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Message : Re: Asterix et obelix (fut : la dague et la croix)

(Jacques Melot) - Jeudi 08 Janvier 1998
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Subject:    Re: Asterix et obelix (fut : la dague et la croix)
Date:    Thu, 8 Jan 1998 00:46:24 +0000
From:    Jacques Melot <melot@xxxxxx>

 Le 7/01/98, à 15:22 +0000, nous recevions de Jean Fontaine :

>Jacques Melot écrit :
>
>>   Ma conclusion était qu'en anglais le terme technique pour désigner la
>>croix était « obelisk » et celui pour la double croix « diesis ». Dans
>>l'Oxford English Dict. on trouve également le synonyme (du premier)
>>« obelus », plur. obeli, tiré du latin (médiéval) obelus, lui-même tiré du
>>grec obelos, broche à rôtir.
>
>Une broche à rôtir le sanglier ?


   Comme quoi la théorie mathématique de la percolation est bien, comme il
je me plais à le dire, une illustration du dicton « aide-toi, le Ciel
t'aidera ». [Cherchez pas à comprendre, du moins pas trop, ça m'évitera des
explications qui promettent d'être voraces en bande passante...]


>>il ne fait aucun doute dans mon esprit que R. Goscinny avait
>>connaissance de ce fait et qu'il l'avait en vue lorsqu'il à choisi de
>>nommer ses héros Astérix (- ;  donc maigre) et Obélix (+ ;  donc gros) :
>>telle est l'origine de ces deux noms.
>
>
>J'ai terminé dernièrement la lecture d'une récente biographie de Goscinny
>mais, malheureusement, si on raconte la genèse des deux personnages, on
>n'explique par le choix de leur nom.
>
>Dans une biographie d'Uderzo, celui-ci dit : « Le seul vrai Gaulois que nous
>avions en mémoire était Vercingétorix. Les noms de nos Gaulois se
>termineraient donc, comme le sien, en -ix. Astérisque, obélisque, à bras
>raccourcis, panoramique et assurance tous risques ont donné la première
>cuvée. Nous avons pensé qu'il serait astucieux que le nom du
>personnage-vedette commence par la lettre A pour être en tête des listes
>alphabétiques. Nous avons choisi Astérix. [...} J'avais dessiné Astérix
>selon les canons traditionnels des héros forts en torse. L'idée de René
>était opposée. Il voulait réaliser un antihéros. Astérix serait un nabot,
>aussi perceptible qu'une ponctuation. »
>
>Au départ,  Goscinny ne voulait pas qu'Astérix soit accompagné d'un
>faire-valoir, mais il s'est incliné devant Uderzo qui s'est entêté à faire
>imposer Obélix. C'est finalement Obélix qui devint le antihéros, alors
>qu'Astérix est un héros pur, sans défaut, sans peur et sans reproche.
>
>J'aimerais bien croire que Goscinny connaissait ce lien
>astérisque-obélisque. C'était un homme cultivé, mais n'oublions pas que les
>élucubrations de certains exégètes le faisaient bien rigoler...
>
>
>Jean Fontaine
>(En passant, ma boîte s'appelle Druide informatique...)


   Cher Jean,

   il n'est, bien sûr, pas tout à fait exclu que l'association des deux
noms donnés par Goscinny soit le fait du hasard, et ce déjà parce que le
nombre de mots se terminant par -isque en français est très limité.

   Voici ce que m'a donné une recherche dans l'édition sur disque du Petit
Robert (clé :  *isque) :

astérisque, bisque, capital-risque, damalisque, disque, francisque,
lentisque, mange-disque, ménisque, multirisque, obélisque, odalisque,
puisque, risque, sphénisque, tourne-disque, vidéodisque

(auxquels on peut ajouter les quelques mots se terminant en -[consonne]ix,
obtenus par en faisant une recherche à l'aide de la clé *#ix, crucifix,
dix, hélix, oeil-de-perdrix, perdrix, phénix, phoenix, préfix, prix, remix,
sandix, six, tamarix, trente-six et trois-six).

