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Message : Re: [typo] écriture exclusive

(Thomas Savary) - Dimanche 20 Septembre 2020
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Subject:    Re: [typo] écriture exclusive
Date:    Sun, 20 Sep 2020 14:01:49 +0200
From:    Thomas Savary <thomas.savary@xxxxxxxxxxxxxxxx>

Bonjour,

> Réinventer le neutre ? Vous voulez dire le neutre comme en latin ?
Ce que la plupart des tenants de l’écriture inclusive semblent ignorer, 
c’est que le genre grammatical n’a à peu près rien à voir avec le sexe ; 
qu’en français le masculin a « absorbé » le neutre latin et qu’il 
constitue le genre non marqué, bref que le genre masculin (grammatical) 
EST le genre inclusif de notre langue. Si j’ai bonne mémoire (mes cours 
de linguistique et lectures sur le sujet sont loin), le genre féminin 
dérive quant à lui dérive d’un genre du proto-indo-européen servant à 
désigner les noms abstraits ou collectifs, dont le suffixe a finalement été 
absorbé, en latin, par le pluriel du genre neutre — sans rapport, donc, 
à l’origine avec le sexe.

Il serait absurde de nier que par le passé certains aient voulu 
sottement sexualiser la langue, à commencer par quelques hommes brillant 
par leur misogynie. Mais est-ce une raison pour se comporter aussi 
bêtement en miroir ? Le plus sage ne serait-il pas d’évacuer le sexe de 
la grammaire, dans la mesure où il n’a rien à y faire ?

Oui, on peut par exemple déplorer que le mot « homme » (du latin 
« homo », l’être humain) désigne tantôt l’être humain, tantôt 
spécifiquement l’être humain de sexe masculin (« vir » en latin), mais 
les femmes n’en font pas moins partie des hommes. L’allemand dispose 
quant à lui des mots « Mensch » (être humain, personne) et « Mann » 
(homme de sexe masculin). Du reste, dans cette langue, c’est le féminin 
qui est le genre grammatical non marqué. Les sociétés allemande ou 
autrichienne sont-elles pour autant plus progressives et « inclusives » 
que les sociétés francophones ?

Je n’ai pas encore lu l’article de Marianne. Peut-être y recourt-on à 
l’argument de l’épouvantail, mais les plus forts en la matière me 
semblent celui de tenants de l’écriture pseudo-inclusive, « Le masculin 
l’emporte sur le féminin » : pour ma part, né en 1973, je n’ai jamais 
entendu cette formulation que dans la bouche de ceux qui la pourfendent, 
alors que j’ai été scolarisé dans un établissement catholique très 
conservateur qui aurait été le lieu tout attendu pour ce genre de 
formulation sexiste. Si quelqu’un·e (tant qu’à faire…) a jamais entendu 
une telle phrase de la bouche de ses enseignants, je serais curieux de 
lire son témoignage et de connaître son âge.

Quitte à vouloir psychologiser la langue, on pourrait le faire d’une 
autre manière : en français, le masculin est le genre non marqué ; en 
tant que genre marqué, c’est évidemment une marque d’honneur que reçoit 
le genre féminin, qui est bien le genre noble par excellence, par 
opposition au vil genre masculin indifférencié. Mais bien sûr ce serait 
tout aussi peu pertinent que le ressentiment sexiste qui me paraît 
animer de nombreux tenants de l’écriture pseudo-inclusive, qui 
instrumentalisent la langue française en transposant une lutte sociale 
légitime sur un terrain où ils paraissent ne pas comprendre grand-chose.

