Bonjour Thomas,
Non… j'aurais dû dire inventer (et non réinventer) le neutre, car il ne s'agit aucunement d'un neutre grammatical (une classe de mots) mais d'un neutre idéologique: le but de l'écriture inclusive est de retranscrire l'idée qu'il peut s'agir d'une personne de n'importe quel genre, mais sans énoncer les différents genres pour diverses raisons: cela alourdit inutilement les phrases, il faudrait forcément mettre un genre avant l'autre et donc lui donner la priorité, et enfin certains ont du mal à décider à quel genre ils appartiennent. Donc l'écriture inclusive se veut être un remède typographique à la complexité de la conception des genres (pas grammaticaux mais ressentis, sachant que la plupart des inclusivistes sont également partisans de la théorie du genre et non du sexe biologique).
Tout ce que je propose, c'est que l'écriture inclusive utilise des procédés typographiquement corrects qui, selon moi, sont encore à inventer. Le point médian est une abomination: il ne veut rien dire et il trahit la grammaire la plus élémentaire. Par exemple « cher•e•s … » ne veut rien dire au féminin car il manque encore l'accent. Encore pire quand on voit « éditeur•trice•s », puisque l'on ne sait plus désormais où l'on doit tronquer le masculin (le féminin n'ajoute pas de lettres, il en remplace).
Personnellement, je pensais plutôt à un système qui utilise la racine grammaticale du mot et qui indique, avec un signe typographique idoine (et peut-être plusieurs d'entre eux, en fonction des terminaisons) que l'on a omis les éléments genrés. De même que l'on abrège édition par édit° (je mets un signe degré car certains d'entre nous lisent en texte brut), on pourrait imaginer un exposant qui renvoie tant à éditeur qu'à éditrice sans reproduire toutes les lettres. Mais celui-ci reste à inventer. De même éventuellement que des signes diacritiques pour compléter (accents, etc.). Ou quelque chose comme cela, qui ait une vague cohérence grammaticale.
Cordialement, Flora
Bonjour Flora, Réinventer le neutre ? Vous voulez dire le neutre comme en latin
? Mais celui-ci était un genre distinct, il avait ses règles
d’accord et de flexions propres, et de toute façon il n’a jamais
servi pour désigner les êtres humains. Personne de sérieux ne
propose cela, vraiment, je pense qu’il est important de ne pas
reproduire la démarche de cette tribune, qui impute des positions
ridicules à ses adversaires (mais c’est l’habitude sur le blog de
ces principaux rédacteurs, https://perditions-ideologiques.com/),
et de lire ou d’écouter vraiment ce que les adversaires en
question ont à dire. J’ai conseillé Éliane Viennot, parce qu’elle est facilement
accessible (et l’émission de France Culture était très bien), mais
si la question de l’accessibilité des abréviations vous préoccupe,
une bonne synthèse est là : https://legothequeabf.wordpress.com/2017/11/07/recommandations-pour-une-ecriture-inclusive-et-accessible/. Cordialement,
Thomas Linard
Le 20/09/2020 à 03:33, Flora Vern a
écrit :
Bonsoir Thomas,
Je ne suis pas opposée, en soi, à une écriture qui
réinvente le neutre, mais j'ai toujours dit aux nombreux
partisans de l'écriture inclusive que je côtoie que je trouvais
le point médian (et certaines féminisations peu convaincantes)
d'un manque d'originalité qui les vouait à demeurer toujours
dans l'antichambre de la linguistique et de la typographie.
Quand on songe que les copistes médiévaux avaient
inventé de nombreuses abréviations dont, si je ne m'abuse, des
signes plus ou moins génériques signifiant que le mot était
abrégé (pour que le lecteur recherche le vrai mot), et ce dans
le seul but de justifier les lignes de leurs ouvrages… je trouve
que reprendre le point médian est la preuve d'un manque
d'imagination qui voue ses inventeurs aux oubliettes de
l'histoire. Celui-ci était utilisé, je crois, pour séparer les
mots dans les inscriptions antiques, ainsi aujourd'hui que dans
la langue catalane où il est un signe diacritique. Jamais
personne n'a songé au monstre typographique qu'il est en train
de devenir.
