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Message : Re: [typo] Ecrits numériques et typographie

(Philippe Jallon) - Lundi 03 Octobre 2022
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Subject:    Re: [typo] Ecrits numériques et typographie
Date:    Mon, 3 Oct 2022 17:27:17 +0200
From:    Philippe Jallon <philippe.jallon@xxxxxxxxx>


> Le 29 sept. 2022 à 11:27, Michel Bovani <michel.bovani@xxxxxxxxxx> a écrit :
> 
> Tu te fais rare (on dira que moi aussi, probablement).

Ben voui… à la différence près qu'il me faut attendre encore plusieurs années avant la retraite. :(


> En fait je n’ai jamais eu de liseuse et je connais fort peu. Pas trop tenté, le papier me va bien pour les lectures plaisir et l’iPad pour le reste. 

Si tu n'es pas trop presbyte après correction, tant mieux.

Les liseuses modernes, en particulier la dernière génération de Kindle Paperwhite avec son écran plus large que les précédentes, offrent un confort de lecture presque identique au papier. Mais avec un gros plus : la possibilité d'augmenter, à la demande, la taille des caractères.

Et pour un grand presbyte – même après correction – comme moi, ça change tout ! Tout récemment, j'ai voulu lire "L'Espèce humaine" de Robert Antelme, dans la coll. Tel chez Gallimard. Ce titre n'existant pas en numérique, j'ai définitivement refermé la version papier au bout de cent pages, mes yeux n'en pouvaient plus.


> Je dirais (pour fabriquer des pdf adaptés à différentes tailles de tablettes) que sur une grande tablette, genre iPad 13 pouces, il te faut des marges pour maintenir une justification raisonnable, que sur une tablette 8 pouces, tu vas la réduire à 8mm pas beaucoup plus et que pour de la lecture sur smartphone, tu auras une marge symbolique. Pour le coup c’est vraiment un compromis typo.

Euh, sur un pdf, la marge est fixe, même si tu lis le pdf sur une tablette – contrairement à l'epub et son format « liquide », lequel format n'est plus liquide en cas de mise en page fixe. Certains éditeurs (par exemple Larousse) s'obstinent maintenant à pondre des epub à mise en page fixe, autrement dit des horreurs pour le presbyte moyen.

Donc, ton pdf sur une tablette, il n'a pas besoin d'avoir de marge, mettons pas plus de 2 px. Il y a déjà le chaton de l'iPad (pour les anciens modèles) qui imite plus ou moins l'effet d'une marge ; et même sans chaton, le texte sans marge ne dépasserait pas de l'écran et ne serait pas trop gêné par les bordures.

Mais pour les presbytes, le pdf idéal est celui à colonnage mutiple. Car si tu zoomes sur une colonne unique, l'effet de zoom maximum restera minime. Alors que si tu zoomes sur une simple colonne (parmi d'autres colonnes ou dans une mise en page aérée par beaucoup de blanc), l'effet de zoom sera plus substantiel. Et comme je suis fortement myope et fortement presbyte, je zoome au maximum. ;)

En revanche, certains fabricants, cette fois-ci pour pour des epubs destinés aux liseuses, ont cru judicieux d'imiter le papier, avec une marge de grand fond à droite. Oui, des marges asymétriques : faible à gauche (petit fond), forte à droite (grand fond). Un raisonnement complètement stupide ; j'ignore si c'est parce qu'ils sont informaticiens, parce qu'ils ne lisent pas ou parce qu'ils sont tarés – ou les trois à la fois.

C'est le genre de marge qui – me – rend fou. Pas seulement parce que ça détruit le gris typo (car en plus, bien souvent, ces marges-là sont ÉNORMES, sans doute composées par des djeunz qui ne connaissent pas les tourments de la presbytie), mais aussi parce que c'est idiot.
(Je contourne le problème par un déplombage assorti d'une conversion en azw3 – je n'achète quasi jamais d'ebooks chez Amazon – et un recadrage avec des marges uniformes de 2 pt.)


>> Sur liseuse, une marge de 2 pt offre un compromis de qualité optimale. Car plus la marge est grande, plus le gris typo est désastreux, surtout chez les presbytes qui affichent gros, donc avec moins de caractères par ligne.
> 
> Je ne sais pas si le gris en lui même a tant d’importance sur une tablette (c’est vraiment une question pour moi).

Sur une tablette, à ma connaissance, le gris typo est toujours meilleur que sur une liseuse. Du moins sur une très grande tablette (12,9 pouces), puisque je suis trop presbyte pour utiliser une petite tablette ou un smartphone à des fins de lecture.

Mais là encore, en cas de pdf, la qualité du gris typo dépend de la mise en page du pdf, pas de la tablette elle-même.
(les liseuses n'étant pas conçues pour afficher correctement du pdf ; c'est possible, mais pas du tout ergonomique)


> En revanche distendre exagérément certains espaces perturbe énormément la lecture.