Cordialement,

Thomas Savary
1 le Grand-Plessis
F-85340 L’Île-d’Olonne
Tél. 06 22 82 61 34
https://correctionpro.fr/
https://compo85.fr/
Le dimanche 20 septembre 2020, 11:48:24 CEST Thomas Linard a écrit :
> Bonjour Flora,
> 
> Réinventer le neutre ? Vous voulez dire le neutre comme en latin ?
> Mais celui-ci était un genre distinct, il avait ses règles d’accord
> et de flexions propres, et de toute façon il n’a jamais servi pour
> désigner les êtres humains. Personne de sérieux ne propose cela,
> vraiment, je pense qu’il est important de ne pas reproduire la
> démarche de cette tribune, qui impute des positions ridicules à ses
> adversaires (mais c’est l’habitude sur le blog de ces principaux
> rédacteurs,
> https://perditions-ideologiques.com/
> <https://perditions-ideologiques.com/>), et de lire ou d’écouter
> vraiment ce que les adversaires en question ont à dire.
> 
> J’ai conseillé Éliane Viennot, parce qu’elle est facilement accessible
> (et l’émission de France Culture était très bien), mais si la
> question de l’accessibilité des abréviations vous préoccupe, une
> bonne synthèse est là :
> https://legothequeabf.wordpress.com/2017/11/07/recommandations-pour-un
> e-ecriture-inclusive-et-accessible/
> <https://legothequeabf.wordpress.com/2017/11/07/recommandations-pour-> une-ecriture-inclusive-et-accessible/>.
> 
> Cordialement,
> Thomas Linard
> 
> Le 20/09/2020 à 03:33, Flora Vern a écrit :
> > Bonsoir Thomas,
> > 
> > Je ne suis pas opposée, en soi, à une écriture qui réinvente le
> > neutre, mais j'ai toujours dit aux nombreux partisans de l'écriture
> > inclusive que je côtoie que je trouvais le point médian (et
> > certaines
> > féminisations peu convaincantes) d'un manque d'originalité qui les
> > vouait à demeurer toujours dans l'antichambre de la linguistique et
> > de la typographie.
> > 
> > Quand on songe que les copistes médiévaux avaient inventé de
> > nombreuses abréviations dont, si je ne m'abuse, des signes plus ou
> > moins génériques signifiant que le mot était abrégé (pour que le
> > lecteur recherche le vrai mot), et ce dans le seul but de justifier
> > les lignes de leurs ouvrages… je trouve que reprendre le point
> > médian
> > est la preuve d'un manque d'imagination qui voue ses inventeurs aux
> > oubliettes de l'histoire. Celui-ci était utilisé, je crois, pour
> > séparer les mots dans les inscriptions antiques, ainsi aujourd'hui
> > que dans la langue catalane où il est un signe diacritique. Jamais
> > personne n'a songé au monstre typographique qu'il est en train de
> > devenir.
> > 
> > Ne peut-on pas trouver mieux? Inventer un signe qui indique au
> > lecteur (celui qui lit, notamment à voix haute) que “ce mot est
> > épicène” (et doit donc être prononcé aux deux genres) plutôt que
> > d'indiquer les deux graphies séparées par un monstre typographique?
> > Ne peut-on pas non plus inventer un signe qui indique que tel mot
> > peut être masculin ou féminin tout en rappelant comment se forment
> > les deux variantes (plutôt de d'assister à des formulations
> > anarchiques)?
> > 
> > J'adopterai bien volontiers l'écriture inclusive le jour où un
> > système typographique cohérent sera proposé et où elle ne sera donc
> > plus uniquement une question idéologique (notez que je suis une
> > femme et que je le vis bien).
> > 
> > Bien à vous,
> > Flora
> > 
> >> Le 19 sept. 2020 à 23:43, Eric Guichard <Eric.Guichard@xxxxxxxxx
> >> <mailto:Eric.Guichard@xxxxxxxxx>> a écrit :
> >> 
> >> Bonsoir Thomas, si je comprends bien, vous avez toujours raison et
> >> tout(e) autre a tort?
> >> 
> >> Je pensais trouver des réponses positives à ma proposition de
