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Message : Re: [typo] Garamond

(Pierre Walusinski) - Lundi 06 Février 2006
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Subject:    Re: [typo] Garamond
Date:    Mon, 6 Feb 2006 12:23:45 +0100
From:    Pierre Walusinski <pierre@xxxxxxxxxxxxxx>

Je constate humblement que Monsieur Gabor dit deux ou trois bétises...

D'abord que les graveurs de poinçons dessinent _à la main_ le tracé de leur signe et que le pantographe a plutôt servi lors de l'avénement des technologies Lynotype et Monotype à graver des poinçons à partir de chablons... J'imagine assez mal Claude avec un panto...

Les dessins de plus en plus précis des caractères, des humanes aux réales, est "simplement" dû aux progrès qu'on fait les graveurs. Cette maîtrise technique a été poussé à l'extrème avec les Didots dont les empattements filiformes, excessivement fragiles, sont presque des formes de découpe... Néanmoins, les graveurs de poinçons du XXe siècle ont encore progressé puisqu'il est de la mission du Cabinet des poinçons de l'IN (et de sa dernière graveur) de reproduire _parfaitement à l'identique_ des poinçons anciens, c'est à dire, au besoin, reproduire volontairement des accidents de gravure...

(c'était la minute pub aux graveurs de poinçons qui sont nombreux à nous lire ;) )


Par ailleurs la référence de Gabor aux poinçons originaux conservés à la nationale...

Il est important de noter que le _Romain de l'Université_ du Cabinet des poinçons a été acheté à Jean Jannon, imprimeur et graveur. C'est Sébastien Cramoisy, premier directeur de l'Imprimerie royale( ouverture de l'IR en 1640), qui en 1641 a acheté trois corps de matrices à Jannon (corps 18, 24 & 36). Cramoisy pensait acheter du "vrai" Garamond, alors qu'il s'agissait bel et bien d'un Janon, gravé semble-t-il en 1610-15. Même à l'époque voyez-vous il y avait des contre-façons... L'identification a été faite par l'historienne Béatrice Warde en 1926 (dans un article publié sous le pseudo de Paul Baujon).

Le Garamont de l'Imprimerie nationale (avec un _t_) a été complété de douze corps, romain et italique ; les poinçoins des corps de matrices originales regravés ; l'ensemble sous la conduite de Hénaffe, graveur, et théoriquement terminés en 1904. A ma connaissance, le coprs 36 romain n'est pas achevé (?).

Les poinçons originaux de Claude Garamond, gravé aux alentours de 1540 ou peu avant, et sûrement commencé avec le concours (à moins que ce ne soit à l'initiative ?) de son maitre Antoine Augereau, sont conservés et visibles au musée Plantin-Moretus à Anvers.


La difficulté dans l'histoire des Garamond postérieurs, est de savoir s'ils s'inspirent de celui de Garamond ou de celui de Jannon. Les deux dessins sont relativement différents. La plus grosse caractéristique de celui de l'IN est d'être très "fin" par rapport au Garamond, qu'on dirait aujourd'hui presque semi-bold...Le Stempel par exemple s'inspire directement du Garamond au travers du spécimen Egenolff-Berner, tandis que le Deberny Peignot, si je ne m'abuse est plus proche du Jannon...

Enfin tout ça pour dire que...
Bref.

Bonne journée.

Pierre Walusinski