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Message : Re: Ligature(s)

(Jean Fontaine) - Jeudi 05 Février 1998
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Subject:    Re: Ligature(s)
Date:    Thu, 5 Feb 1998 01:55:25 -0500
From:    "Jean Fontaine" <jfontain@xxxxxxxxxxx>

   Bravo à la langue islandaise pour sa créativité lexicale. En fait, c'est
surtout ceci qui m'avait fait tiquer :

>>>P. S.   Le fait, pour un mot, de figurer dans un des dictionnaires de la
>>>langue française, ne signifie pas que ce mot est français, mais qu'il est
>>>en usage dans notre langue

   Qu'est-ce que le français sinon l'usage français? Le français est ce que
les francophones en font (hum, ma définition est circulaire, j'en
conviens... parlons plutôt de feedback, pardon, de rétroaction...)

>>Et je ne sais pas si, à
>>l'époque de Cicéron, un dictionnaire du latin aurait donné à ces trois
>>mots le sens que le français leur donne aujourd'hui (par exemple le sens
>>concret de «document» pour «curriculum vitæ»).
>
>   C'est votre définition personnelle. Le document en question prend le nom
>de « curriculum vitæ » par identification ou extension parce que presque
>toujours le curriculum vitæ est présenté par écrit, mais le curriculum vitæ
>reste une description ou un ensemble d'indications (comme on parle de
>« bureau » dans le sens de table de travail, de pièce de travail et même
>plus abstraitement encore). D'ailleurs, en latin, l'expression « curriculum
>vitæ » avait déjà un sens spécialisé et abstrait, identique du sens actuel
>ou très voisin.


   C'est justement ce phénomème d'extension de sens que je voulais
illustrer. Je ne disais pas que le sens concret était l'unique sens français
de «curriculum vitæ» (à quand «cévé» ?), ni que son sens spécialisé abstrait
n'existait pas en latin. Je voulais seulement dire que l'association
forme/sens n'était pas la même (le sens n'ayant pas la même extension) dans
les deux langues et qu'on pourrait alors parler de deux mots différents
(pour ne pas employer une terminologie plus saussurienne...)

>>Je ne sais pas si la
>>locution «ex æquo» aurait été sentie comme figée pour un contemporain de
>>Cicéron.

>
>   Déjà dans l'antiquité, ex æquo était une locution adverbiale, donc une
>expression essentiellement figée.

   Pour celle-là, je n'avais pas pris le temps de vérifier, mais je comptais
sur l'incollable érudition «melotienne» (tiens, un néologisme de formation
franco-française, ou islando-française?) pour me rectifier au besoin. Mais
j'ai un alibi (oh le beau mot français d'origine latine, mot venu
d'«ailleurs», d'ailleurs...), un alibi très commode! L'ordi d'où je tape mes
élucubrations «méliennes» n'est pas celui d'où j'ai accès à mes meilleurs
ouvrages de référence, au bureau (autre mot à géométrie sémantique variable,
comme vous l'avez souligné). Combien de fois je voudrais avoir le don
d'ubiquitas pour ne pas avancer des choses non vérifiées... Mais pour
revenir au point ici discuté, on trouverait probablement un exemple qui
illustre ce que je veux dire. Une locution pseudo-latine comme «vulgum
pecus», peut-être?

   Mais vous avez oublié l'argument le plus cher à mon coeur (ici, je ne
«ligature» pas les deux oreillettes de ce mot coeur pour les raisons
techniques expliquées pas Alain Hurtig), l'argument le moins logique, le
plus subjectif (le plus typographique, quoi...) : l'ineffable joliesse du æ
minuscule !

   Pour le oe, c'est le contraire, je le préfère en capitale, quand le O et
le E sont bien superposés, télescopés en un beau « O dans l'E », ou plutôt
vice versa (encore du latin, décidément... je jure que je ne fais pas
exprès!)

>   Amicalement,
>
>Jacques Melot, Reykjavík
>melot@xxxxxx


   Idem,   :-)

Johannes Fons
jfontain@xxxxxxxxxx