> >> lecture. Si j'avais su que la question de l'écriture inclusive et
> >> de son analyse provoquait tant de dissensions au sein même de
> >> cette liste, je me serais abstenu.
> >> 
> >> Et je me tairai à l'avenir
> >> EG
> >> 
> >> Le 19/09/2020 à 17:29, Thomas Linard a écrit :
> >>> Ça ne se voulait pas désagréable (mais je comprends que cela soit
> >>> reçu ainsi, toutes mes excuses), c’était un exemple
> >>> d’argumentation
> >>> calqué sur celles de l’article : ce n’est pas ce que vous aviez
> >>> dit,
> >>> mais je vous l’impute pour rendre votre propos ridicule. C’est un
> >>> artifice rhétorique appelé « argument de l’épouvantail », car il
> >>> est
> >>> toujours plus facile de triompher d’une quintaine que
> >>> d’adversaires
> >>> réels et de leurs véritables arguments.
> >>> Je me souviens de cette
> >>> émissionhttps://www.franceculture.fr/emissions/signes-des-temps/le
> >>> criture-inclusive
> >>> <https://www.franceculture.fr/emissions/signes-des-temps/lecritur
> >>> e-inclusive><https://www.franceculture.fr/emissions/signes-des-tem
> >>> ps/lecriture-inclusive
> >>> <https://www.franceculture.fr/emissions/signes-des-temps/lecritur
> >>> e-inclusive>> de France Culture, où Danièle Manesse, qui avait
> >>> sous doute fini par croire que toutes les quintaines étaient des
> >>> adversaires réelles, se trouva fort dépourvue devant Éliane
> >>> Viennot, qui lui cloua vite le bec… Bref, « Et si on se détendait
> >>> sur le point médian
> >>> ?»https://www.madmoizelle.com/ecriture-inclusive-point-median-1060
> >>> 842
> >>> <https://www.madmoizelle.com/ecriture-inclusive-point-median-10608
> >>> 42><https://www.madmoizelle.com/ecriture-inclusive-point-median-10
> >>> 60842
> >>> <https://www.madmoizelle.com/ecriture-inclusive-point-median-1060
> >>> 842>>>>> 
> >>> Le 19/09/2020 à 17:08, Flora Vern a écrit :
> >>>> Bonjour,
> >>>> 
> >>>> Je parlais évidemment du point médian (voire du point tout court,
> >>>> du tiret ou autre signe employé de manière anarchique) qui pose
> >>>> des
> >>>> problèmes d'accessibilité en braille, pour la synthèse vocale et
> >>>> les personnes ayant des difficultés d'apprentissage.
> >>>> 
> >>>> En tout cas, l'écriture inclusive de vous rend guère aimable…
> >>>> Preuve que l'on peut être inclusif tout en insultant le reste du
> >>>> monde.>>>> 
> >>>>> Le 19 sept. 2020 à 16:50, Thomas Linard <thlinard@xxxxxxxxx
> >>>>> <mailto:thlinard@xxxxxxxxx><mailto:thlinard@xxxxxxxxx
> >>>>> <mailto:thlinard@xxxxxxxxx>>> a écrit :
> >>>>> 
> >>>>> Bonjour,
> >>>>> 
> >>>>> La féminisation des noms de métiers pose un problème
> >>>>> d’accessibilité ? On racle les fonds de tiroirs, là…
> >>>>> 
> >>>>> Le 19/09/2020 à 14:19, Flora Vern a écrit :
> >>>>>> Merci Éric pour cet article. Pour ma part, je trouve que
> >>>>>> l'argument du défaut d'accessibilité aux personnes souffrant de
> >>>>>> difficultés d'apprentissage ou d'un handicap visuel ou auditif
> >>>>>> est particulièrement pertinent. L'internet a pratiquement cessé
> >>>>>> de leur être accessible (avec tout le javascript qui traîne
> >>>>>> partout), ne leur ôtons pas (ne nous ôtons pas, en tant que
> >>>>>> société) l'accès à l'écrit numérique ou imprimé!
> >> 
> >> --
> >> Éric Guichard
> >> Membre du laboratoire Triangle (Ens de Lyon et Cnrs) et de l'IXXI
> >> Collaborateur extérieur de l'équipe Dante (Inria)
> >> Responsable de l'équipe Réseaux, Savoirs & Territoires de l'Ens-Ulm
> >> et du RAIL (IXXI-Enssib)
> >> Maître de conférences HDR à l'Enssib
> >> Ancien Directeur de programme au Collège international de
> >> philosophie
> >> 
> >> http://barthes.enssib.fr <http://barthes.enssib.fr/>