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Message : Re: le didot et ses ligatures... (Alain Hurtig) - Mardi 06 Mai 1997 |
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Subject: | Re: le didot et ses ligatures... |
Date: | Tue, 6 May 1997 15:54:21 +0200 |
From: | Alain Hurtig <alain.hurtig@xxxxxx> |
At 14:22 +0200 6/05/97, Thierry Bouche wrote: >quelques éminents typographes français ont publiquement affirmé que le >didot, étant par excellence un dessin « absolu » ne devrait pas >recourir à des ligatures. > C'est un intéressant et irritant problème. Cette théorie a été affirmée avec force par René Ponot, dans le cahier Gutenberg n° 22 (« Le Didot a-t-il besoin de ligatures ? »). Ponot explique, en gros, que le Didot est la « typographie » pure, le caractère par excellence, qui s'est détaché de l'écriture manuscrite. Il est le caractère « porté au summum du dépouillement », sans ornementation d'aucune sorte. Comme les ligatures réfèrent au tracé de la plume, il semble logique que le Didot n'en utilise pas. Je cite : « Dans le Didot, c'est la lecture qui relie les lettres pour produire du sens ». >[le dessin de la ligature fi est _plus_ >géométrique, _plus_ absolu ou plus parfait que l'abominable >promiscuité f/i] > La « promiscuité » f/i est-elle « abominable ? » L'est-t-elle _toujours_ ? Le petit (et minuscule) choc du f et du point sur le i y sont-ils _ toujours_ gênants ? Le Didot, et les didones de façon générale, me semblent indiquer le contraire. Les lettres s'y suivent naturellement, et « produisent » du son d'abord, du sens ensuite. Les lettres y sont logiquement séparées et unis par le sens et par la morphologie des mots (les syllabes, les phonèmes, etc.) Ce n'est pas par hasard si ce caractère a servi si longtemps pour les livres d'apprentissage de la lecture (donc de la symbolisation, du passage de la forme au sens). On peut d'ailleurs se demander si la vogue actuelle des linéales comme caractères d'élection des livres destinés à « ceux qui ne savent pas encore lire » ne relève pas du même mécanisme : la lettre pure, dépouillée, sans ligature possible (hormis les {oe} et {ae}, qui ont sens orthographique). (NB : je _déteste_ les linéales, mais c'est un autre problème). Une exception cependant : le Didot en italiques. C'est un Didot « abatardi », une référence élégante aux typographies anciennes, un mélange savant et audacieux d'écriture manuscrite et d'écriture imprimée. Il supporte fort bien les ligatures. On peut toujours ligaturer le Didot italiques, et ne pas ligaturer le Didot romain, et ceci dans le même ouvrage. Pour terminer, une anecdote. devant produire une petite plaquette en Bodoni (petite soeur encanaillée du Didot), je me suis mis en tête de dessiner les ligatures inexistantes : ff, ffi, ffl. J'ai eu le plus grand mal à les réaliser, alors que ce travail est incroyablement facile pour une garalde ou une réale. Pire : ça ne fonctionnait pas bien en corps 10 ou 12, et moins bien encore en corps 8. Je ne saurais dire pourquoi, mais la ligature _gênait_. En revanche, elle était belle et fonctionnelle en corps 18 ou 25, dans la titraille : là où on ne lit plus, là où la partie purement esthétique reprend tous ses droits. ceci répond-t-il (partiellement) à la question ? Alain Hurtig alain.hurtig@xxxxxx ------------------------------------------------------------------- « Quand on n'a plus rien à désirer, tout est à craindre ; c'est une félicité malheureuse. La crainte commence où finit le désir. » Baltasar Gracian, L'homme de cour.
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- Re: le didot et ses ligatures..., Jacques Andre (06/05/1997)
- Re: le didot et ses ligatures..., Thierry Bouche (06/05/1997)
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- Re: le didot et ses ligatures..., Thierry Bouche (06/05/1997)