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Message : Barre oblique /

(Jacques Melot) - Dimanche 09 Novembre 1997
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Subject:    Barre oblique /
Date:    Sun, 9 Nov 1997 21:10:00 +0000
From:    Jacques Melot <melot@xxxxxx>

   Ce message n'a apparemment pas été distribué à la suite d'un premier
envoi samedi après-midi. Je fais donc une nouvelle tentative.

===============================
 Le 8 novembre 1997, à 13 h 40 T. U., nous recevions de Patrick Cazaux :

>>Allons, un petit effort, lancez-nous un débat saignant ou une question
>>sybilline, on vous attend...
>
>La question que je me pose n'a rien d'un débat saignant, mais si je
>pouvais avoir une réponse adéquate, j'en serais ravi. La voici : quel
>usage destinez vous à la barre oblique, le slash, dans vos textes ?
>Beaucoup de mes clients me remettent des textes qui en comportent souvent
>pour marquer une opposition, un rapport, voire une simple séparation. Et
>je ne peux me résoudre à les laisser, ca pour moi il n'évoque que la date
>et la division mathématique.
>
>Accepteriez-vous des choses comme cela :
>- "La  belle de Cadix" avec Carlo Di Angelo/Katya Blas/André Avon ;
>- La bataille juridique Apple/Microsoft ;
>- L'attitude des grévistes/syndicalistes...


   C'est ce qu'au lycée mes profs de français (et autres) appelaient du
« style télégraphique ». Ce n'est tout simplement pas correctement ou
complètement rédigé :  cela est acceptable pour un brouillon ou des
échanges très peu formels entre collaborateurs (c'est-à-dire dans un cercle
restreint et bien délimité). (N'oublions pas qu'il existe, au moins sur
Macintosh, deux barres obliques distinctes :  / ASCII et ? non-ASCII.)

   La tentation d'utiliser la barre oblique pour remplacer des
prépositions, des conjonctions ou marquer l'alternative n'est pas nouvelle.
Voyez, par exemple, la page de titre du Kreuter Buch de Hieronymus Bock
(1551) : « Darinn underscheidt/Namen unnd Würckung der Kreutter/Stauden,
Hecken unnd Beümen sampt ihren Früchten so inn Deütchen Landen wachsen,
auch der selbigen eigentlicher und wolgegründter gebrauch inn der Arznei,
fleissig dargeben, Leibs gesundheit zu fürderen unnd zu behalten sehr
nutzlich und trostlich/Vorab dem gemeinen einfaltigen Man [?]. Gedruckt zu
Staszburg durch Wendel Rihel/Im jar MDLI. » (en langue alsacienne).

   C'est une question qui n'est d'ailleurs pas purement typographique et,
en ce sens, on peut, hélas !  vous imposer d'utiliser le « / » contre votre
gré, à moins que vous ne disposiez de l'arsenal d'arguments nécessaire à
réfuter cette aberration. En particulier, ne l'oublions pas, va falloir
vous coltiner les féministes outranciers et autres « politically correct »
avec leurs inutiles et agressifs « she/he », « her/him », etc., et ça, ça
risque d'être sanglant !  Sans oublier le non moins inutile « et/ou ».

   [Là, je sens que ça va coûter de la bande passante...]


>
>Question subsidiaire : où auriez-vous mis le point d'interrogation dans le
>paragraphe précédent ?
>
>Dernière question : que pensez-vous de cette habitude, que je m'efforce de
>combattre, consistant à écrire les noms propres entièrement en cap, comme
>le font toutes les secrétaires de France et de Navarre, et tous leurs
>collègues par contagion ?


   C'est une habitude détestable, lorsque c'est l'occasion de supprimer les
signes diacritiques !

   D'une manière générale, cela ne me semble pas une bonne pratique. En
effet, lorsque l'on prend en considération ce qui se fait à l'étranger, ce
qui est plus que souhaitable, on s'aperçoit que cela peut mener à des
difficultés. Un long et intéressant débat a eu lieu récemment dans
FRANCE-LANGUE en ce qui concerne les noms des personnes dans les
différentes cultures. J'y ai rappelé notamment ce qui suit (9 oct. 1997 à
14 h 00 T. U., F-L 325/10/97 Noms et prénoms) :

>   Dans l'Europe chrétienne au moins, le nom, le vrai nom, est le nom
>chrétien, c'est-à-dire le prénom.
>
>   Jadis (sans remonter aux Romains), que je sache, les gens n'avaient que
>des prénoms, complétés, éventuellement, d'indications toponymiques ou
>autres chez les personnes plus ou moins importantes ou qu'il fallait
>caractériser.
>
>   À l'heure actuelle, alors qu'il est, sous certaines conditions, possible
>de changer de nom de famille, il est toujours quasi impossible de changer
>de prénom.
>
>   Cet état des choses persiste dans le système islandais. En Islande, les
>gens n'ont, en principe, pas de nom de famille, seulement des prénoms.
[...]

(je tiens le message complet à disposition des personnes intéressées, et
même l'ensemble du débat).

   Le fait de donner trop d'importance au nom de famille en le capitalisant
est donc plutôt malvenu. En voici un exemple.

   À supposer que l'on veuille appliquer une règle de capitalisation des
noms de famille, comment composer :

   « Lors de sa visite officielle en France, le Président de la république
d'Islande, Ólafr Ragnar Grímsson, accompagné de son prédécesseur, Vigdís
Finnbogadóttir, rencontreront Lionel Jospin. » ?

   En effet, comme je l'ai expliqué dans FRANCE-LANGUE, « Grímsson » dans
« Ólafr Ragnar Grímsson  », n'est pas un nom de famille, mais une
indication de filiation :  Ólafr [prénom] Ragnar [second prénom] Grímsson
[« fils de Grímr », ou, en traduction « fils du cruel »]. De même Vigdís
[prénom] Finnbogadóttir [« fille de Finnbogi », prononcé « fine-beau-yi »,
c'est-à-dire « arc de Finn [habitant de l'extrême nord de la Norvège, le
Finnmark] » ;  génitif :  « Finnboga », prononcé « fine-beau-gua »).

   Ici, les prénoms font office de noms. Il est positivement ridicule (et
irrespectueux) de dire ou d'écrire « Mme Finnbogadóttir » et « M.
Grímsson ». Il s'agit du Président Vigdís et du Président Ólafr Ragnar.

   Compte tenu de cette remarque, je pense qu'il est aussi difficile
d'admettre :

   « Lors de sa visite officielle en France, le Président de la république
d'Islande, ÓLAFR RAGNAR Grímsson, accompagné de son prédécesseur, VIGDÍS
Finnbogadóttir, rencontreront Lionel JOSPIN. »

que :

   « Lors de sa visite officielle en France, le Président de la république
d'Islande, Ólafr Ragnar GRÍMSSON, accompagné de son prédécesseur, Vigdís
FINNBOGADÓTTIR, rencontreront Lionel JOSPIN. »

   Sans aller chercher si loin (?), que fera-t-on avec le nom suivant ?

   « Bernard Marie du Chayron de Beaumont d'Abzac de la Douze »

   Même remarque en ce qui concerne l'usage de petites capitales pour les
noms de famille, préconisé par certaines revues scientifiques (ou autres).

>
>Patrick Cazaux
>Cadratin
>pcazaux@xxxxxxxxxxx


   J'espère que ces quelques remarques pourront être de quelque utilité,

   Amicalement,

Jacques Melot, Reykjavík
melot@xxxxxx