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Message : Re: [typo] écriture exclusive

(Flora Vern) - Dimanche 20 Septembre 2020
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Subject:    Re: [typo] écriture exclusive
Date:    Sun, 20 Sep 2020 12:42:34 +0200
From:    Flora Vern <ienissei@xxxxxxxxx>

Bonjour Thomas,

Non… j'aurais dû dire inventer (et non réinventer) le neutre, car il ne s'agit aucunement d'un neutre grammatical (une classe de mots) mais d'un neutre idéologique: le but de l'écriture inclusive est de retranscrire l'idée qu'il peut s'agir d'une personne de n'importe quel genre, mais sans énoncer les différents genres pour diverses raisons: cela alourdit inutilement les phrases, il faudrait forcément mettre un genre avant l'autre et donc lui donner la priorité, et enfin certains ont du mal à décider à quel genre ils appartiennent. Donc l'écriture inclusive se veut être un remède typographique à la complexité de la conception des genres (pas grammaticaux mais ressentis, sachant que la plupart des inclusivistes sont également partisans de la théorie du genre et non du sexe biologique).

Tout ce que je propose, c'est que l'écriture inclusive utilise des procédés typographiquement corrects qui, selon moi, sont encore à inventer. Le point médian est une abomination: il ne veut rien dire et il trahit la grammaire la plus élémentaire. Par exemple « cher•e•s … » ne veut rien dire au féminin car il manque encore l'accent. Encore pire quand on voit « éditeur•trice•s », puisque l'on ne sait plus désormais où l'on doit tronquer le masculin (le féminin n'ajoute pas de lettres, il en remplace).

Personnellement, je pensais plutôt à un système qui utilise la racine grammaticale du mot et qui indique, avec un signe typographique idoine (et peut-être plusieurs d'entre eux, en fonction des terminaisons) que l'on a omis les éléments genrés. De même que l'on abrège édition par édit° (je mets un signe degré car certains d'entre nous lisent en texte brut), on pourrait imaginer un exposant qui renvoie tant à éditeur qu'à éditrice sans reproduire toutes les lettres. Mais celui-ci reste à inventer. De même éventuellement que des signes diacritiques pour compléter (accents, etc.). Ou quelque chose comme cela, qui ait une vague cohérence grammaticale.

Cordialement,
Flora


Le 20 sept. 2020 à 11:48, Thomas Linard <thlinard@xxxxxxxxx> a écrit :

Bonjour Flora,

Réinventer le neutre ? Vous voulez dire le neutre comme en latin ? Mais celui-ci était un genre distinct, il avait ses règles d’accord et de flexions propres, et de toute façon il n’a jamais servi pour désigner les êtres humains. Personne de sérieux ne propose cela, vraiment, je pense qu’il est important de ne pas reproduire la démarche de cette tribune, qui impute des positions ridicules à ses adversaires (mais c’est l’habitude sur le blog de ces principaux rédacteurs, https://perditions-ideologiques.com/), et de lire ou d’écouter vraiment ce que les adversaires en question ont à dire.

J’ai conseillé Éliane Viennot, parce qu’elle est facilement accessible (et l’émission de France Culture était très bien), mais si la question de l’accessibilité des abréviations vous préoccupe, une bonne synthèse est là : https://legothequeabf.wordpress.com/2017/11/07/recommandations-pour-une-ecriture-inclusive-et-accessible/.

Cordialement,
Thomas Linard


Le 20/09/2020 à 03:33, Flora Vern a écrit :
Bonsoir Thomas,

Je ne suis pas opposée, en soi, à une écriture qui réinvente le neutre, mais j'ai toujours dit aux nombreux partisans de l'écriture inclusive que je côtoie que je trouvais le point médian (et certaines féminisations peu convaincantes) d'un manque d'originalité qui les vouait à demeurer toujours dans l'antichambre de la linguistique et de la typographie.

Quand on songe que les copistes médiévaux avaient inventé de nombreuses abréviations dont, si je ne m'abuse, des signes plus ou moins génériques signifiant que le mot était abrégé (pour que le lecteur recherche le vrai mot), et ce dans le seul but de justifier les lignes de leurs ouvrages… je trouve que reprendre le point médian est la preuve d'un manque d'imagination qui voue ses inventeurs aux oubliettes de l'histoire. Celui-ci était utilisé, je crois, pour séparer les mots dans les inscriptions antiques, ainsi aujourd'hui que dans la langue catalane où il est un signe diacritique. Jamais personne n'a songé au monstre typographique qu'il est en train de devenir.

