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Message : Re: [typo] mesure du corps d'un caractère

(Jacques André) - Dimanche 01 Octobre 2006
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Subject:    Re: [typo] mesure du corps d'un caractère
Date:    Sun, 1 Oct 2006 15:21:41 +0200
From:    Jacques André <jacques.andre35@xxxxxxxxx>


Le 30 sept. 06, à 21:53, Rémi Jimenes a écrit :

Bonjour à tous,
Bonjour à toi (on s'est rencontrés à Saran lors de l'inauguration de l'Atelier Monotype).


Je dois réaliser un catalogue des ouvrages imprimés par Charlotte Guillard (14??; 1557), une bibliographie matérielle. Il me faut donc décrire chacun des ouvrages imprimés par cette honorable dame. Et je dois, pour chaque édition, préciser le type des caractères utilisés (Romain, Italique, grec, hébreu, etc.) et le corps. Ma question peut vous sembler bien naïve, j'imagine, mais je débute et je n'ai pas encore le compas dans l'oeil: je n'arrive pas à déterminer à vue d'oeil le corps d'un caractère. Aussi dois-je le mesurer. Je souhaiterais donc savoir comment procéder:

1) Existe-t-il une méthode particulièrement rapide pour mesurer le corps d'un caractère?
Aujourd'hui on utilise un typomètre en plastique transparent qu'on pose sur une page (sur plusieurs lignes de texte de même corps) et il suffit d'y lire le corps imprimé. C'est basé sur le principe du "prototype" de Fournier (Manuel 1764, planche.VIII) qui mesurait la force des caractères en plomb : mesurer non pas le corps d'un seul caractère mais celui d'une dizaines de caractères pour diminuer les risques d'erreur de mesure. Fournier mesurait lui le vrai corps*, c'est-à-dire la "hauteur" du bloc de métal sur lequel est fondu l'oeil de disons la lettre. Les typomètre d'aujourd'hui mesurent en fait la distance entre deux lignes de base. Ce qui laisse notamment supposer que le compositeur n'a pas ajouté des interlignes supplémentaires. Ceci dit, cette méthode du typomètre de mesure entre lignes de base est rapide pour le texte courant et peut facilement s'adapter, avec un simple papier calque, à des incunables ou aux textes de ton honorable charlotte (mais ça ne marche donc pas bien pour les titres en gros corps, etc.) La bibliothèque du Centre d'Études de la Renaissance de Tours que tu fréquentes a sûrement l'ouvrage suivant : Peter Burnhill, Type spaces -- in-house norms in the typography of Aldus Manutius, Hyhphen-Press, Londres 2003. (sinon, il faut qu'elle l'acquiert!). Tu verras comment cet auteur a mesuré non seulement la force des corps dans les bouquins d'Alde, mais aussi réussi à faire des mesures des espaces utilisées...

2) Quel est le point de référence: le Didot (0,3759mm)? le point Imprimerie nationale (0,398)? le pica (0,351)?

J'ai sous les yeux un typomètres en pica et un en didot... J'en ai vu un en Fournier récement! Mais, toute la difficulté est là... au XVIe siècle, aucun de ces points n'existait et on utilisait les dénominations classiques telles que cicero, gros romain, trimegiste ou parisienne. On trouve un peu partout des tables d'équivalence entre ces dénominations, les points courants (en pica ou didot) et même en mm. Mais il faut manier celà avec le plus grand esprit critique car les forces des corps ont suivi beaucoup de variations tant dans leurs mesures (d'où d'ailleurs l'intérêt de normaliser le point) que même dans leurs noms. L'article le plus sérieux sur le sujet des noms/points est sûrement celui de James Mosley (Typography papers, Reading University, 199). Sur l'histoire des valeurs des points, la meilleure synthèse actuelle est celle d'André Boag, dans ces mêmes Typography papers, vol. 1, 1996, p.105-121. Mais bientôt paraîtra le denier tome du Dictiionnaire encyclopédique du livre (DEL) avec un article sur le point signé Christian Laucou-Solignac qui intervient ici assez souvent !

À mon avis donc, il faut donner les noms des corps et non leurs "points actuels" ce qui n'aurait que peu de sens, quitte à donner qq part une équivalence probable en mm ou en didot. En revanche si on peut dire avec certitude quelle a été lla fonderie qui a fourni les caractères...

Comme je te l'ai dit à Saran je crois, un chose très peu étudiée c'est l'inventaire des caractères utilisés : quelles ligatures ? quels accents (plus tard il est vrai), mais aussi tous les caractères de casseau, etc.






En espérant ne pas vous choquer par mon ignorance, merci de votre aide!

* J'espère que ton ignorance ne vas pas jusqu'à confondre la mesure du corps d'un caractère avec la mesure de l'oeil d'un caractère (c.-à-d. la mesure de sa trace imprimée) ; on voit tellement souvent écrites des choses erronées comme "le corps d'un caractère c'est la distance entre le haut des hampes et le bas des descendantes" ... Je me permet de te donner l'url d'un article d'introduction à ces mesures ; je l''ai écrit il y a une quinzaine d'années quand la typographie en PAO démarrait seulement mais il y a peu à corriger... : http://www.gutenberg.eu.org/pub/GUTenberg/publicationsPDF/4-andre.pdf

Bon travail



[ps: doit-on mettre un point après notre nom dans une signature?]

Doit-on ? non... Mais dans une signature manuscrite on peut faire ce qu'on veut !


Jacques André