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Message : Re: Bon, et si on créait une liste PAO ?

(Jacques Andre) - Mardi 25 Novembre 1997
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Subject:    Re: Bon, et si on créait une liste PAO ?
Date:    Tue, 25 Nov 1997 10:45:58 +0100
From:    Jacques Andre <Jacques.Andre@xxxxxxxx>

Beaucoup de choses intéressantes ont été dites ces jours-ci sur ce sujet
et je me permet de rajouter mon grain de sel pour dire que finalement
je ne vois pas pourquoi ce genre de discussions n'auraient pas lieu
sur cette liste-ci étant entendu que typographie ne signifie pas
seulement caractères mais aussi code typo voire mise en page.
Par contre la charte veut que les discussions trop pointues ou
sectaires n'aient pas lieu ici.

Quant à la place de TeX par rapport aux autres systèmes, je pense
qu'un petit rappel historique précisera un peu les idées !

Pendant longtemps, l'édition était une affaire de professionnels
formés à ces métiers, chaque métier intervenant à un moment ou l'autre
de la « chaîne éditoriale » :
  - préparation de la copie,
  - (photo-)composition
  - épreuves
  - correction 
  - clichetage, gravure
  - montage,
  - imposition
  - etc.
sans oublier certains métiers, comme les dessinateurs et les 
maquettistes, qui intervenaient
une fois pour toute (par exemple pour une série) ou au coup par coup
(pour tel ou tel bouquin).
Aujourd'hui on est presque revenu à la méthode de Gutenberg ou en tout
cas des à celle des « éditeur-imprimeur » ou « imprimeur-libraire »,
etc. c.à.d. à l'homme à tout faire, depuis la rédaction (auteur), la
composition, jusque parfois même au brochage. Et ce sans avoir eu
d'autre formation que celle de voir comment font les autres.

Mais entre ces deux extrèmes, il y a eu beaucoup d'évolutions, de
concepts qui ont émergé.
Un des premiers points qui a été remis en question dans la chaîne
éditoriale ça a été la saisie des balises pour les photocomposeuses.
Tout le monde, dans les années 1960-1970 s'est penché sur le problème,
en France par exemple le SNE a essayé de définir des normes de balisage
des textes de façon d'une part de garantir l'indépendance vis-à-vis des
vendeurs de photocompo et d'autre part pour pouvoir réutiliser des
bandes de textes déjà saisis. Il y eu deux tendances qui ont abouti
et que l'on retrouve respectivement
   - dans TeX (je dis TeX et non LaTeX) : définir une sorte de 
     langage de photocomposition universel, c'est le DVI (device
     independent) et qui a servi un peu de modèle à PostScript. Par
     photocomposeuse, on entend une machine à noircir les bromures
     ou les feuilles des lasers (qui n'existaient pas alors), un
     moteur d'impression ; mais aucune notion de division des mots,
     ni même de ligne (en fait : pas de composition !).
   - dans la notion de balisage logique :  on ne dit plus qu'on 
     passe en gras, qu'on prend du corps 14 en capitales et qu'on
     centre, mais qu'on a un titre. Pour les informaticiens : c'est la
     notion de type (mais pas du tout celle de structure).

Mais il s'est aussi passé quelque chose que l'on oublie trop souvent :
pour leurs propres besoins (les imprimeurs répugnant à faire des
tirages de faible justification et les typos devenant de moins en 
moins compétants pour les compositions scientifiques) plusieurs labos
scientifiques (universités mais aussi centres de recherches privés) 
ont mis au point des systèmes de composition comme
la chaîne Troff de la Bell, TeX lui-même (je parle de la partie en
amont du dvi), et chez IBM le GML. Mais c'est surtout Brian Reid
qui à Stanford a fait avancer le schmilblick en définissant Scribe
avec deux notions fondamentales : celle de structure (hiérarchique
notamment) et celle de séparation de cette structure logique de la
structure physique, un langage permettant de passer de l'un à
l'autre. C'est de Scribe que sont issues des choses comme SGML
(qui est très très loin de GML) qui ne peut exister normalement qu'avec
un truc pour la description de la mise en page (DSSSL), Interleaf puis
FrameMaker, et LaTeX écrit par Lamport en amont du moteur TeX.
L'idée de base de Brian Reid était : à chacun son métier. Aux auteurs
de concevoir leurs textes en termes « logiques » (un titre, une
section, une liste, etc.) ; aux typographes de faire la mise en
forme (choix des caractères, mise en page, etc.).

Cette idée, que je défend énormément, a toutefois quelques inconvénients
qui ne sont pas encore bien résolus :

-1) Ces langages de mise en page (ou de feuille de style comme on dit
    maintenant) sont très abscons et quasi-impossibles à uitliser par
    un typographe qui n'est pas informaticien ; quelques recherches
    sont en cours pour définir des maquettes de façon interactive par
    exemple, mais en fait elles se heurtent sur les modèles de
    page et les concepts fondamentaux et minimals à utiliser. 

-2) Dans cette « chaîne graphique », on ne voit pas bien quand préparer
    la copie ni même faire les corrections (faut-il les faire dans
    le texte source, ou dans la feuille de style, ou ? et qui ?).

-3)  L'idéal serait
    qu'un éditeur recevant un texte LaTeX ressemblant en gros à la
    maquette de la collection où le livre sera publié puisse faire 
    (faire) par un typographe professionnel les mises au point de
    détail fines voulues. Mais Ces outils sont presque tous plus à     
    l'état de prototype que de
    produit défintivement au point et le        
    typographe ne peut que rarement intervenir pour affiner le texte. 

-4) Les auteurs d'aujourd'hui découvrent la typographie et décident
    d'eux-mêmes de ce qui est beau ou bien. Comme souvent les outils
    « logiques » ont un certain comportement « physique » on
    « détourne » ces concepts pour les utiliser autrement (par exemple
    HTML n'a pas le concept de multi-colonnage mais offre la possibilité
    de tables : des produits comme PageMills composent alors des
    documents sur deux colonnes en produisant du code HTML
    pour faire des tableaux).
    
Mais cette séparation des métiers reste une très bonne idée
et je trouve bien dommage que les métiers n'aient pas évolué
(il n'y a pas de maquettiste capable d'écrire des feuilles de style
en DSSSL, ni plus beaucoup de préparateurs de la copie dans les
maisons d'édition).

A chacun son métier, mais aussi à chaque métier ses outils. Vouloir
faire avec LaTeX la même composition qu'avec XPress ce n'est pas
raisonnable. VOuloir faire  en Illustrator un document que l'on pourra
rééditer deux ans plus tard selon une autre maquette ne l'est pas plus.





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Jacques André
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