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Message : Re: Typographie française , grandeur et decadence

(Olivier RANDIER) - Lundi 24 Mars 1997
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Subject:    Re: Typographie française , grandeur et decadence
Date:    Mon, 24 Mar 1997 02:15:50 +0100
From:    orandier@xxxxxxxxxxxxxxxxxxx (Olivier RANDIER)

>Le drame, dans l'histoire, c'est que faute de "vécu commun", la rupture
>entre les tenants du "bien penser", et de la formule-éclair se creuse
>d'autant plus que les repères culturels dérivent.
>
>La lecture globale a remplaçé l'apprentissage laborieux des composants du
>mot, et zou, avec lui tout sens de l'orthographe. Les pénibles analyses de
>textes n'intéressent plus personne, et avec elles, la grammaire passe à la
>trappe. N'allez pas parler de compréhension du texte, c'est réservé aux
>dinosaures, et cela ennuie les petits.
>
>J'en vois le résulat ici, aux Etats-Unis, mais aussi en France, o? j'ai des
>neveux et nièces désormais porteurs de références tellement lointaines de
>miennes que j'ai grand peine à communiquer. Il me semble qu'en lieu et
>place d'éducation, on insiste de plus en plus sur la formation (training),
>dans laquelle les gens sont traités comme des singes savants, qui après
>tout n'ont pas vraiment besoin de comprendre pour être efficaces.

C'est exactement ce que je ressens.

>Cela étant, et probablement malheureusement, il est probablement infiniment
>plus "rentable" d'avoir une bonne formation, immédiatement utilisable dans
>la vie, que d'avoir une tête bien faite, et aucune idée de ce que l'on veut
>faire.

C'est certainement plus rentable, mais je pense que ça ne rend pas les gens
plus heureux pour autant. On les forme simplement à être d'efficaces
rouages du système. Et on restreint d'autant leurs capacités à se
satisfaire par eux-mêmes, en se trouvant des centres d'intérêt personnels,
des « jardins secrets ».

Tout n'est pas perdu, cependant. Même aux Etats Unis, royaume du
>"training", on trouve encore deci-dela plein de délicieux intellectuels
>fumeux, qui n'ont rien à envier aux refaiseurs de monde de Saint Germain
>des Près. Il suffi de chercher un peu ;-)

Évidemment, les gens ne sont pas éternellement réductibles de cette façon,
sinon ç'aurait déjà été fait. Qui a dit, déjà : « you can fool everybody
sometimes, you can fool somebody everytimes, but you can't fool everybody
everytimes » [On peut tromper tout le monde un certain temps, on peut
tromper tout le monde un certain temps, mais on ne peut tromper tout le
monde tout le temps*] ?
Il faut aussi tempérer un peu cette impression négative : même si cette
paupérisation de l'éducation s'étend actuellement, la conscience se fait
jour aussi des dangers de celle-ci, jusques et y compris dans les milieux
de la grande entreprise, où l'on constate qu' elle aboutit à des individus
peu créatifs, qui éprouvent des difficultés à s'adapter à des conditions
sans cesse changeantes. On en vient donc à préférer parfois des hommes à
l'éducation plus généraliste, peut-être moins maniables, mais qui apportent
plus à l'entreprise.
Et on commence à comprendre que ce type de formation produit aussi ces
effets pervers à long terme, comme le cloisonnement qui nuit à la
communication, l'incompréhension mutuelle due à l'absence de références
communes, et la perte de valeurs comme la loyauté, sans lesquelles un
minimum de confiance est impossible... toutes choses nuisibles autant à
l'entreprise qu'à la société dans son ensemble.

C'était mon quart d'heure de philosophie « à la Saint-Germain-des-Prés ».

* Traduction libre de l'auteur

Olivier Randier - Experluette