, c'est considéré comme un caractère alternatif à
part entière, et ça ne concerne que le bas de casse. Il me semble que
l'invention de capitales italiques (capitales cursives et inclinées,
c'est-à-dire plutôt les « swash » que les capitales de nos polices
italiques) date de Granjon, et que ce sont les imprimeurs français qui
ont pris l'habitude de faire se côtoyer italique et romain sur une même
page, mais pas dans un même fil de texte, au cours de la première moitié
du XVIIe siècle. L'idée d'utiliser une variante de la police principale
pour distinguer un ou plusieurs mots dans un flot de texte (petites
capitales ou italique, le gras viendra bien plus tard) doit venir assez
vite après, peut-être avant tout pour les citations. Je pense que cette
étape est tellement évidente qu'elle n'a pas du prendre beaucoup de
temps à venir. La véritable innovation, qui est peut-être l'une des
premières conséquences intrinsèques du passage du manuscrit à l'imprimé
sur la forme des textes, est bien celle de piocher dans une autre casse
les types avec lesquels on compose un poème cité, p. ex. Quand on l'a
fait pour un texte en exergue, il est assez inévitable de le faire aussi
au fil du texte pour une citation plus courte.

Un dernier mot sur le vocabulaire : je ne pense pas qu'on utilise
l'italique pour accentuer (ou « mettre en valeur », expression que l'on
voit souvent à ce propos et dont je me demande toujours ce qu'elle
signifie). Le seul rôle de ces enrichissements typographiques est de
distinguer.

La question que je me pose, c'est si cette notion d'enrichissement
typographique est une invention de la typographie. Est-ce que l'on
souligne les mots latins d'un manuscrit de nos jours par contamination
inverse de la typographie ou est-ce qu'il existait une pratique
manuscrite équivalente du temps des moines copistes ? (j'ai eu entre les
mains un superbe livre d'heures dont certains mots étaient en bleu, or
ou rouge, je crois que l'or était pour le nom de dieu ; il me semble
aussi que la pratique germanique qui consiste à « souligner » un terme
en fracture en espaçant les lettres n'a aucune raison d'avoir attendu
l'imprimerie, contrairement à la notion de changement de police, qui est
pourtant déjà envisageable en calligraphie pure.)



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Cordialement,
 Thierry