Ne peut-on pas trouver mieux? Inventer un signe qui
indique au lecteur (celui qui lit, notamment à voix haute) que
“ce mot est épicène” (et doit donc être prononcé aux deux
genres) plutôt que d'indiquer les deux graphies séparées par un
monstre typographique? Ne peut-on pas non plus inventer un signe
qui indique que tel mot peut être masculin ou féminin tout en
rappelant comment se forment les deux variantes (plutôt de
d'assister à des formulations anarchiques)?
J'adopterai bien volontiers l'écriture inclusive le
jour où un système typographique cohérent sera proposé et où
elle ne sera donc plus uniquement une question idéologique
(notez que je suis une femme et que je le vis bien).
Bien à vous,
Flora
Bonsoir Thomas, si je comprends
bien, vous avez toujours raison et tout(e) autre a tort?
Je pensais trouver des réponses
positives à ma proposition de lecture.
Si j'avais su que la question de
l'écriture inclusive et de son analyse provoquait tant
de dissensions au sein même de cette liste, je me serais
abstenu.
Et je me tairai à l'avenir
EG
Le 19/09/2020 à 17:29, Thomas
Linard a écrit :
Ça ne se voulait pas désagréable (mais je
comprends que cela soit reçu ainsi, toutes mes excuses),
c’était un exemple d’argumentation calqué sur celles de
l’article : ce n’est pas ce que vous aviez dit, mais je
vous l’impute pour rendre votre propos ridicule. C’est
un artifice rhétorique appelé « argument de
l’épouvantail », car il est toujours plus facile de
triompher d’une quintaine que d’adversaires réels et de
leurs véritables arguments.
Je me souviens de cette émission https://www.franceculture.fr/emissions/signes-des-temps/lecriture-inclusive<https://www.franceculture.fr/emissions/signes-des-temps/lecriture-inclusive>
de France Culture, où Danièle Manesse, qui avait sous
doute fini par croire que toutes les quintaines étaient
des adversaires réelles, se trouva fort dépourvue devant
Éliane Viennot, qui lui cloua vite le bec…
Bref, « Et si on se détendait sur le point médian ?» https://www.madmoizelle.com/ecriture-inclusive-point-median-1060842<https://www.madmoizelle.com/ecriture-inclusive-point-median-1060842>
Le 19/09/2020 à 17:08, Flora Vern a écrit :
Bonjour,
Je parlais évidemment du point médian (voire du point
tout court, du tiret ou autre signe employé de manière
anarchique) qui pose des problèmes d'accessibilité en
braille, pour la synthèse vocale et les personnes
ayant des difficultés d'apprentissage.
En tout cas, l'écriture inclusive de vous rend guère
aimable… Preuve que l'on peut être inclusif tout en
insultant le reste du monde.
Le 19 sept. 2020 à
16:50, Thomas Linard <thlinard@xxxxxxxxx <mailto:thlinard@xxxxxxxxx>>
a écrit :
Bonjour,
La féminisation des noms de métiers pose un problème
d’accessibilité ? On racle les fonds de tiroirs, là…
Le 19/09/2020 à 14:19, Flora Vern a écrit :
Merci Éric pour cet
article. Pour ma part, je trouve que l'argument du
défaut d'accessibilité aux personnes souffrant de
difficultés d'apprentissage ou d'un handicap
visuel ou auditif est particulièrement pertinent.
L'internet a pratiquement cessé de leur être
accessible (avec tout le _javascript_ qui traîne
partout), ne leur ôtons pas (ne nous ôtons pas, en
tant que société) l'accès à l'écrit numérique ou
imprimé!
--
Éric Guichard
Membre du laboratoire Triangle
(Ens de Lyon et Cnrs) et de l'IXXI
Collaborateur extérieur de
l'équipe Dante (Inria)
Responsable de l'équipe Réseaux,
Savoirs & Territoires de l'Ens-Ulm et du RAIL
(IXXI-Enssib)
Maître de conférences HDR à
l'Enssib
Ancien Directeur de programme au
Collège international de philosophie
http://barthes.enssib.fr
La liste Typo — discussions typographiques Les archives : https://sympa.inria.fr/sympa/arc/typographieDésabonnement : < mailto:sympa_inria@xxxxxxxx?subject=unsubscribe%20typographie>
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