Ne peut-on pas trouver mieux? Inventer un signe qui indique au lecteur (celui qui lit, notamment à voix haute) que “ce mot est épicène” (et doit donc être prononcé aux deux genres) plutôt que d'indiquer les deux graphies séparées par un monstre typographique? Ne peut-on pas non plus inventer un signe qui indique que tel mot peut être masculin ou féminin tout en rappelant comment se forment les deux variantes (plutôt de d'assister à des formulations anarchiques)? 

J'adopterai bien volontiers l'écriture inclusive le jour où un système typographique cohérent sera proposé et où elle ne sera donc plus uniquement une question idéologique (notez que je suis une femme et que je le vis bien).

Bien à vous,
Flora


Le 19 sept. 2020 à 23:43, Eric Guichard <Eric.Guichard@xxxxxxxxx> a écrit :

Bonsoir Thomas, si je comprends bien, vous avez toujours raison et tout(e) autre a tort?

Je pensais trouver des réponses positives à ma proposition de lecture.
Si j'avais su que la question de l'écriture inclusive et de son analyse provoquait tant de dissensions au sein même de cette liste, je me serais abstenu.

Et je me tairai à l'avenir
EG


Le 19/09/2020 à 17:29, Thomas Linard a écrit :
Ça ne se voulait pas désagréable (mais je comprends que cela soit reçu ainsi, toutes mes excuses), c’était un exemple d’argumentation calqué sur celles de l’article : ce n’est pas ce que vous aviez dit, mais je vous l’impute pour rendre votre propos ridicule. C’est un artifice rhétorique appelé « argument de l’épouvantail », car il est toujours plus facile de triompher d’une quintaine que d’adversaires réels et de leurs véritables arguments.
Je me souviens de cette émission https://www.franceculture.fr/emissions/signes-des-temps/lecriture-inclusive<https://www.franceculture.fr/emissions/signes-des-temps/lecriture-inclusive> de France Culture, où Danièle Manesse, qui avait sous doute fini par croire que toutes les quintaines étaient des adversaires réelles, se trouva fort dépourvue devant Éliane Viennot, qui lui cloua vite le bec…
Bref, « Et si on se détendait sur le point médian ?» https://www.madmoizelle.com/ecriture-inclusive-point-median-1060842<https://www.madmoizelle.com/ecriture-inclusive-point-median-1060842>
Le 19/09/2020 à 17:08, Flora Vern a écrit :
Bonjour,

Je parlais évidemment du point médian (voire du point tout court, du tiret ou autre signe employé de manière anarchique) qui pose des problèmes d'accessibilité en braille, pour la synthèse vocale et les personnes ayant des difficultés d'apprentissage.

En tout cas, l'écriture inclusive de vous rend guère aimable… Preuve que l'on peut être inclusif tout en insultant le reste du monde.


Le 19 sept. 2020 à 16:50, Thomas Linard <thlinard@xxxxxxxxx <mailto:thlinard@xxxxxxxxx>> a écrit :

Bonjour,

La féminisation des noms de métiers pose un problème d’accessibilité ? On racle les fonds de tiroirs, là…

Le 19/09/2020 à 14:19, Flora Vern a écrit :
Merci Éric pour cet article. Pour ma part, je trouve que l'argument du défaut d'accessibilité aux personnes souffrant de difficultés d'apprentissage ou d'un handicap visuel ou auditif est particulièrement pertinent. L'internet a pratiquement cessé de leur être accessible (avec tout le _javascript_ qui traîne partout), ne leur ôtons pas (ne nous ôtons pas, en tant que société) l'accès à l'écrit numérique ou imprimé!

-- 
Éric Guichard
Membre du laboratoire Triangle (Ens de Lyon et Cnrs) et de l'IXXI
Collaborateur extérieur de l'équipe Dante (Inria)
Responsable de l'équipe Réseaux, Savoirs & Territoires de l'Ens-Ulm et du RAIL (IXXI-Enssib)
Maître de conférences HDR à l'Enssib
Ancien Directeur de programme au Collège international de philosophie

http://barthes.enssib.fr

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