Archive Liste Typographie
Message : Re: [typo] Chèque-déjeûner

(Patrick BLANCHENAY) - Jeudi 10 Novembre 2005
Navigation par date [ Précédent    Index    Suivant ]
Navigation par sujet [ Précédent    Index    Suivant ]

Subject:    Re: [typo] Chèque-déjeûner
Date:    Thu, 10 Nov 2005 12:53:36 +0100
From:    Patrick BLANCHENAY <blanchenay.EXT@xxxxxxxxxxxxxxx>

Thierry Bouche a écrit :

P> P.-S. : personne pour mon message sur l'usage de l'italique dans un P> texte en romain ?

internet presse-bouton, hein ?
Je me suis montré impatient, mais il faut y lire la curiosité d'un complet novice... Veuillez m'excuser.

j'ai commencé quelques recherches dans ma bibliothèque hier, mais je
n'ai pas trouvé l'info pour l'instant. Peut-être voir du côté de Mandel.

Ce qui est bien connu, c'est l'« invention » de l'italique par Alde
Manuce (gravé par Griffo) juste à temps pour que ça figure dans des
incunables. À l'époque, c'est considéré comme un caractère alternatif à
part entière, et ça ne concerne que le bas de casse. Il me semble que
l'invention de capitales italiques (capitales cursives et inclinées,
c'est-à-dire plutôt les « swash » que les capitales de nos polices
italiques) date de Granjon, et que ce sont les imprimeurs français qui
ont pris l'habitude de faire se côtoyer italique et romain sur une même
page, mais pas dans un même fil de texte, au cours de la première moitié
du XVIIe siècle. L'idée d'utiliser une variante de la police principale
pour distinguer un ou plusieurs mots dans un flot de texte (petites
capitales ou italique, le gras viendra bien plus tard) doit venir assez
vite après, peut-être avant tout pour les citations. Je pense que cette
étape est tellement évidente qu'elle n'a pas du prendre beaucoup de
temps à venir. [...]

La question que je me pose, c'est si cette notion d'enrichissement
typographique est une invention de la typographie. Est-ce que l'on
souligne les mots latins d'un manuscrit de nos jours par contamination
inverse de la typographie ou est-ce qu'il existait une pratique
manuscrite équivalente du temps des moines copistes ? (j'ai eu entre les
mains un superbe livre d'heures dont certains mots étaient en bleu, or
ou rouge, je crois que l'or était pour le nom de dieu ; il me semble
aussi que la pratique germanique qui consiste à « souligner » un terme
en fracture en espaçant les lettres n'a aucune raison d'avoir attendu
l'imprimerie, contrairement à la notion de changement de police, qui est
pourtant déjà envisageable en calligraphie pure.)

Votre réponse est très éclairante, merci. J'avais déjà vu des exemples d'utilisation de "blocs" de texte en romain et en italique. Si je comprends bien, vous suggérez que l'utilisation de l'italique pour des mots n'a pas tardé à suivre.

La véritable innovation, qui est peut-être l'une des
premières conséquences intrinsèques du passage du manuscrit à l'imprimé
sur la forme des textes, est bien celle de piocher dans une autre casse
les types avec lesquels on compose un poème cité, p. ex. Quand on l'a
fait pour un texte en exergue, il est assez inévitable de le faire aussi
au fil du texte pour une citation plus courte.
Pourtant, on ne peut pas dire que cette innovation résulte de plus grandes possibilités permises par l'imprimerie. On aurait pu imaginer utiliser pour des textes manuscrits un dessin de lettre différent pour telle ou telle utilisation. C'est ce à quoi vous semblez faire référence quand vous parlez de la pratique germanique de l'interlettrage ; on peut considérer cela comme une utlisation équivalente à l'italique en imprimerie.

En bref, j'y connais pas grand-chose, mais chsuis d'accord !

Patrick