Oui et non. Crois-moi, on s'habitue à tout. Tu trouveras atroce de voir des cadavres accrochés aux lampadaires… et au bout d'une semaine, tu n'y feras même plus attention. :D

Avec les espaces outrancières, c'est quasi la même chose. En revanche, le simple fait de passer à une meilleure qualité d'affichage t'incite à refuser tout retour en arrière. C'est ce qui se produit régulièrement avec les Kindle, chaque nouveau modèle étant généralement meilleur que le précédent sur ce point-là. Et plus particulièrement avec le dernier modèle (2020 ou 21, me souviens plus), entre autres grâce à un écran plus large qui permet en outre un meilleur agencement du texte. La différence est spectaculaire – mais, je présume, seules des personnes ayant déjà des problèmes de lecture (forte presbytie, accommodement difficile, etc.) sont vraiment en mesure sinon de s'en apercevoir, du moins de le percevoir d'une manière plus aiguë.

C'est aussi le cas de figure typique avec toute expérience nouvelle. La personne qui teste un nouveau machin (tablette, liseuse, smartphone, voiture, char à voile) tend souvent à former un jugement plus ou moins définitif sur une expérience parfois très brève et lacunaire, non représentative d'une lecture au long cours, donc non constitutive d'une expérience mieux informée.

Il y a dix ans, j'avais proposé à ma mère de lui offrir une liseuse (Sony PRS-T1). Elle a regardé la mienne et ma dit non, d'un air condescendant. Quelques jours plus tard, à Noël, elle mate ma nièce en train de lire sur la liseuse que je n'avais donc pas offerte à ma mère. Et ma génitrice, telle une gamine devant un Kinder Délice, me dit « Je veux ça ! »

L'exemple inverse : mon père a toujours préféré les vieilles Sony sans éclairage intégré à la Kindle (avant-)dernier cri.

 
> Et comme j’ai un doute sur l’obtention d’une bonne division des mots en bout de ligne avec un recalcul automatique à chaque fois que le lecteur décide de changer la taille des fontes…

De mémoire flanchante, donc à vérifier : la division des mots peut se régler soit par le fabricant de la liseuse avec un algo ad hoc, soit par le fabricant de l'epub.
Il me semble, puisque Olivier parlait de lui dans un autre message, que c'est la seconde option que Jiminy Panoz était en train d'expérimenter peu avant sa bifurcation professionnelle. Je crois me souvenir qu'il m'avait envoyé un epub afin d'en examiner les qualités et défauts d'affichage.


>> Surtout, n'oublie pas que beaucoup de gens lisent sur liseuse parce que leurs yeux peinent à lire sur papier.
> 
> Mon idée c’est que justement, si on propose un pdf adapté à chaque format de tablette pour un lecteur standard, le lecteur qui a besoin d’un caractère plus gros pourra toujours prendre le format inférieur…

Non (cf. ci-dessus), on ne peut pas concevoir un pdf adapté à chaque format de tablette, pour la simple raison que le pdf n'est pas un format liquide, donc pas redimentionnable automatiquement et à la volée. C'est toute la différence avec l'epub (du moins, un epub à mise en page non fixe).

Sur liseuse, c'est le lecteur lui-même qui règle l'appareil pour afficher le texte avec tel ou tel incrément de zoom. Et ensuite, sauf s'il modifie ce réglage, l'appareil affichera tous les textes de tous les bouquins avec le même incrément, ce qui représente un confort de lecture extraordinaire pour les – grands – presbytes.

Pour te donner une idée, j'affiche jusqu'à l'avant-dernier incrément de zoom (7 sur 8, donc très, très gros) sur ma vieille Kindle de 5e génération, qui doit dater de 2013 ou 2014. Sur l'avant-dernière génération de Kindle Paperwhite (2018, je crois), j'affiche en taille 8 sur 14. Et sur la dernière génération (2021, mais plus large d'un pouce), j'affiche habituellement à 9 sur 14.

C'est dire qu'Amazon – les autres fabricants aussi, je suppose – a nettement optimisé les conditions d'affichage, tant par le nombre d'incréments, en passant de 8 à 14, que sans doute aussi par la qualité du moteur d'affichage. À noter que sur mes deux Kindle récentes, il n'y a jamais de division des mots en fin de ligne, sauf bien sûr en cas de trait d'union préexistant. Le résultat est un peu trop visible sur le gris typo de l'avant-dernier modèle, mais moins perceptible sur le dernier (peut-être, là aussi, grâce à l'écran plus large).


> Il y a des BD en ePub ? Déjà je pensais que la couleur était exclue, moi ! 

On peut même afficher des epub en couleurs sur les liseuses – mais seulement sur des prototypes de liseuses qui, à ma connaissance, n'ont jamais été commercialisés.
Aucun problème, en revanche, pour afficher un epub en couleurs sur ordi ou sur tablette.

La différence essentielle entre d'une part une liseuse et d'autre part une tablette, un smartphone ou un ordi ne tient ni au format d'affichage (epub, pdf, etc.), ni à la taille de l'appareil (6, 13 ou 27 pouces), ni au nombre de couleurs ou de nuances de gris, mais au fait que la liseuse, et elle seule, utilise un affichage à encre électronique : e-ink, qui a donné aussi son nom à la marque E Ink qui commercialise cette technologie.
(mes infos sont très datées, donc peut-être à toiletter)


> Bon, moi le grand iPad je suis fan ça sert à tout courrier électronique, web, cinéma ! 

Je l'utilise surtout pour lire des magazines (je ne suis plus abonné aux versions papier qui m'abîment les yeux) et certains articles ou pages web très longs dont la lecture sur ordi fatigue les yeux.

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Philippe Jallon