   On voit donc, en effet, que si on se limitait aux seuls mots en -isque
et -ix, seul « obélisque » viendrait réellement en question, d'autant plus
que Goscinny ne disposait pas, à l'époque, d'un instrument de recherche
aussi puissant que ceux que nous avons maintenant à disposition.

   Toutefois, une bonne partie des noms adoptés pour les personnages
initiaux et permanents, à savoir Astérix, Obélix, Abraracourcix,
Agecanonix, Assurancetourix, Panoramix, Cétautomatix, Idéfix et
Ordralphabétix (je saute Bonemine, la femme du chef), sont dérivés de mots
en -ique (Panoramix, Cétautomatix, Agecanonix, Ordralphabétix), -ixe
(Idéfix), qui sont au nombre de 2099 dans le Petit Robert, resp. 9 (affixe,
antéfixe, fixe, infixe, nixe, préfixe, prolixe, rixe et suffixe), voire
-cis (Abraracourcix), lesquels sont au nombre de 11 (dont quelques-uns
improbables, comme « circoncis » et « incirconcis » !).
   Dans ce dernier cas, je me montre d'ailleurs très concessif, puisqu'en
réalité une foule de noms en -is (432) pourraient faire l'affaire (je me
délecte à la pensée d'un Æpyornix, d'un Inlandsix  - un nom qui aurait pu
convenir à Obélix, comme le précédent, à la rigueur -, d'un Amaryllix, d'un
Myosotix, d'un Trèprécix  - un Helvète, pour sûr ! -, etc.).

   À tout cela s'ajoute les noms propres de l'antiquité en -is (et même en
-ix, Osantrix, probablement une forme latinisée du bas allemand Osrik,
selon Ásgeir Magnússon, Íslensk orðsifjabók [dict. étym. isl.]), ainsi que
des quantités de formations qui ne suivent pas exactement les modèles
précédents (Abscix, Premieralix ou Échelledèzix, pour un comptable,
Généralix, pour un druide guérisseur, Lètroissuix, etc.) et plus
généralement tout ce qui supporte plus ou moins facilement un suffixe -ix,
ce qui fait donc, au total, un très grand nombre de possibilités, en sorte
que nous voilà revenu, à peu de choses près, à la case de départ :  il
reste probable que Goscinny, qui était l'homme cultivé que l'on sait, avait
en vue l'astérisque et l'obèle, deux termes de paléographie, associés,
inséparables et complémentaires... comme nos deux héros.

   Salutations amicales,

Jacques Melot, Reykjavík
melot@xxxxxx


P. S.   Ah oui !  J'allais oublier. Voici la traduction d'une partie des
noms donnés par Goscinny, en d'autres langues.

   Allemand et suédois (probablement aussi norvégien et danois) :

Asterix, Obelix, Miraculix (le druide), Majestic (le chef), Troubadix (le
barde), Idefix (le chien).

   En islandais, c'est plus original, car il s'agit d'une langue dans
laquelle on n'emploie pas de mots dits internationaux, entre autres parce
que la création terminologique est à la portée de tout un chacun et n'y
présente aucune difficulté :

Astérix est Ástríkr (ást, amour, ríkr, riche, donc Plein d'amour), Obelix
est Steinríkr (pierre, riche), Panoramix le druide est Sjóðríkr (sjóða,
cuire), Abraracourcix le chef est Aðalríkr (aðall, noble ou principal,
suivant le contexte, all. Edel-, vieil angl. Æþel- dans Æþelred, Æþelbert,
Æþelwulf, Æþelbald, etc.), Assurancetourix le barde est Óðríkr (symphonie,
riche), Idéfix le chien est Smáríkr (petit, riche) et puisqu'on en est à
jouer les prolongations, le poissonier s'appelle Slorríkr (slor n'a, je
crois, pas d'équivalent en français ;  il s'agit de la viscosité
superficielle des poissons).